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De l'effet direct horizontal des directives

Publié le 21 janvier 2010 par Duncan

L'arrêt CJCE, arrêt du 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci, C-555/07 (voir ce post du JMI) n'est pas seulement d'un grand intérêt pour la pierre qu'il apporte à l'édifice de la non-discrimination en fonction de l'âge. A dire vrai, cet apport là semble en fait tout-à-fait mineur par rapport à la véritable révolution qu'il porte en germes s'agissant de l'effet direct horizontal des directives.

On le sait, la Cour a toujours refusé de reconnaître aux directives un effet direct horizontal, c'est-à-dire la possibilité pour un particulier d'invoquer, dans un litige contre un autre particulier, le texte d'une directive. Comme l'Avocat général le rappelle dans ses conclusions sous l'affaire en cause, la Cour a malgré tout développé, pour contrecarrer les effets les plus nuisibles de cette jurisprudence, toutes sortes de "stratégies" permettant de contourner cet interdit.

"La Cour demeure opposée à la reconnaissance d’un effet direct horizontal des directives et elle semble considérer que les deux palliatifs principaux que constituent l’obligation d’interprétation conforme et la responsabilité des États membres pour violation du droit communautaire sont, dans la plupart des cas, suffisants à la fois pour assurer la pleine efficacité des directives et pour donner satisfaction aux particuliers qui s’estiment lésés par le comportement fautif des États membres" (point 65).

Toutefois, dans l'affaire en cause, où la juridiction de renvoi était dans l'incapacité d'interpréter la disposition nationale litigieuse conformément à la directive, ces solutions semblaient insatisfaisantes. Et l'Avocat général d'appeler la Cour à une approche "plus ambitieuse" (point 70).

La Cour semble avoir entendu l'appel de son avocat général.

Ainsi, même si la Cour reconnaît "qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre" (point 46), elle considère, dans le même temps,  que "l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles" (point 47). Comment dès lors satisfaire à cette double exigence dans un cas comme celui en cause où la loi nationale "n’est pas susceptible d’une interprétation conforme à la directive 2000/78", un des succédanés classiques de la Cour de Justice?

Tout d'abord, la Cour note que "la directive 2000/78 ne fait que concrétiser, sans le consacrer, le principe de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et, d’autre part, que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge est un principe général du droit de l’Union en ce qu’il constitue une application spécifique du principe général de l’égalité de traitement"(et ce depuis l'arrêt Mangold)

C'est dans ses conditions "qu'il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige mettant en cause le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée toute disposition de la réglementation nationale contraire à ce principe".

Ce faisant, la Cour de Justice semble consacrer l'effet direct horizontal de la directive 2000/78... Et la Cour de préciser que le juge n'a, pour ce faire, aucune obligation, mais une simple faculté (enfin, sauf, j'imagine, à supposer que le tribunal national se trouve dans le cas où la saisine de la Cour est obligatoire... voir article 267 TFUE), de recourir à la procédure de question préjudicielle.

Toutefois, une certaine prudence s'impose: à la lecture attentive des conclusions de l'Avocat général et de l'arrêt de la Cour, cette extension ne semble devoir jouer que dans le cadre de cette directive de lutte contre les discriminations et parce que cette discrimination particulière (en fonction de l'âge) a été (de manière contestée ceci dit) élevée au rang de "principe général du droit européen". En effet, ce caractère de principe général a pesé lourd dans la décision de la Cour. Toute autre décision n'aurait pas permis de garantir la pleine effectivité de la jurisprudence Mangold. Reste à voir si ce critère est effectivement décisif ou s'il s'agissait pour la Cour d'effectuer un revirement de jurisprudence "masqué" dont elle a le secret... 

Enfin, notons que l'avocat général ne considère pas que cette jurisprudence nouvelle consacre un véritable effet direct horizontal pour la directive 2000/78:

"En effet, la présente affaire a uniquement pour enjeu l’exclusion d’une disposition nationale contraire à la directive 2000/78 (...) pour permettre au juge national d’appliquer les dispositions restantes de cet article, en l’espèce les délais de préavis calculés selon la durée de la relation de travail. Il ne s’agit donc pas ici d’appliquer directement la directive 2000/78 à un comportement privé autonome n’obéissant à aucune réglementation étatique particulière comme, par exemple, la décision que prendrait un employeur de ne pas embaucher les travailleurs âgés de plus de 45 ans ou de moins de 35 ans. Seule cette situation conduirait à s’interroger sur l’opportunité de reconnaître à cette directive un véritable effet direct horizontal" (point 88)

Bref, le débat reste ouvert tant sur la portée de l'arrêt que sur la nature de l'effet qui y est consacré...


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