Magazine Journal intime

Douiret, rénovation troglodyte

Par Ghizlane
Lumière dorée pour m'accueillir, et cette incroyable douceur de la montagne lorsque le vent ne souffle pas ! Quelques marmottes goundis détalent dans leur terrier, les alouettes chantent leurs trilles légères...et le bonheur est dans chaque pierre du chemin qui monte jusqu'à ma maison troglodyte. Les jeunes maçons s'activent dans tous les sens, odeur de chaux...Les grottes connaissent enfin leur renaissance, et revêtent leur nouvelle couche de blanc qui va les faire revivre. Instantanément l'espace s'agrandit, se redessine, les détails surgissent. Vêture nuptiale pour une vieille dame, la grotte du marabout se prépare à un grand moment...celui de se voir envahie par mon désordre irréductible qui va lui donner vie après des années d'oubli.
La cuisine habillée de tadelak couleur brique n'attend plus que l'heure du thé à la menthe.
Dans 15 jours, je vais enfin pouvoir emménager...mais auparavant, la famille berbère m'a prévenue...il faut sacrifier le chevreau. Et là pour moi ça se gâte ! Mais impossible de déroger à la tradition.
-"Mais oui, m'explique le grand frère, c'est obligé, quand une maison se termine, il faut que le sang coule..."
Le sang a déjà coulé il y a un an, lorsque, démarrant les travaux, une série d'événements insolites a failli coûter la vie aux maçons qui travaillaient sur place. Les pierres qui visent les têtes, les échelles qui glissent...les chutes imprévues, ont décidé Raouf à sacrifier une chêvre. Il m'a téléphoné tout heureux pour me le dire :
-"Tu sais ma soeur, on a sacrifié une chêvre, dans la grotte, pour que tout se passe bien..." Et je suis restée sans voix, balbutiant un timide :
-Mais moi, Raouf, j'ai pas l'habitude, il faut pas prendre la vie...
La végétarienne que je suis doit s'habituer. Ici il faut s'adapter, comprendre les us et coutumes, se fondre avec eux sans pour autant se renier...et j'y arrive. Je commence à saisir quelques phrases en arabe, j'ai un peu de vocabulaire, je me sens participante. Mais au début, les inévitables crises d'identité se sont produites. Sentiment de solitude, flottement...puis, doucement, la mosaïque s'est mise en place, les différences culturelles se sont polies l'une à l'autre, nous avons commencé à parler le même langage et l'harmonie règne dans notre communauté.
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J'ai parfois l'impression que l'esprit de la montagne est complice de mon installation ici. Parler d'esprit de la montagne n'est pas un vain mot. Il y a un visage immense et énigmatique qui s'est creusé dans la falaise et qui semble surveiller la vallée, le génie des lieux...qui ne respire que la nuit lorsque le peuple des hommes s'est endormi.

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