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Hommage : trois poèmes d'Haïti, une autre "île à poètes".

Par Ananda

Nous,
les extravagants, les bohèmes, les fous,
Nous
qui aimons les filles,
les liqueurs fortes,
la nudité mouvante des tables
où s’érige, phallus,
le cornet à dés.
Nous,
qui aimons tout,
tout :
L’église,
la taverne,
l’antique,
le moderne,
la théosophie,
le cubisme.


Nous
aux cœurs
puissants comme des moteurs
qui aimons
les combats de coqs
les soirs élégiaques,
le vrombissement des abeilles
dans les matins d’or,
la mélodie sauvage du tam-tam,
l’harmonie rauque des klaxons,
la nostalgie poignante des banjos.
Nous,
les fous, les poètes,
nous
qui écrivons nos vers les plus tendres dans des bouges
et qui lisons l’Imitation dans les dancings.
Nous
qui n’apportons point la paix,
mais le poignard triste
de notre plume
et l’encre rouge de notre cœur.


        

Carl Brouard (1902-1965)

"Pages retrouvées"

 

Pour célébrer la terre
Verte et fraîche
hors de la nuit
Arrachée verte et fraîche
à la nuit
Pour célébrer la terre
hors du lit de la nuit
où dormait la nuit
molle et douce dans chaque creux de la terre
La nuit comblait chaque creux de la terre
coulant jusqu'au profond de chaque ravin
le long de toutes pentes
Et chaque pente surélevée
chaque doux mamelon de colline
toutes les montagnes brandies le jour comme un cri
chaque pente chaque montagne
étaient enveloppées par la nuit
enveloppées par la nuit
prises dans la pesanteur mouillée
des bras de la nuit
la terre entière
dans ses creux
dans ses collines
enveloppée dans la pesanteur mouillée de la nuit
Pour célébrer la terre hors de la nuit
verte et fraîche
mille rayons clairs debout
derrière d'autres mornes
jusqu'à d'autres rayons clairs
derrière d'autres mornes
mille rayons clairs
de mornes à mornes
dentelés
dans les rayons clairs
mille par mille rayons clairs
font une tente de clarté
au-dessus des creux profonds
arrachés à la nuit
au-dessus des creux profonds
hors de la nuit
au-dessus des creux
entre les mornes
crêtés de rayons clairs
hors du creux profond de la nuit
hors du creux noir et mouillé de la nuit
dans un creux profond des mornes
dans un creux
entre mornes crêtés et rayons clairs
dans un creux hors de la nuit
hors de la mollesse ouverte
profonde et mouillée de la nuit
Dans un creux profond de mornes
dans un creux de clarté
de tentes de la clarté
un arbre seul
pour célébrer la terre
un arbre seul
dur et droit
que cachait la nuit (...)

Roger Dorsinville (1911-1992)


Bouche de clartés
Ma bouche folle de systèmes
Folle d'aventures
place des balises
aux virages les plus dangereux
Ma bouche noire de misère
de salive noire
noire de nuit noire
boit son bol de clartés
Ma bouche enceinte de chansons
enceinte de couleuvres
de mon premier cri d'enfant
tient des propos
qui scient la lune en deux
Et c'est ma bouche
pleine de rumeurs
qui dit aux hommes
la peine d'un monde
qui s'ouvre les veines

René Dépestre

"Haïti poètes noirs, poèmes haïtiens".

Source : revue de poésie par courriel de Benoist MAGNAT : "Les poèmes entretiennent l'amitié Les poèmes révolutionnent la société".

 

 


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