Je lis ce propos d'Elkabbach et je m'interroge :
"Vous êtes un cinéphile, ça me fait penser à un vieux film magnifique avec Alec Guiness, Noblesse oblige : le bateau coule et le capitaine salue et coule dans la dignité".
Quand on connaît l'intrigue du film, on sait que ce capitaine (d'ailleurs joué Alec Guiness comme pour les autres membres de sa famille) est justement le seul qui n'a pu être assassiné par le personnage principal qui a éliminé tous les concurrents pour son accession au duché. Ce n'est qu'une péripétie du film, non son épilogue. Or ce personnage qui est le fil conducteur rédige en prison ses mémoires avant son exécution, ce qui donne lieu à des retours en arrière comme celle-ci, inspirée d'ailleurs d'un fait réel ou du moins rapporté par la presse. Qu'est-ce que cela veut dire ?
On est dans le débat totalement piégé dès le départ. Plusieurs hypothèses sont possibles ensuite (je ne connais pas l'émission).
Bayrou reconnaît sa cinéphilie, dit qu'Elkabbach a mal résumé le film, puis il le raconte. Il se piège, car il doit avouer alors qu'il a assassiné tous les rivaux qui pouvaient prétendre à la possession des sigles UDF et MoDem.
Bayrou rentre dans la métaphore afin de dire qu'elle est fausse d'un pur point de vue cinéphilique, sans relever l'énormité d'Elkabbach, mais cela ne relève pas le débat pour autant. On est dans la langue de bois.
Bayrou dénonce le procédé totalement faussé par ce genre de comparaisons biaisées qui n'ont pas lieu pour des personnes de la majorité. On lui répond alors que tout le monde est également traité. La bonne vieille blague !
Je ne sais comment il a répondu et au fond je m'en fiche. Ce qui m'importe, c'est de voir comment un journaliste très brillant arrive à aligner un homme politique aussi brillant, qu'il aurait pu ménager quelques années plus tôt s'il avait été du même côté. On amène un fait anecdotique et accessoire comme le fait essentiel, on fait appel à une culture supposée devant laquelle il ne faudrait pas se défausser. On attend de savoir s'il va répondre à des choses comme : intrigue réelle du film, bateau coule, ou bien s'enfermer dans l'assassinat de tous ses adversaires au sein de son parti (alors qu'on n'a jamais posé la question à Mitterrand, Chirac ou Sarkozy !) Ce genre de questions à multiples ouvertures et fortement culturel est le pire de la bassesse à mon avis : il ne faut que prendre la bête dans les filets. Ce n'est pas du vrai journalisme, même si cela en a l'apparence.