Nous sommes en 1976. Avec Diego et Susy. Modernes, cultivés, curieux. Amoureux. Affalés sur leur canapé. Susy a défait ses chaussures en toile. Diego prépare une cigarette qui fait sourire. Ils ont passé l’après-midi à chiner.
Un boitier réflex. Pour une bouchée de pain.
Diego ferme les yeux, s’embrume l’esprit et se laisse bercer. La tête de Susy sur sa cuisse. Le reste de la journée et de la soirée est une histoire de consentement mutuel. Soupirs, verres de vin, draps enroulés autour de leurs tailles, somnolences, sourires enfumés, soupirs à nouveau. Puis sommeil profond, enfin.
La semaine suivante, Diego achète plusieurs pellicules. Et déclenche frénétiquement.
Pigeon. Voiture. Plaque d’égout. Trottoir. Sourire flou. Piéton désaxé. Ciel bleu. Contre-jour. Grand-mère contemplative.
Etc.
Etc.
Etc.
Jeudi 17 juin 1976. La RFA l’emporte 4 à 2 contre la Yougoslavie en demi-finale du Championnat d’Europe. Mais l’Argentine s’en fout.
Diego immortalise le visage de sa chère et tendre. Elle immortalise le sien.
Selon Wikipedia, un rite ou rituel est une séquence d’actions stéréotypées, chargées de signification, et organisées dans le temps. Le rite n’est pas spontané: au contraire, il est réglé, fixé, codifié, et le respect de la règle garantit l’efficacité du rituel.
Depuis 1976, chaque 17 juin, Diego Goldberg photographie. Sa femme et lui. Puis Nicolas, Matias et Sebastian les rejoindront en 77, 78 et 83. Et seront photographiés à leur tour. Pour figer, rien qu’un instant, la Flèche du Temps.