Lundi, 25 janvier 2010
Tel que dans l’affaire du sauvetage d’AIG aux États-Unis où l’on accuse aujourd’hui la Réserve fédérale de New York d’avoir dissimulé de l’information qu’elle devait légalement fournir (voir billet du 13 janvier), la gestion de la crise des PCAA chez nous a donné lieu également à un camouflage d’information pertinente qui aurait pu faciliter la compréhension de ce qui passait, et qui sait, sa solution.
Rappelons les faits. En août 2007, sous l’impulsion de la Caisse de dépôt et placement du Québec, dirigée à l’époque par Henri-Paul Rousseau, le marché des papiers commerciaux adossées à des actifs (PCAA) est gelé, c’est-à-dire qu’aucun remboursement des titres venus à échéance ne sera effectué, ainsi qu’aucune transaction sur les titres en circulation. La raison, il faut restructurer ces instruments de dettes qui ne trouvent plus preneur à cause d’une crise de confiance quant au remboursement éventuel de ces papiers.
Les PCAA étaient des billets à court terme garantis par des paniers d’actifs cotés pour la plupart AAA par l’agence de notation Canadian Bond Rating Services (DBRS). Mais la crise de crédit commençait à pointer le bout de son nez à travers le monde, et les investisseurs canadiens qui détenaient les PCCA commençaient à douter de la réelle qualité de ces produits et ne voulaient plus renouveler leurs achats de PCAA lorsque ceux-ci venaient à échéance.
L’idée d’Henri-Paul Rousseau était de remplacer les PCCA qui étaient des titres à court terme par des titres à plus long terme qui viendraient à échéance en même temps que les actifs qui garantissaient les billets. Pour y arriver, il créa avec d’autres participants importants au marché, tels la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins, un comité de restructuration dont la présidence fut confiée à l’avocat d’affaires bien connu Purdy Crawford. On comptait sur sa notoriété pour rétablir la confiance des investisseurs.
Purdy Crawford à Montréal
En octobre 2007, une conférence de presse est organisée à Montréal en après-midi, une autre avait eu lieu en matinée à Toronto, pour faire le point sur la restructuration des PCAA que l’on espérait avoir complétée pour Noël. Mandaté par un hebdomadaire québécois, j’ai eu l’occasion d’y assister.
Dans les médias, comme dans les milieux financiers, on mettait en doute la possibilité de restructuration, car circulait l’idée que la qualité des actifs qui garantissaient les PCAA étaient de beaucoup moins bonne qualité que ce que DBRS voulait bien laisser croire.
J’ai donc posé la question suivante à Purdy Crawford. Pourquoi ne pas prendre un des paniers d’actifs qui garantissent les PCAA, il y en avait 32, et de publier la liste ainsi qu’une évaluation de ces actifs ? Je lui ai même offert la première page de mon journal expliquant que si l’on démontrait que les actifs étaient bien de qualité AAA, la crise des PCAA se résorberait aussitôt d’elle-même.
Purdy Crawford a alors demandé à l’une des personnes qui l’accompagnaient de me répondre. Il s’agissait d’un jeune homme travaillant chez J P Morgan, une des grandes banques américaines à qui l’on avait demandé d’opérer la restructuration. Le type m’a alors répondu que l’on ne pouvait pas révéler cette information de peur que des concurrents profitent de la situation et rendent encore plus difficile, si ce n’est impossible, la restructuration. En somme, la même réponse que Timothy Geithner donnait la semaine dernière pour justifier la Réserve fédérale de New York de cacher de l’information relative au sauvetage de l’assureur américain AIG à l’automne 2008.
Catastrophe pour la Caisse de dépôt
La restructuration des PCAA n’a pas été complétée pour Noël 2007 comme l’espérait candidement Purdy Crawford. Il a fallu 15 mois de plus. On estime que les nouveaux titres émis pour de plus longues échéances ne valent pas aujourd’hui la moitié de ce que l’on disait que les PCAA valaient à l’époque. La Caisse de dépôt a perdu entre 5 et 7 milliards de dollars dans cette aventure, et Henri-Paul Rousseau a quitté la Caisse de dépôt emportant avec lui ses secrets. Quant à elle, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins ont perdu environ 2 milliards chacune. La grande majorité des compagnies québécoises, les sociétés gouvernementales et les organismes caritatifs ont perdu des centaines de millions.
En qui a trait à J P Morgan, on ne sait pas comment ils se sont débrouillés. Mais ils étaient les seuls à savoir ce qu’il y avait vraiment dans ces paniers d’actifs qui garantissaient les PCAA. Ils ont dû bien s’en tirer.