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Interview de Thomas Rocafull, directeur Services Financiers de Sia Conseil: “Les banques marocaines sont engagées dans des plans d’amélioration de la productivité”

Publié le 26 janvier 2010 par Sia Conseil

Interview de Thomas Rocafull, directeur Services Financiers de Sia Conseil: “Les banques marocaines sont engagées dans des plans d’amélioration de la productivité” Même si elle n’a pas eu d’impact direct sur les banques marocaines, la crise financière pourrait indirectement retarder leurs plans d’ouverture d’agences. Surtout que l’atteinte du «return on investment» des agences nouvellement créées sera allongée. Toutefois, si le pilotage des réseaux se fera dans le cadre d’une vision de groupe et si les banques proposent plus de produits, l’effet pourrait être réduit. Ce qui

reste à la portée des banques marocaines…

La crise financière a affecté d’une manière indirecte le secteur bancaire marocain, alors qu’il est engagé dans un large processus d’ouverture d’agences bancaires. Si à moyen terme, les grandes banques pourront tenir leurs engagements, que pensez-vous de l’impact à court terme?

La crise va, en effet, retarder les plans d’ouverture des agences des banques marocaines. Les objectifs d’ouverture restent les mêmes, mais l’atteinte de ces objectifs est décalée d’un an ou deux.

En raison de l’effet de la crise, il est fort probable que le temps d’atteinte du « return on investment » des agences nouvellement créées sera allongé. A cet égard, trouvez-vous que la gestion par les banques marocaines de la performance de leurs réseaux est de nature à amortir cet effet ?

Les banques marocaines sont engagées dans des plans de modernisation et d’amélioration de la productivité et de l’efficacité, ce qui permet d’avoir un effet sur le « return on investment ». De nouveaux produits et de nouveaux clients sont développés, comme les clients à bas revenus ou au contraire ceux haut de gamme. Cependant, toute crise a un effet sur le «return on investment » et même avec ces innovations, il ne pourra être pleinement sauvegarder.

Dans votre première étude portant sur la bancarisation au Maroc, vous avez estimé que le taux de bancarisation devrait dépasser les 60% en 2013. Avec les changements qu’a connus le secteur bancaire, croyez-vous que c’est toujours réalisable ?

Notre étude a bien intégré les effets de la crise sur le développement de la bancarisation. Il y a en effet une inflexion du développement sur 2009 et 2010. Nous restons donc sur nos objectifs de 60% pour 2013.

L’organisation des banques universelles au Maroc fait apparaître trois grandes familles d’activités (conception, distribution de produits et prestation de services aux entités de la banque). Pensez-vous que le pilotage des réseaux bancaires marocains s’inscrit dans une vision de groupe ou on n’est pas encore là ?

La logique de pilotage à l’échelle de chaque groupe bancaire commence peu à peu à se mettre en place au Maroc. Il y a tout de même encore beaucoup de chemin à faire car le développement de chaque entité (réseau de détail, leasing, crédit à la consommation…) manque encore de synergie, de moyens et de cohérence, notamment sur le plan du marketing et de la gestion du risque. Un pilotage fort de groupes va de toute façon être incontournable du fait de l’internationnalisation croissante des grands groupes bancaires marocains et de la nécessité de maîtriser le développement et l’intégration des filiales de chaque pays.

De par le monde, les banques universelles s’efforcent d’appréhender leurs clients dans la totalité des leurs besoins et ainsi maîtriser l’ensemble des flux financiers qui leur sont associés. Quid des grandes banques marocaines ?

Comme je l’indiquais, les portefeuilles de clients sont assez peu partagés entre les différentes entités des groupes bancaires marocains. Le potentiel de ventes croisées et de multi-détention de produits est très peu exploité. Il faut dire que les différentes entités des groupes bancaires sont à la fois jeunes dans leur développement et connaissent des taux de croissance individuels très importants. Le Maroc n’est pas encore un marché saturé dans lequel il est nécessaire d’exploiter chaque potentiel ou chaque synergie au sein d’un groupe.

Les banques ont un grand rôle à jouer dans l’élargissement du panier des produits financiers et bancaires détenus par les clients. A votre avis, quels sont les segments nécessitant la création de plus de produits au Maroc ?

Un plan de développement produit se conçoit en fonction du potentiel des différents segments, mais aussi du positionnement et des mouvements de la concurrence. Les banques marocaines ont toutes beaucoup travaillé sur l’offre bancaire standard destinée à ce que l’on pourrait appeler ”la classe moyenne”. Ce segment étant largement bancarisé, l’offre a aujourd’hui tendance à se segmenter vers les deux extrêmes de la gamme : la population à bas revenus et la clientèle éligible à la gestion patrimoniale, voire la gestion privée. Des produits et des offres spécifiques sont en train d’être développés par la majorité des banques de la place, sachant que les premiers entrants sur ces segments auront un avantage concurrentiel important sur les autres, car il y a une véritable appétence clients. Sur le plan bancaire, chacun de ces segments est un véritable enjeu en termes d’évolution des processus industriels bancaires car aujourd’hui, ils ne peuvent être traités par les chaînes classiques. Les processus fabriquant ou gérant les produits actuels ont un coût trop cher pour développer les produits de la clientèle à bas revenus ou bien ne sont pas assez sophistiqués pour répondre aux exigences de la clientèle haut de gamme. Il y a donc des évolutions profondes à mener pour traiter ces nouveaux types de clientèle, mais cela est très coûteux et nécessite un véritable savoir-faire.

Que pensez-vous de l’implémentation par les banques marocaines de certaines normes comme ”IFRS” et ”Bâle II” ?

Le Maroc est le pays de la zone dans lequel les normes internationales sont les plus abouties par le régulateur et les mieux transposées par les acteurs de la place. Cela concerne la banque avec ”Bâle II” et ”IFRS”, mais aussi l’assurance avec le Contrôle interne et demain ”Solvabilité II”. De plus, cela a été effectué de manière très pragmatique en évitant de tomber dans les travers de la sophistication et de coûts très importants que les acteurs européens ont subis. C’est assez impressionnant car sur ce plan, le Maroc a de 3 à 5 ans d’avance sur des pays comme l’Algérie, la Tunisie ou l’Egypte, sans parler des pays d’Afrique subsaharienne.

Votre cabinet est présent dans plusieurs pays africains et de la région MENA. Comment se positionnent les grandes banques marocaines ?

Hormis l’Afrique du Sud, le Maroc est le pays dont les groupes bancaires ont le mieux réussi leur développement international. Cela concerne les pays africains a fort potentiel, mais également l’Europe où, grâce au passeport européen, les banques marocaines peuvent développer facilement des réseaux dans les pays où leurs niches de clientèle, la communauté maghrébine, sont importantes. Les tactiques de développement des grands groupes sont différentes, avec plus ou moins de réussite, mais elles sont toutes guidées par cette envie et cette course au développement international. Cela est caractéristique d’un secteur bancaire national qui se porte bien avec des groupes puissants, qui ont une véritable longueur d’avance sur ceux des pays voisins.

Interview parue dans ECOPLUS.

Sia Conseil


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