ENTRETIEN, IDENTITÉ NATIONALE. La communauté harkie se dit oubliée dans le débat et demande la suppression de la mission interministérielle.
Extrait du discours de Monsieur Mohamed Bellebou dans Harkis et Meurtris…
Trois enfants de harkis ont planté la tente depuis plus de deux cent cinquante jours près de l'Assemblée nationale. C'est leur manière de demander à Nicolas Sarkozy de reconnaître la responsabilité de l'État dans l'abandon des soldats musulmans de l'armée française après la fin de la guerre d'Algérie. Ils ne sont pas les seuls de la communauté à tenter de se faire entendre. Une autre grève a eu lieu début janvier devant le tribunal de Carcassonne. Explications de Mohamed Bellebou, du Comité national de liaison des harkis, qui regroupe 170 associations.
« Sud Ouest ».
Pourquoi cette grève de la faim de cinq jours ?
Mohamed Bellebou. Nous souhaitions être reçus par le procureur de la République pour contester l'article 3 de la constitution de la mission interministérielle aux rapatriés. Dans celui-ci, nous figurons dans le deuxième collège en tant que « Français musulmans rapatriés ». Ce qui ne correspond pas à la loi de 1905 sur la laïcité. Ce que nous demandons, ce n'est pas un secrétariat d'État, ce n'est pas un ministère, c'est un véritable établissement public tripartite (Département, Région et national) avec un tiers d'élus, un tiers d'administratif et un tiers issu du peuple rapatrié harki.
À quoi correspond ce nouveau coup de gueule ?
Ce que nous attendons, c'est le retrait de l'article 3 ; nous voulons être considérés comme des citoyens français rapatriés d'Algérie, avec la reconnaissance des pouvoirs publics pour les sacrifices consentis. Il serait normal d'ouvrir un débat parlementaire et de faire un constat de la situation dramatique que vit la communauté. Chez elle, il y a 40 % de demandeurs d'emploi et 60 à 70 % de Rmistes. Dans la deuxième génération, nous sommes moins de 30 % à travailler normalement. C'est lamentable. Nos anciens à la retraite sont en dessous du seuil de pauvreté.
Vous vous dites également exclus du débat sur l'identité nationale...
Effectivement. Je crois que la communauté harkie, engagée aux côtés de la France depuis 1830, a fait ses preuves (face à l'administration de Vichy, la guerre mondiale, l'Indochine, l'Algérie...). Nous avons toujours été fidèles aux valeurs de la république. Alors, on aurait souhaité participer au débat, mais ce n'est pas le cas. Contrairement à d'autres associations, on nous invite au débat au même titre que tous les citoyens. Après, on nous parle de maladresse d'un service dans l'invitation et le procureur nous répond que c'est du ressort des politiques.
Cependant, qu'auriez-vous à dire sur ce débat ?
Il est mal placé. C'est une porte ouverte à tous les extrêmes, de gauche comme de droite. On ne fait pas un débat quelques mois avant une échéance électorale. On aurait pu le lancer par un questionnaire à tous les citoyens. Là, en débat public, cela va créer des animosités et ranimer certaines flammes. On est en train de diviser pour que Nicolas Sarkozy, dont la cote de popularité s'effrite, puisse rester seul maître à bord. Nous sommes pour les valeurs de la république, pour le drapeau, pour la laïcité mais en aucun cas il ne faut mettre les religions en avant. On ne demande pas l'intégration, juste une insertion et notre participation pleine et entière dans les institutions républicaines.
Auteur : Jacky Sanudo