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… rien à se mettre, nothing to se mettre

Par Magadit

… rien à se mettre, nothing to se mettre« J’ai rien à me mettre. »
J’adore cette phrase, c’est un peu mon mantra préféré juste derrière le sacro saint « j’ai faim » du réveil, « j’ai beau être matinale j’ai mal » des lendemains de cuite et les « oublie que t’as aucune chance vas y fonce » des soirées chope.

Le « j’ai rien à me mettre » c’est un peu un cri du cœur chaque matin, malgré des armoires joufflues dégoulinantes de soie, de taffetas, de calicots et de trentain. C’est un appel au shopping ou ce désir soudain d’aller jouer Pretty woman sans ce benêt de Gere ni sa carte gold, une envie prenante de changer de look comme on change de mood. Un luxe suprême dont on use et abuse en vacances par exemple entre le paréo du réveil, le maillot du matin, la robe de l’avant déjeuner, le paréo de l’après midi, la robe d’après soleil et tenue de soirée comprise, un vrai marathon reconnaissez-le, qui justifient amplement les 45 kilos de bagages et 18 paires de chaussures à chaque déplacement de donzelle.
Que celle qui n’a jamais péché, qui n’a jamais voyagé avec sa collection de sacs version Matriochka me jette la première pierre…

« J’ai rien à mettre » c’est l’envie de changement, l’envie de mouvement, le besoin d’air, l’amour de la sape, la thérapie par le slim. Il fait beau depuis 10 minutes après 331 jours de froid polaire ? Coup d’œil atterré à la pile de pull angora à épaulettes entassés dans le freezer, et sourire jubilatoire garantis en prévision de l’ouverture des 12 malles renfermant les tops d’été (été de 34 jours donc, d’où les 15 changements de tenue par jour pour rentabiliser au minimum l’investissement colossal dans la collection printemps-été 1994). Le « J’ai rien à me mettre » sonne alors comme la promesse des jours meilleurs, le plaisir de se dénuder enfin et l’angoisse sous jacente de ne pas pouvoir rentrer dans ses micros bouts de tissus préférés, car soyons réalistes, 1994, c’est loin. C’était avant l’invasion filiale, l’épanouissement corporel (oui c’est comme ça qu’on dit), et après le renoncement à une quelconque opération chirurgicale.

Mais le « j’ai rien à me mettre » c’est aussi une arme fabuleuse. Et il n’y a qu’à regarder le regard terrorisé du sexe opposé imaginant déjà son calvaire de l’opération shopping-indispensable -parce-que-tu-comprends-là-c’est-plus-possible-j’ai-rien-à-me-mettre-et-si-je-me-sens-moche-ben-tu-vas-me-le-payer-parce-que-j’aurai-pas-envie-na du WE prochain pour saisir la portée d’une telle arme. Ah tu veux jouer gamin ? T’as été relou ? T’as pas répondu assez vite que non j’étais pas grosse, que non le jean slim taille mammouth ne faisait pas bouteille d’Orangina sur la femelle pulpeuse ? Bouge pas tu vas voir, regarde bien : battements de cils, moue boudeuse mi bitch mi catin, soupirs désespérés de la donzelle en string, « oui je t’excite mais me touche pas je suis atroce, t’as bien vu, j’ai rien à me mettre »…
Taaa-daaaaa. Te voilà coincé gamin, piégé sur l’autel de ta franchise (fallait pas prendre une seconde avant de répondre… fallait pas), acculé mais résigné. Donzelle 1, gamin 0.

Comme quoi il n’a jamais rien d’anodin ce soupir vestimentaire. On le dit futile, narcissique, superficiel, il est pour moi le baromètre météo de nos humeurs, le symptôme de nos angoisses, ou simplement l’anticipation d’un plaisir annoncé.

Je regarde ce matin la pile de linge boudée qui jonche le sol, je farfouille en grande spéléologue dans les sous strates de ma garde robe, je bougonne parce que ça fait partie du jeu, et décidée à remporter la victoire je prends l’appel à une amie pour vérifier le dress-code. Après une heure au rythme des fermetures éclairs, et autres « zut je crois que ça a rétréci », nous lançons de concert un « C’est la cata, j’ai vraiment rien à me mettre ». Je souris, nous faisons partie de la même secte. C’est si bon de se sentir comprise…


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