Cela faisait longtemps que notre PQN (PQ voulant dire presse quotidienne, hein) n’avait pas trop fait dans la pignouferie de base. Heureusement, grâce au discours sur l’Etat de l’Union qui ne casse pas la baraque, Obama donne l’occasion à Libération, le fer de lance du journalisme altercomprenant, de reprendre ses bonnes habitudes.
Les groupies, c’est comme les maladies vénériennes, il en faut bien un peu de par le monde pour ne pas oublier d’utiliser son bon sens. Et lorsque les groupies coagulent dans un journal sous perfusion de subventions, ça donne Libération et des articles croustillants à éplucher dans le cadre douillet et moqueur des Pignouferies de Presse.
Ainsi, après un an d’investiture, le poulain Obama est toujours aussi séduisant qu’aux premiers jours. Bien sûr, le journalisme de base se doit, pour conserver son vernis de crédibilité – livré en kit avec la carte de presse plastifiée – de tempérer ses petites ardeurs.
Pour cela, rien de tel que le solide, le factuel, le vécu, qui se confronte à la réalité compacte et impitoyable. Un petit reportage, sur Obama, au milieu d’une église méthodiste de Baltimore, dans un quartier noir. Bilan : « Il faudrait être fou pour être déçu« . Et pour faire bonne mesure, on prendra en note l’opinion d’un Blanc de 16 ans. C’est ça, coco, le fair and balanced, hein.
Alors évidemment, quand on entend que le héros s’excuse, on comprend que c’est une pure posture, un incident, une petite broutille sur un parcours jalonné de pétales de roses et de succès flamboyants. Dans un article au titre construit comme la devise « La Garde Meurt Mais Ne Se Rend Pas », on apprend donc que Barack est tout contrit :
«S’il y a une chose que je regrette de cette année, c’est que nous avons été tellement occupés à agir et à gérer les crises urgentes que nous avons en quelque sorte perdu le sens du contact direct avec les Américains sur leurs valeurs essentielles»
On dirait, mine de rien, du Sarko dans le texte : on clame haut et fort qu’on a été super-occupé à être super-performant à gérer des problèmes super-durs, et on se lamente au passage de n’avoir pu être parfait. Les excuses sont bien vites acceptées et le héros s’en repart, sur fond de soleil couchant, sous les hourras de la foule.
Pourtant, il y aurait beaucoup à dire, et l’article, une fois remanié, pourrait mettre en exergue que ce président américain, si flamboyant les premiers jours, … a largement perdu de sa superbe et s’enfonce dans les profondeurs de cotes de popularités dramatiques à un rythme suffisamment soutenu pour faire passer le désamour de Nixon dans les années 70 pour un tout petit vague à l’âme.
Eh oui : en une seule année, Obama, partant de plus haut, a dégringolé autant que Nixon (pourtant bien placé au début) en quatre ans. Impressionnant.
Malgré tout, les groupies ne s’en laissent pas compter : bien que les troupes ne soient, finalement, toujours pas partie d’Irak (eh non, ce n’est pas si facile), que Guantanamo ne soit toujours pas fermé (eh non, ce n’est pas toujours aussi simple), que le chômage continue de grimper, que la dette galope dans des domaines jamais explorés, que sa réforme pour un vrai système de santé publique à la Française – miam ! super ! slurp ! – n’est toujours pas en place, que son parti se soit pris – soyons clairs – une bonne grosse branlée électorale dans le Massachusetts, Obama reste une idole : si on devait le noter, ils lui colleraient – outre un petit bisou sur le pectoral gauche, près du coeur – un bon 15/20 ou, comme là-bas, aux States, un B+.
Et quand malgré tout, Obama renonce à augmenter le salaire de ses collaborateurs les mieux payés, ce qui, dans un journal gentiment de gauche, devrait choquer un peu, eh bien non, les groupies passent l’éponge : pas un commentaire sur les 400.000 $ de salaire annuel (ça fait plus de 30.000$, soit 23 500€, par mois) alors que les commentaires acerbes fusèrent joyeusement lorsque notre version rétrécie au lavage avait osé frôler les 17.000 € mensuels.
Mais on ne s’étonnera pas du double-standard : entre Sarko et Barack, il y a au moins un prix Nobel d’écart.
Alors, quand les groupies abordent le délicat sujet des Tea-Parties, c’est la déferlante, l’ouragan force 5 de Pignouferies bigarrées.
Ce qui, au départ, est une protestation de contribuables qui ne veulent pas – comme c’est étrange – payer les pots cassés des financiers acoquinés à la politique et à l’état fédéral, est alors présenté comme une petite poussée hormonale de réactionnaires poujadistes :
Les militants de cette nouvelle droite contestataire sont blancs, issus de la classe moyenne, patriotes, avec une véritable phobie de la fiscalité.
Eh oui : quand on est Blanc et qu’on aime pas payer des impôts, on est de l’extrême droite, poujadiste et réactionnaire. Alors que lorsqu’on est Noir, qu’on crée de la dette et qu’on fait la guerre, on est un « apôtre de l’Amérique post-raciale« .
Et on ne nous épargnera même pas les fines allusions à Hitler, au populisme, aux méthodes musclées : ces sales petits bourgeois sont – disons-le clairement – des fachooooooooos (importance des « o » multiples qui font hululer dans la nuit comme le loup au clair de lune).
Magnifiques pignouferies qui illustrent fort bien le danger d’analyser la politique américaine au travers des yeux franco-franchouillards d’une presse toute acquise au socialisme de base : Obama sera génial, quoiqu’il advienne.
Et lorsqu’enfin, ça décillera de ce côté-ci de l’Atlantique, les Américains auront changé plusieurs fois de président.