« Il appartient aux Haïtiens de définir l'avenir d'Haïti»
La reconstruction d'Haïti a été au centre des débats lors de la réunion d'urgence organisée par les amis d'Haïti, le lundi 25 janvier à Montréal. Le premier ministre haïtien, Jean Max Bellerive, qui a assisté à cette rencontre dit avoir fait des propositions concrètes relatives à l'intégration de la diaspora par rapport à la problématique des ressources humaines, à la coordination de l'aide d'urgence et à la reconstruction de l'administration publique.
« La diaspora haïtienne du Canada est particulièrement intéressée au redécollage socioéconomique national ». C'est la première impression du premier ministre, qui a pris part à la conférence coorganisée par les amis d'Haïti en perspective de la reconstruction nationale. Sur une période de dix ans au moins.
Jean Max Bellerive qui a rencontré, entre autres, le premier ministre canadien, Stephen Harper, des membres influents de la diaspora haitiano-canadien qui a déjà mobilisé plus de 70 millions de dollars en faveur d'Haïti, indique avoir discuté des problèmes d'urgence du pays avec des partenaires potentiels. Comme les Etats-Unis, l'Union Européenne, l'ONU, la Banque Mondiale, le FMI, la BID.
La rencontre à en croire M. Bellerive a été intéressantes pour une assistance humanitaire du pays à très court terme. Les discussions ont tourné autour de la question des abris provisoires, de la reconstruction de l'administration publique, de la décentralisation, de la déconcentration des services et surtout de la nécessité de repenser l'Etat actuel. « Il faut une administration fonctionnelle permettant au gouvernement d'offrir les services nécessaires à la population », a martelé le chef de la primature qui croit que l'absence actuelle de l'administration publique donne malheureusement qu'il n'y a pas de gouvernement.
Jean Max Bellerive se réjouit que les amis d'Haiti adherent à l'idée qu'il appartient aux Haitiens de définir l'avenir d'Haiti, d'autant qu'ils ont promis au pays une aide d'urgence substantielle qui s''etendra sur 1 an. Malgré le fait, selon lui, qu'il prendra 4 ou 5 ans au pays de retourner à la situation socio-économique plutôt précaire du 11 janvier 2010, soit avant le cataclysme qui a fait 150 000 morts et un million de sans-abri.
Fort des dégats matériels considérables causés par le séisme du 12 janvier, M. Bellerive annonce des mesures drastiques relatives aux normes de construction. Il soutient que son gouvernement est attentif aux initiatives prises par plus d'un de reconstruire ou de réparer dans l'immédiat leurs immeubles. « Des mesures fermes seront adoptées à l'encontre de ces gens, mais il faut des alternatives ».
Angie B. Joseph
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Les Haïtiens veulent des toits, mais surtout une aide pour repenser le pays
De la nourriture et un toit, vite: c'est ce que demandent les Haïtiens à la communauté internationale. Mais au-delà de la reconstruction, ils supplient les "pays amis" d'aider à changer les structures et les mentalités du pays.
L'urgence aujourd'hui pour les sinistrés, qui seraient un million selon les autorités, c'est de pouvoir boire, manger et s'abriter dignement. "Il faut d'abord aider ceux qui ont perdu leur maison", dit Suze Jean-François, jardinière de 28 ans qui vit dans un camp de fortune au centre de Port-au-Prince et part chaque jour à la chasse à la nourriture, parfois en vain.
Depuis le séisme qui a ravagé Haïti le 12 janvier, les rescapés ont l'impression de ne rien voir venir de l'aide des pays donateurs.
Dans les camps de bric et de broc de la capitale toutes les personnes interrogées disent qu'elles ont faim. Personne ne sait où sont les points de distribution d'eau et de nourriture. Aucun vrai grand camp de tente n'a été installé. En province, où des centaines de milliers de personnes se sont réfugiées, les familles d'accueil doivent se débrouiller seules.
Les Haïtiens savent que cette aide finira par arriver. Mais ils s'inquiètent de la manière dont elle sera gérée dans un pays réputé pour sa corruption. A Montréal, leur Premier ministre Jean-Max Bellerive a demandé un soutien international "massif" mais souhaité prendre en main la reconstruction.
Or, comme Barbara, banquière de 30 ans, beaucoup se méfient du gouvernement et du président René Préval très critiqué depuis la catastrophe. "Je préfèrerais que l'aide passe entre les mains des étrangers et des ONG, je n'ai pas grande confiance dans les leaders du pays: ce n'est pas la première fois qu'il y a des dons et il y a toujours eu une mauvaise gestion", dit-elle, préférant taire son nom de famille.
S'ils expriment leur impatience, les Haïtiens se disent touchés par l'élan de solidarité de la communauté internationale. Mais ils veulent plus qu'une simple aide d'urgence pour le plus pauvre pays d'Amérique.
"Les Occidentaux sont venus nous aider: c'est extraordinaire mais cela ne va pas durer. Au lieu de nous donner le poisson, qu'ils nous apprennent à pêcher le poisson", résume le pasteur évangéliste André Muscadin.
Leur espoir, c'est que le choc du séisme sur leurs leaders et l'aide des gouvernements étrangers permettent de changer complètement la structure du pays.
Ils dénoncent en vrac le manque de transparence et de coordination des autorités, une centralisation excessive, un intérêt personnel trop souvent supérieur à l'intérêt collectif, un système social et éducatif défaillant ou l'absence de plans d'occupation des sols qui a donné lieu à une anarchie devenue mortelle.
"Il faut que les gouvernements étrangers accompagnent le gouvernement haïtien, qu'ils nous forment", dit Sonel Louis, comptable de 42 ans. "Haïti avait besoin d'être reconstruit avant cette catastrophe, on a besoin de convertir cette société, c'est peut-être le bon moment pour penser à une nouvelle Haïti", poursuit-il comme de nombreux autres.
Un des défis majeurs de l'aide internationale sera effectivement de "voir comment renforcer le pilotage central des autorités pour s'assurer qu'il n'y ait pas de chaos", confirme une source diplomatique.