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Wuuri Malé au temps des "vierges" par G.P. (rediffusion)

Publié le 31 janvier 2010 par Bababe

 (illustration)

"Et moi, rédigeant ces pages à l’automne de ma vie à des milliers de kilomètres de ma case natale, je pensais que Wuuri Malé, la jeune rebelle, la vierge rétive pourrait faire sien ce vers de Corneille : « Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu » et le réécrire ainsi : « J’offrirai mon sang pur comme je l’ai reçu à l’homme que j’aurai moi même choisi". G.P

(Anciennement  sous le titre : "La nuit du poussin dans une calebasse remplie d'eau)

Pour toute mère peule, la naissance d’une fille est une source de préoccupations et de soucis majeurs. Il faut lui assurer une éducation morale et sociale afin qu’elle soit une future digne épouse. Et surtout veiller scrupuleusement à sa bonne moralité pour qu’elle arrive vierge au mariage.

Je me souviens de celle que j’appellerai Nénooye dont les premières angoisses éclatèrent quand sa fille Wuuri Malé vit son sang (règles) pour la première fois.

Ces angoisses s’accentuèrent quand Wuuri Malé, entre 16 et 18 ans, repoussa toutes les candidatures de mariages imposées par les parents ou les arrangeurs de fiançailles. Wouri Malé resta célibataire.

Le fait que sa fille ne soit pas mariée entraîna la honte pour Nénooye. Cette honte jusque là contenue se mua en une honte et une culpabilité qui envahirent ses nuits. C’est ainsi que Nénooye commença à passer des nuits comme celles du poussin dans une calebasse remplie d’eau.

L’attente devint très longue pour Nénooye.

Dès lors, Nénooye entreprit de consulter les esprits tout en redoublant de vigilance sur les sorties et les fréquentations de sa fille.

Pendant que les uns traitaient Wuuri Malé « d’avoir coupé les cordes », c’est à dire rebelle, d’autres affirmaient qu’elle étaient « travaillée » (On lui a jeté un sort).

Dans ce contexte, Nénooye confuse et malheureuse entreprit de consulter les « Esprits ». De recommandations de port de grigris, du sacrifice de six poules noires et un coq blanc, tout y passa pour conjurer le sort abattu sur une famille réputée depuis plusieurs générations.

De leurs côtés, deux confidentes de Wuuri Malé, Kardo Mboubri et Malaado Wuné ( dont les noms signifient respectivement : Rassasiée d’ombre et Chanceuse) juste jeunes mariées et en attente de bébés, confectionnèrent discrètement une corbeille d’intimité garnie de produits magiques sensés séduire.

Plus le temps passe, plus Nénooye craignait que Wuuri Malé trébuche sur ces vagabonds que les filles aiment aimer et qui ne se marient guère.

Elle redoutait surtout d’être obligée de recourir à la méthode qui consistait d’arroser le petit pagne blanc de la mariée avec du sang de poulet et du coq pour prouver sa virginité et ainsi sauver l’honneur.

Ainsi le sang du coq et des poulets calmeraient les angoisses d’une mère et redoreraient la respectabilité d’une famille "réputée de pur sang".

Wuuri Malé suivait tantôt agacée, tantôt amusée toutes ces manigances. Décidément les us et les coutumes ont la vie dure chez les peulh.

Et moi, rédigeant ces pages à l’automne de ma vie à des milliers de kilomètres de ma case natale, je pensais que wuri Malé, la jeune rebelle, la vierge rétive pourrait faire sien ce vers de Corneille : « Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu » et le réécrire ainsi : « J’offrirai mon sang pur comme je l’ai reçu à l’homme que j’aurai moi même choisi".

Wuuri Malé, tu mérites bien ton nom. Littéralement ton nom signifie « Tu vivras heureuse ». Tiens bon ! L’avenir est en ta faveur. Non, tu ne mérites pas, mais alors pas du tout d’être offerte en aumône au dernier almuudo de passage ou au derniers "foccinairé" venu de la capitale comme cela avait été envisagé, pire encore recommandé à une certaine époque !

Gorko Pullo

***les commentaire dans Archives mai 2007


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