J.L. Mélenchon est un bon client des médias. Gouaille, finesse, esclandres, sa présence sur un plateau promet du sang, des cris et du spectacle. Il porte cependant un jugement lucide sur la comédie qu’il doit jouer à chaque passage dans le grand barnum journalistique. Ancien plumitif de la presse régionale, il déconstruit les us, travers du métier qui selon lui révèle une perversion profonde du monde contemporain. Un monde de clients plus que de citoyens, où l’intérêt particulier, soumis aux desiderata égoïstes supplante la sagesse républicaine du choix hors préjugés, où le citoyen sorti de son humus pense le collectif, pour le meilleur.
Idéal républicain
Critique des médias de masse où toute parole est un mensonge
Bien que sensées, les ruades habituelles sur l’appartenance des grands groupes de presse aux puissances de l’argent ne suffisent pas. Il est fondamental de dépasser cet aspect, pour critiquer l’ambiance générale distillée par la presse, la contextualisation qu’elle impose au consommateur d’information. Le meta-discours imposé par la sphère médiatique fonctionne sur le mode suspicieux où toute parole, tout dialogue est vain. L’Homme en proie à sa libido, son inconscient est supposé ne pas dire la vérité quand il communique aux médias. Toute parole consciente de rend pas compte de la réalité. On dépeint le politicien comme un menteur, nécessairement. Foin de son programme politique, de son argumentation structurée pour étayer une idée, un concept, une idéologie. Le journaliste par inclinaison naturelle se borne à débusquer le mensonge dans la part d’ombre des Hommes politiques. Gratter jusqu’à l’authenticité, l’intimité. Ce qui est vrai n’est pas ce que l’on dit, mais ce que l’on ne veut pas dire. Le flagrant délit de mensonge est le point d’orgue de la vérité. « Qu’est ce qu’il y a de plus vrai que ce que vous ne voulez pas dire ?« . La marque de la vérité se niche donc dans le mensonge. C’est la « perversion même de l’idée de débat », un retournement du concept de dialogue. La sphère publique est oblitérée au profit des gourous de la vulgate, psychanalystes, ecclésiastes, journalistes, figures de la vérité révélée. Professionnels de la flagrance.
Formatage – Reformatage
Toute parole est mensongère ou confuse. C’est l’ère du décryptage journalistique. Sous couvert de clarification, la grande presse recalibre tout ce qui est dit dans la sphère politico-médiatique. Les rubriques de redites foisonnent, où pullulent les « autrement dit », « decryptage » ou « en clair ». Car les idées avancées par les hommes politiques sont de fait confuses, mais jamais complexes, ou intelligentes. Les journalistes se proposent alors de tronçonner le tout en bâtonnets comestibles et aseptisés, digérables par le plus grand nombre. Engoncer le nouveau phrasé débarrassé de ses oripeaux, pour délivrer aux lecteurs, à l’auditeur, une version « correcte » de ce qui se pense couramment.
La tendance est aussi à la mascarade télévisuelle. Où l’on peut tout dire sans être contredit, comme dans l’émission de TF1 où N. Sarkozy était confronté à des Français . Sous la houlette du du journaliste-terroir, J.P. Pernaud le président de la République a pu affirmer tout ce qu’il voulait sans être contredit sur le fond comme « La France est le pays où l’on paie le plus d’impôts en Europe » qui est totalement faux, ou discréditer les quotas laitiers sans en discuter sérieusement. Singeant la proximité, cette émission est un « attentat à la vie de l’esprit« .
Les plateaux de télévision lors des débats sont concoctés pour que cela saigne et qu’aucune pensée cohérente de plus de 20 secondes ne puisse être exprimée. Quand c’est le cas, le journaliste se démène pour hacher le propos. Ces dispositifs télévisuels n’ont qu’un seul objectif qu’il y ait du rythme que ça canarde aux dépens du fond du débat. Enfin, le formatage s’impose idéologiquement, sur l’Europe ou l’économie de marché par exemple. La pensée dominante véhiculée avec zèle par les éditocrates constitue la « cotisation minimale au cercle de la raison« . Sous peine de profond mépris.
Le cas Peillon – A. Chabot une vache sacrée
Pousser à la déconsidération de l’autorité que représente N. Sarkozy, mais surtout des larbins qui l’entourent relève de l’hygiène intellectuelle. Quand V. Peillon laisse E. Besson, M. Le Pen à leurs turpitudes lors de la soirée mitonnée pour le gouvernement par A. Chabot, il commet un acte salutaire et efficace. On a parlé de lui, « la dérision est toujours efficace » et on a oublié les tristes sires de cette soirée. D’autre part, le plus grand nombre ne regarde pas ce type d’émissions « chiantes« , « avec des gens qui ont l’air d’être mal » : des choses bien plus édifiantes, meurtres, poursuites, violence sont retransmises ailleurs. L’attitude du PS révèle le seul écueil de cette affaire. La soumission aux injonctions des puissants et respectés présentateurs de télévision, « A. Chabot, une vache sacrée du paysage médiatique, quand elle est couchée dans la rue, il faut contourner ».
J.L.Mélenchon, qui veut opposer le démontré au péremptoire, déplore la mort de la méritocratie. Le système médiatique tel qu’il fonctionne l’enterre continuellement. Tout effort de travail est vain, la connaissance des dossiers, l’argumentation architecturée ne représentent rien puisque tout passe par le prisme d’un système vérolé, hiérarchique autocensuré aux bons soins du pouvoir. Ce mode d’information avec comme arrière-plan un meta discours officiel, basé sur la suspicion, les désirs individuels est une subversion complète de la sphère publique. La régulation collective estompée, seuls comptent les clients consommateurs d’informations. Cela tombe bien pour le libéralisme économique.
Vogelsong – 31 janvier 2010 – Paris
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