J’ai eu souventes fois l’occasion de l’écrire ici, le «septimaniaque» Georges Frêche n’est pas précisément ma tasse de thé. Mais il me semble qu’avec cette dernière polémique le Parti socialiste et les Verts – sans compter l’UMP qui nous conjure de l’excommunier – lui font un mauvais procès. S’agit-il d’un dérapage antisémite ? Je n’en suis nullement convaincue. Il me semble qu’il faut remettre la phrase incriminée dans le contexte où elle a été prononcée.
Comme je n’ai toujours pas de son sur ma bécane, j’ai fait une recherche sur Google et Le Post Fabius “pas catholique” : écoutez ce que Georges Frêche a dit m’a renvoyée à Montpellier Journal Frêche – Fabius : l’enregistrement où fort heureusement pour moi, un texte bien circonstancié accompagnait la vidéo. Je me permettrais de les reproduire entièrement car ils sont courts :
«Voici les propos prononcés par Georges Frêche le 22 décembre en conseil d’agglomération de Montpellier et qui font débat. Ils n’avaient été rapportés que dans Direct Montpellier plus (23/12). Ils ont été repris dans L’Express (27/01) et ont déclenché une levée de boucliers.
«Georges Frêche commence par railler le retour de Copenhague en avion de Cécile Duflot, tête de liste Europe écologie en Ile de France puis : « Huchon, ça c’est du solide. Moi je serais à Paris, je voterai Huchon. Si j’étais en Haute-Normandie, je ne sais pas si voterais Fabius. Je m’interrogerais. Ce mec me pose problème. Il a une tronche pas catholique. Ça fait rien mais peut-être que je voterai pour lui mais j’y réfléchirai à deux fois. [À l’intention des journalistes présents :] « Notez là haut, je vous fais une puce»…
Le renvoi fait référence à la rubrique de Midi Libre «La puce à l’oreille» qui regroupe des brèves (parfois piquantes. Par ailleurs, il est signalé que Georges Frêche répond en fait à Laurent Fabius qui avait déclaré le 20 décembre à l’émission “C politique” sur France 5 qu’il n’était “pas sûr” de voter Georges Frêche s’il était électeur en Languedoc-Roussillon…
L’article renvoyait également à un autre sur Rue89 Georges Frêche, l’ami des juifs accusé d’antisémitisme. Titre en forme de paradoxe qui ne pouvait manquer d’attirer ma curiosité en même temps que subodorer quelque entourloupe dans cette polémique. C’est précisément l’impression que m’en a laissée sa lecture.
J’avais analysé l’article dans une précédente mouture il y a trois jours – je devrais plutôt dire trois nuit puisque ma “ponte” est essentiellement nocturne - mais, bien que je l’eus dûment enregistrée sur word en même temps que l’article de Rue.89, pffftt, envolés ! et cela vient exactement de se reproduire. Tout s’est bloqué et impossible de récupérer le travail en cours. A croire que le sujet va m’attirer des emmerdes et que l’inconscient de mon ordinateur se met de la partie.
Toujours est-il que s’il y a quelque chose au monde que je déteste particulièrement c’est bien devoir réécrire un texte. D’abord, c’est du temps perdu et le temps est précisément ce qui me manque le plus (sans parler de l’argent mais ne dit-on pas, du moins outre-Manche «times’s money» ?). Ensuite, dès le premier jet, j’attache beaucoup d’importance à la forme et cisèle mon texte jusqu’à être contente de la qualité de l’expression. Il est parfois impossible de retrouver la même formulation. Il fut un temps où je rédigeais préalablement à la main mais c’est encore plus chronophage.
Je me contenterais donc dans cette version que j’espère définitive de citer l’article en substance. Il est donc reproché à Georges Frêche par certains d’être «l’ami des juifs» notamment depuis le 24 juin 2007, à l’occasion de la «Journée de Jérusalem», dans le cadre du jumelage entre Montpeiller et la localité israélienne de Tibériade. Il y avait déclaré :
«Je suis ravi que, pour la première fois, la France ait élu au suffrage universel direct, ce sera mon bonheur dans mon malheur, un juif président de la République. On avait eu Léon Blum et Mendès France premiers ministres, mais on n’avait jamais eu un juif élu au suffrage universel. C’est un beau succès». Il avait ajouté : «je vais dire à mon ami Kouchner : quand c’est que tu reconnais Jérusalem capitale d’Israël ?». Peut-on à la fois être l’ami des juifs et antisémite ?
Je constate que parmi les premiers ministres il ne cite pas Laurent Fabius. Je serais bien incapable d’en déduire si c’est par animosité personnelle – elle remonterait au congrès de Rennes en 1990 qui fut au moins aussi calamiteux que celui de Reims et «exprimerait le manque de cofiance à l’égard de Fabius» - ou s’il ne le considère pas comme juif, sachant qu’il a été élevé dans la religion catholique et qu’il est athée.
C’est bien le problème avec les juifs – n’y voyez aucune critique antisémite masquée, il s’agit d’une analyse qui se veut objective – d’être à la fois un peuple qui a maintenu sa foi et ses traditions malgré toutes les vicissitudes qui n’ont hélas pas manqué au cours des siècles - et une religion. Si un juif ne professe pas, cesse-t-il d’être juif ? a fortiori s’il a embrassé une autre religion. Quid aussi des goys qui auront adopté la religion juive, le plus souvent en se mariant, à ma connaissance les juifs n’étant guère prosélyte ?
Et puis merde ! J’en ai marre de toutes ces discriminations, un jour les juifs, un autre les musulmans, les arabes, les blacks et tutti quanti. Je suis tombée dès l’enfance dans la marmite antiraciste. Quitte à me répéter, l’antiracisme ne peut être à géométrie variable. Nous sommes tous frères et sœurs en humanité. Quand je vois un Dieudonné – Dieu ! qu’il porte mal son nom… - d’origine africaine par son père, être un antisémite acharné jusqu’à tomber dans les bras de Le Pen et toutim, j’ai la nausée en même temps que l’envie de lui flanquer les baffes qu’il mérite. Je dirais la même chose pour les noirs qui n’aiment pas les arabes ou les blancs, les juifs qui détestent les arabes.
Je reste persuadée que Dieu – pour ceux qui y croient – n’a pas créé des différences pour semer la discorde. Ça me fait rigoler – jaune – quand je vois des culs-bénis racistes jusqu’à la moelle. Preuve qu’ils n’ont rien compris au message de l’Evangile. Je leur conseillerais plutôt de relire l’Epître de Saint-Paul aux Galates (4-28) «Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme»…
Je ne crois donc pas que Georges Frêche, s’il est l’ami des juifs ait cherché à stigmatiser l’origine de Laurent Fabius. Il a répondu à une attaque par une attaque à peu près semblable. Réponse du berger à la bergère. Eût-il dit que Laurent Fabius avait une tronche de faux-cul puisque c’est grosso modo ce qu’il en pense, il n’y aurait pas eu de polémique.
Certes, l’expression «ce n’est pas très catholique» s’applique le plus souvent à des situations ou des pratiques. Je l’ai entendue depuis l’enfance, y compris dans la bouche de ma protestante de mère. En consultant mon dictionnaire d’argot je trouve «il n’a pas un air très catholique»… ce qui ne fait que confirmer ma pensée. Georges Frêche a utilisé une expression certes triviale mais pas de quoi casser trois pattes à un canard.
En revanche, je suis persuadée que Martine Aubry et les apparatchiks du Parti Socialiste n’ont été que trop heureux de se saisir de cette prétendue “bavure” pour rayer d’un trait de plume le choix des militants du Languedoc-Roussillon qui n’avaient pas retenu comme tête de liste l’obscur candidat “officiel” du Parti, mis dans les pattes de Frêche. Peu leur chaut que les sondages le donnent gagnant largement.
Ils préfèrent perdre la Région. Manuel Valls le dit nettement : demandant sur France-Info la constitution d’une «nouvelle liste» en Languedoc-Roussillon, estimant que «le risque de perdre une région n’est rien par rapport au risque de perdre nos valeurs»… Aurait-on oublié la sortie de Valls visitant une brocante à Evry, ville dont il est maire, où il demandait des «blancs»… Sur le plan des valeurs et de l’antiracisme, on fait mieux, n’est-il pas ? Encore un faux-derche.
Cet épisode me semble donc emblématique de la conception qu’a Martine Aubry de la démocratie interne. Ce n’est d’ailleurs qu’une resucée de la désignation de Ségolène Royal comme candidate du Parti socialiste par un vote militant. Forcément illégitime ! Certains “zéléfans” ayant tout fait par la suite pour que l’on se tournât vers DSK. Nos élites socialistes n’ont que mépris pour la base militante.
Or donc, au mépris du choix des militants – et je doute qu’on leur demandât de confirmer le choix qui sera fait par un nouveau vote… peur du peuple ! – Martine Aubry a fait savoir qu’elle proposera au bureau national de demander à Hélène Mandroux de conduire une nouvelle liste de rassemblement de la gauche et des écologistes en Languedoc-Roussillon. Une proposition d’ores-et-déjà acceptée par la maire PS de Montpellier : «J’appelle tous les socialistes, toutes les composantes de la gauche et les écologistes à venir me rejoindre sans arrière-pensée, sans calcul, avec la volonté de faire gagner la gauche et de faire gagner le Languedoc-Roussillon». Fermez le ban !
J’ajouterais, parce que cela a son importance, que la fédération socialiste de l’Hérault est très favorable à Ségolène Royal qui a organisé la Fête de la Fraternité l’été dernier à Montpellier où elle fut reçue très chaleureusement par Georges Frêche. Les socialistes de l’Hérault sont doublement coupables : de préférer Georges Frêche et d’être en faveur de Ségolène Royal.
Ils méritent donc – et la population avec – de perdre les élections régionales. Qui en souffrira ? Pas plus Martine Aubry que Manuel Valls et tous les caciques et barons du PS, non plus qu’Hélène Mandourx, maire de Montpellier et intronisée tête de liste pour l’élection régionale. Tous sont bien au chaud. Mais un retour de la droite qui serait catastrophique pour la population – le taux de chômage y est actuellement très élevé - dans cette Région où les élus socialistes et Verts du Conseil régional ont beaucoup fait pour améliorer la vie quotidienne des habitants. Je connais surtout l’Hérault mais c’est visible à vue de nez et les initiatives ne manquent pas.
Incontestablement, à lire sa fort instructive fiche sur Wikipedia, Hélène Mandroux est la candidate idéale pour… perdre les élections. Mais comme elle aura bouffé à tous les râteliers – sport assez couru au PS – et sans doute fait dernièrement allégeance à Martine Aubry, elle mérite d’être désignée par les apparatchiks à défaut des militants.
Elle a été battue par deux fois à des élections législatives. En 1997 – pourtant le PS avait le vent en poupe – elle a été éliminée dès le 1er tour, avec 17 % des voix et en 2002, elle est battue au second tour, toujours dans le même circonscription. C’est dire sa cote de popularité ! Elle n’a été élue maire de Montpellier – dans le fauteuil de Georges Frêche – qu’à la faveur d’une triangulaire (PS/UMP/VERTS).
De plus, avec Hélène Mandroux, Martine Aubry opte délibérément pour le renouvellement des générations : elle à 69 ans ! La mémé Kamizole peut se permettre de souligner ce fat.
Pour l’instant, et en redisant que je n’ai aucune sympathie pour le personnage, Georges Frêche est incontournable si l’on veut gagner les élections. Le Parti socialiste devrait en prendre acte plutôt que magouiller. Et faire émerger des leaders jeunes, forts et charisma-tiques pour préparer l’avenir.
POST-SCRIPUM
Au moment de mettre cet article en ligne, je passe sur la Une du Monde où je découvre ce titre que bien entendu je n’ai pu ignorer George Frêche menace de traîner le PS devant la justice.
Il réagit à deux choses. La première est la menace d’exclusion proférée par Bartolone - fidèle lieutenant de Fabius - à l’encontre des militants du PS qui ne rejoindraint pas la liste Mandroux. La seconde est que la décision de créer cette liste ait été prise à Solferino. Il dit très justement «Nos listes ont été validées par une convention, elles ne pourraient être changées que par une autre convention».
A quoi bon y mêler la justice ? Qu’il laisse Hélène Mandroux se dépétrer de sa merde. Elle appelle à l’unité des partis qui restent suurds à ses appels. Elle prendra une nouvelle claque électorale. Elle doit aimer ça. Et Aubry se sera ridiculée une fois de plus.