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Anthologie permanente : Pierre Jean Jouve

Par Florence Trocmé

Alexis Pelletier a compilé les textes de Pierre Jean Jouve qui ont trait au mythe d’Orphée et Eurydice. Il a bien voulu confier l’ensemble à Poezibao, qui le publiera petit à petit dans le cadre de l’anthologie permanente.
    
    
ORPHÉE
    
Une harpe ayant plusieurs cordes brisées
Mais résistante de douleur et d’or sur le fond bleu
Acharnée, et des mains suspendues des mains coupées
Touchent en pleurant les accords,
Il se fait parfois des sons si expirants
Il s’ouvre en cet instant des volcans si terribles
Et tant de mâle ciel est architectural
Avec le calme et l’éternelle nudité,
Que c’est la voie l’ineffable voie la voie trouvée.
    
Le tombeau mort
Est au milieu couché sous les fumées du deuil
Les immenses fumées de dépouille couchée
Froide ; et les grappes noires de pleurs voilés
En mouvements en gerbes froides criminelles
S’étonnent. Le poète est en bleu de roi
Près de la morte irréparable qu’il aimait
Les fumées les fumées les fumées les fumées.
    
Ô ombre ! ô sang bouillant de mémoire
Fluente au milieu du temps et non sauvée !
Amour vertigineux que je ne peux revoir
Pour la sauver des morts ! Et toi ô gémissante
Épave tu demandes le sexe de chair
Pour ne point te sentir morte. Vous démonies
Je tremble je faiblis je la vois et je veux
La voir… elle retombe nue aux gémonies.
    
Enfin les créatures de la terre humide
Horribles creux offerts à tous les vents
Suavités bombées et chaudes et l’odeur
De marécage et de rose sous les cratères
Qui mordent ! Lacérez-moi de vos dents
Vulves féroces ! pénétrez ma chair coupable.
La lyre tout en haut tenant son chant tué
Toujours en haut du bras expirant, portée.
    
    
Matière Céleste, « Matière Céleste », Œuvre I, Édition établie par Jean Starobinski, Mercure de France, 1987, pp. 342-343
    
° ° ° ° °
    
ORPHÉE AGONISANT
    
La lumière du jour est à peine voilée
Par vos dents monstres blonds aux paupières funèbres
Vos corps ensemble avaient tenté pour l’unité
Mon image virile
Vos matières de lèvre et de cheveux blessés
Et vos voluptés nues sur la rive lugubre
Avaient atteint le trésor noir de la bassesse
À mon cœur, mais grâce au ciel vos dents
Ont réparé l’outrage
L’immortel en respire
La lumière du jour est à peine brisée.
    
Matière Céleste, « Matière Céleste », Œuvre I, Édition établie par Jean Starobinski, Mercure de France, 1987, p. 344
    
    
Contribution d’Alexis Pelletier
   


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