Parmi les innombrables idioties et inepties du discours sarkozyste, l'une d'entre elles m'irrite particulièrement parce qu'elle contamine tout le langage de mes contemporains du fait d'un psittacisme généralisé : l'expression "avoir vocation à", le plus souvent employée à la forme négative, surtout lorsqu'il s'agit d'expulser des étrangers. Ce tic de langage, insupportable en soi et par soi, trouve son plus bel accomplissement dans la déclaration du porte-parole du ministère de la Justice :
« ce document est une lettre de ministre à ministre et n’avait pas vocation à être publié ».
Comment une lettre peut-elle avoir vocation à ? Elle n'était pas destinée à une publication, elle devait rester confidentielle, mais comment une lettre pourrait-elle avoir une vocation alors qu'elle est inanimée ? On voit là une forme d'imitation du langage de notre divin président, même dans ses pires travers. L'expression "avoir vocation à" est fort floue, on ne sait pas du tout pourquoi une chose ou une personne devrait avoir vocation. Cela évite aussi de dire que telle chose ou telle personne est interdite, on place l'interdit dans une sorte de zone indéterminée et d'apparence transcendentale, puisque la vocation est une voix supérieure et mystérieuse qui vous appelle ou non. Il n'y a rien à discuter alors. C'est de la métaphysique appliquée au service de la mystification. Pourquoi faut-il parler mal ? Parce que l'on veut mal penser et mal agir avant tout. Un nouveau degré dans l'absurdité vient d'être franchi. Le sarkozysme, c'est aussi cela : la diminution du nombre de mots disponibles pour dire les choses qui sont.
