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Luc Baranger, écrivain rock

Publié le 04 février 2010 par Castor

S'il existe un écrivain qui parle de rock et dont les romans sont immergés dans cette musique, c'est bien Luc BARANGER.

Pour Café Castor, il a accepté de répondre de chez lui, au Québec.

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C.C: Luc BARANGER, écrivain rock ? L.B: Auteur de 12 romans en 12  ans (dont 3 chez Gallimard, 1 au Seuil, etc.) tous mes bouquins baignent dans le jus du rock et du blues et les personnages sont le plus souvent des musiciens que tout le monde connaît et qui interviennent sous leur véritable indentité ! Le personnage pivot de mon 1er roman, Visas Antérieurs, chez Gallimard n'est autre que J. J. Cale (dont je fus le roadie), et on y retrouve Dave Edmunds, Emmylou Harris, Rodney Crowell, John Mayall, etc.

Dans Backstage, on retrouve Stevie Ray Vaughan, Johnny Winter, John Fogerty, Alvin Lee ou encore Rory Gallagher. Si c'est pas du rock, qu'est-ce qu'il vous faut ?

Dans A l'est d'Eddy, je revisite la mort de Presley.

Le personnage principal de Tupelo Mississippi Flash (Gallimard), c'est Chuck Berry ! (Les dialogues sont en cajun, car j'ai longtemps vécu en Louisiane.)

J'ai été le parolier de Paul Personne et j'ai travaillé sur le 7ème album de Nico Wayne Toussaint sorti fin 2009.

Chaque mois j'écris une nouvelle rock pour l'émission de mon chum Dan Behrman sur Radio Canada, parce que suis canadien, mais dans une vie antérieure j'étais français, et même mineur de fond dans les mines d'ardoise de Trélazé, dans le Maine & Loire. Bosser à 16 ans par 500 mètres de fond, ça vous aide à comprendre l'âme du blues.

J'ai traduit une quarantaine de romans américains et tout dernièrement (c'est sorti en France il y a 15 jours)  le superbe Edson, du guitariste compositeur Bill Morrissey, dont Dylan dit qu'il est l'un de ses compositeurs préférés. J'ai aussi traduit Les Roses du Pardon de Steve Earle, grosse pointure du rock U.S. et écrivain très talentueux.

Dans mon roman En Données corrigées des Variations saisonnières, on retrouve tout le gratin du rock des années 60 à 80.

C.C : Pourquoi est-ce important que dans tes romans, les musiciens apparaissent sous leur propre identité ?

L.B: On ne sait parler que de ce qu'on connaît. J'ai découvert le blues à l'âge de 7 ou 8 ans, au cinéma, à cause de l'illustration musicale d'un documentaire sur la Louisiane. J'ai eu une espèce de révélation. J'avais trouvé mon rythme, celui de toute une vie. Du blues au rock, le pas était facile à franchir. The blues had a baby and they called him rock'n'roll. En Angleterre j'étais roadie du Steve Gibbons Band, à mon sens le meilleur band de blues rock de tous les temps. Puis il a eu la rencontre avec Cale (que personne ne connaissait alors, mais preuve qu'à 21 ans j'avais pas des goûts de chiotte vu qu'il est devenu culte). Quand on a baigné dans cet univers, c'est assez facile d'en parler. Mais je n'ai jamais voulu mettre l'accent sur l'aspect "rock star défoncée et déglinguée du matin au soir", celui des étoiles filantes qui se shootent à l'année longue. Moi je n'ai connu que des besogneux, que des gars qui travaillaient leur instrument 6 heures par jour. Parce qu'il n'y a pas de secret pour devenir bon et le rester. C'est d'eux que je parle, des gars comme Fogerty ou Johnny Winter (que je vais revoir le mois prochain à Montréal).


C.C: Qui pourrait-être ton « fantôme du présent » comme pour Henri-John Lemesurier, le personnage de ton roman « En données corrigées des Variations saisonnières » ?

L.B: Ce roman, ce fantôme est tout simplement un jeune gars qui ressemble physiquement comme deux gouttes à Lemesurier, mais avec 25 ans de moins au compteur. Même Lemesurier voit la ressemblance. Et comme ce jeune gars tourne autour de sa blonde, Lemesurier devient jaloux. Il connaît la fin de l'histoire. Il choisit de disparaître à la manière du chanteur de Joy Division, c'est-à-dire en transformant son suicide en meurtre.


C.C: C'est quoi écrire rock pour toi ?

L.B: Ce sont les autres qui disent que j'ai une écriture rock'n'roll, moi j'ai la prétention de faire de la littérature (j'ai jamais dit que j'y arrivais), j'écris des romans où l'histoire n'a aucune importance. On en met une pour faire plaisir au lecteur. La littérature, c'est la musique des mots et rien d'autre. Le plus grand des écrivains rock, Céline, disait : "Des histoires, vous voulez des histoires ? Eh ben achetez le journal !" Le plus grand des auteurs qui savent écrire sur l'univers du rock, c'est mon chum Michel Embareck, l'ex rédac-chef de Best, le gars qu'a organisé le premier concert des Sex Pistols à Paris, un soir de Noël, chez Marc Zermati. Michel aurait pu faire préfet, il est sorti major de promo de Sciences Po, mais il a préféré le rock et le blues. Personne ne lui arrive à la cheville, question littérature, en France. C'est un immense écrivain. Je vous mets au défi de trouver quelqu'un qui écrit mieux que lui, tous genres confondus. Son dernier roman, Les Anges Sauvages, est une pure merveille. Là, vous allez découvrir une foule de musiciens américains qui remplissent les salles, ici, chez moi, en Amérique du Nord, mais dont personne ne parle en France.

Pour répondre à ta question, je crois que ça consiste quand même à faire tomber le lecteur dans un univers en moins de trois phrases. Illustration par l'exemple, quelques intros de certaines de mes nouvelles ou romans :

Elvis ? Je l'ai connu. Surtout après sa mort, quand il se baguenaudait au petit bonheur la chance, du Rio Grande aux Grands Lacs, au volant d'une Cadillac Deville à vitres teintées, en compagnie de cette blonde peroxydée de Linda Kurtovitch. (tu vois ? ça swingue et ça dépayse en moins de deux, tu comprends ce que je veux dire par "venir chercher le lecteur et l'emmener dans mon monde" ?)


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À droite comme à gauche, à perte de vue, la route 466 n'offrait que l'image d'un long ruban rectiligne, anthracite et fumant, qui équatoriait l'infini désertique. Vers l'ouest, drapée d'un dégradé de bleus, la sierra flageolait mollement dans la touffeur que reflétaient le sable et la caillasse. L'air était si suffocant que les crotales y regardaient à deux fois avant d'aller serpenter à leurs petites affaires.


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Il y a une semaine, dans la blancheur cadavérique d'une chambre d'hôpital réservée aux VIP's, mon patron est mort des suites d'un suicide carabiné. (c'est une nouvelle sur la mort de Lowel George, l'ex leader de Little Feat)


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Avez-vous remarqué comment un simple mot de trois lettres : oui, non, peut radicalement modifier la trajectoire d'une vie ? Celle de Théodore Berneix par exemple, dont la destinée, un certain jour, ne tint qu'au maigre fil d'une réponse à peine réfléchie.


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Tout a commencé il y a quelques années, à la manière d'un cancer jubilatoire dont on apprend qu'il s'est généralisé lorsque les sourcils du mandarin, décoré de l'ordre du stéthoscope, prennent la forme d'un accent circonflexe en découvrant toute l'étendue du mal.


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Mes rapports avec les femmes ont été faussés dès ma naissance, à commencer par ceux avec celle qui m'a donné la vie. Et par ricochet la mort, car c'est là un aspect implacable des choses qu'on oublie trop souvent.

C.C:Quels conseils donnerez- tu aux jeunes générations d'écrivains souhaitant écrire une nouvelle rock ?

L.B: Aucun. J'ai déjà de la misère à faire ce que je fais, faudrait être ben ben prétentieux pour donner des conseils

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LES COMMENTAIRES (1)

Par mimi
posté le 11 décembre à 12:10
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