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Rôle ta bosse

Par Deathpoe

Tout ce que je fais ressemble à un long et méthodique suicide. Certains ont la toute-puissance d'une vérité malheureuse, d'autres le réconfort de quelques piécette mendiées. Moi je n'ai plus rien. Depuis l'enfance je vis seul en me débattant avec des fantômes inconnus. Fantômes, démons, défauts ou tares, appelez ça comme vous voulez.
Fumant une roulée au tabac plus sec que du foin, je tente des économies de bout de chandelle, avec quelques perspectives auxquelles je m'accroche, pour me dire qu'un autre horizon est encore possible. J'ai presque omis tous mes excès, pensant qu'ils étaient les déclencheurs de ce qu'il me semblait être un début de folie. Je n'ai trouvé ni la cocaïne ni la sodomie si extraordinaires que cela, mais cela ne m'empêcherait pas de réitérer ma chance, par principe ou par entêtement.


Finalement, j'avais pris une départementale mal éclairée, en enfonçant l'accélérateur le plus possible, comme si tout ce qu'il allait advenir par la suite en dépendait. J'étais crevé, et même pas bourré de médocs comme ces dernières semaines. Par conseil, je me suis détourné du miroir en souriant. Les comportements de salauds se répètent, les pleurs ont les mêmes cris, chacun fume sa clope dans le noir, sous un néon ou derrière une bougie, les lanternes ne sont plus que de fausses annonciatrices de mort.
Dans les virage j'accélérais d'autant plus, souhaitant presque qu'un camion vienne en face et me percute de plein fouet. Là, je ne voulais ni qu'on me regrette ni qu'on se réjouisse. Ça n'aurait eu, définitivement, plus aucune importance. Ça aurait été une nouvelle vie, là où les gens prennent du recul sur eux-mêmes et se remettent en question, sans rester assis à faire toujours les mêmes erreurs en attendant que quelque chose se passe. Je veux aller là où l'on est prêt à changer les choses, le cours de son propre quotidien, sans aucune aide, sans s'abaisser à rejoindre une meute prête à vous bouffer à la moindre occasion.
Etrangement, alors que je n'alignais plus deux phrases correctes ces dernières semaines, les mots viennent maintenant seuls, disparus de nulle part dans le briquet à la maigre flamme. Je suis exténué, ils sont perdus. Depuis des années, je vis avec des fantômes: les gens que j'ai perdu et ceux que je n'ai pas connu. J'ai passé mon temps à me détruire sous prétexte de profiter de la vie. J'ai été lâche et ai fui mes responsabilités. D'ailleurs, quelles responsabilités? Celle de sourire et de dire "tout va s'arranger, ne t'inquiète pas." Préparer son enterrement des années en avance et croire que tout le temps qui passe ne peut qu'être une douce colline verte où s'asseoir et pique-niquer en s'endormant. Je ne crois plus en cela. Je n'y ai jamais cru, et c'est seulement peut-être un miracle, un bouleversement des choses qui pourrait me redonner une once d'espoir.
Dans la rue il y a toutes ces personnes qu'on ne connaît pas. Elles sourient et font du lèche-vitrine. L'argent est bien plus qu'une nécessité, c'est devenu un Dieu, un feu sacré pour lequel on serait prêt à tout. Mais là, rien de nouveau sous le soleil. Il faut se plier à toutes les exigences et toujours s'accorder au reste du monde, grotesque symphonie de carnaval.
Je n'ai plus rien de chaque seconde, sinon l'angoisse de la suivante. Certains ont une vérité qui leur est propre, qu'ils assument et qu'il érigent en porte-fort d'une solution à tout. Maintenant je n'ai plus qu'une vaisselle à faire et un chat qui refuse d'être caressé par ma main. Une clope au tabac sec, le néon de la cuisine aveuglant, et le frigo qui gargouille comme un nouveau-né qui meurt de faim.

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