“”Aborder les sujets importants sans tabou est une spécialité de la droite française décomplexée. Parangon de l’exercice, J. F. Copé avocat-politicien multicarte profère continuellement sa maxime “sans tabou et sans langue de bois”. Dans sa quête de réformes, l’UMP fidèle à sa doctrine impose une remise à plat des vieilles lunes qui empêchent le pays d’entrer dans l’âge moderne. Évidemment, ce ne sont que fariboles pour distraire la galerie de journalistes transcripteurs du sérail mondain. Car les tabous de la classe dominante sont circonscrits à des thèmes soigneusement choisis. Une stratégie verbale d’immobilisme et de conservation.

Les spécialistes en mutations sociales du parti sarkozien évoquent continuellement la compétitivité pour déployer leurs plans de conquêtes. Le tabou de la flexibilité doit être oblitéré, ce que proclame l’inspirateur sarkozyste N. Baverez, “sans flexibilité accrue du travail, sans souplesse des modes de production et des entreprises, la croissance intensive, seul antidote durable au chômage et à l’exclusion, restera inatteignable”. Repris en cœur par le nabab de Libération, L. Joffrin, “Le tabou, c’est la flexibilité”. CQFD, à “gauche” et à droite. La société française est bloquée. On n’ose pas prendre les décisions vitales pour les pérennités de notre pays. Par manque de courage, on n’aborde pas les problèmes vitaux. Un tabou. Encore. Sauf que la presse économique ne parle que de cela.
Égrainer le chapelet de tabous anti sociaux dont la médiasphère aux ordres rebat continuellement les oreilles relèverait de la besogne “sisyphienne”.
Si l’on veut respecter les codes de la bienséance d’une société, il y a des sujets qu’il ne faut pas aborder. Sous peine de désordonner une hiérarchie tranquille et bien établie. Faire croire que l’on brise des tabous en vociférant sur des sujets déjà largement abordés, comme la remise en cause des acquis sociaux permet de dissimuler les vrais enjeux d’un ébranlement du système. Une stratégie déceptive relevant du novlangue, une application parfaite de la “doublepensée”, qui permet de redéfinir, et surtout d’exclure la pensée déloyale.
Les relations incestueuses qu’entretiennent pouvoir politique, pouvoir médiatique et pouvoirs financiers sortent du cadre habituel des débats qu’organisent sans “langue de bois” les myrmidons de l’UMP. De même que la politique excrémentielle de haine de l’autre que charrie le pouvoir sarkozien. Mais dans la bouche des penseurs de l’UMP, point de tabous ici.
J. F. Copé comme ses séides du parti présidentiel pratique la parole flottante. Affublant de “tabous” les sujets rigoureusement sélectionnés donnant l’impression du mouvement, de la réforme et de la modernité. Mais n’étant que régression, préservation et accaparement de privilèges par des catégories de population déjà nanties. Toute parole est vérité. Pérorer qu’un acquis social est un tabou dans un environnement social en complète déliquescence, et en faire une vérité donne à penser que la démocratie poursuit sa dégénérescente mutation. Vers une logocratie où règne la vérité officielle par le verbe. Un régime insane, où les mots n’ont plus de sens, mais sont un outil de domination.
Sources :
M. Naussbaum - “Un monde sans pitié” - Le dossier G. Orwell du magazine littéraire
S. Fontenelle - Citations de N. Baverez et L. Joffrin
Vogelsong – 4 février 2010 – Paris