Jeanne Gerval Arouff est mauricienne, poète et artiste plasticienne. Elle a longtemps travaillé pour le journal mauricien L'Express, en tant que critique littéraire.
I NE TIREZ PAS SUR LES SOLEILS
Et ce sang qui gicle
d’une seule et même couleur,
quel qu’en soit le cœur,
Véronica Guerin,
Ken Serra Wiwa,
Atwar Bhajat al-Samerai,
Quelle qu’en soit la terre,
Irlande,
Nigeria,
Irak,
Terres multipliées,
Philippines, Liban,
Afghanistan, Pakistan,
Somalie, Colombie,
Quelle qu’en soit la nature,
dramaturge pendu,
reporters abattus,
sangs assassinés,
«dans l’exercice de leurs fonctions,»
dit-on,
«victimes d’assassinats
commandités par,»
comprend-t-on,
«responsables politiques/
forces para-militaires /
criminels.»
D’autres macèrent,
contraints à voir le monde en lucarne,
leur souffle rythmant la sentence
de la parole ligotée,
de l’écriture barbelée.
Leurs mots menottés
dorment sous la poussière
de sept fois trois-cent soixante-cinq jours.
Temps stérile défigurant l’âme.
Ne touchez pas à Gao Guirong!
Quel tambour activer,
quel maître d’eau invoquer,
pour maîtriser la vague assassine?
Quelle langue, quel alphabet inventer,
pour changer le cœur d’acier,
tracer une esth - éthique
où l’homme réapprendrait l’humanité?
Ne tirez pas sur ces soleils.
Ils abolissent les frontières.
Curepipe - 13 juin 2006.
I I A L’AUTEL DE FEU ET D’EAU
De quelle mémoire traîne-t-elle nostalgie et désir
quel amour latent répand en elle effluves de feu
enduite d’huile sa chair se souvient
brûlante d’étreintes rubéfiantes
haletante jusqu’au cri devant tant d’espaces sublimés
ressuscitant d’entre les spasmes
transmutant le cri en vibrations essentielles
notes résonances musiques
irradiations des planètes revisitées
et de leurs pierres étincelantes
oum oum oum oum oum oum oum
souvenir de l’Aphrodite du myrte et des nuits vénusiennes
prégnance des lueurs vertes irisant le temple nuptial
réminiscence des senteurs du santal blanc
rémanence d’explosions et de lumières mercuriales
incarnant la danse immémoriale des planètes en fusion
rassemblant enchâssées les fragrances fruitées
des corps et des âmes dans la vasque-abreuvoir rituelle
noces parfums extases
irradiations des planètes revisitées
et de leurs pierres ensemencées
oum oum oum oum oum oum oum
dans l’attente de l’amant parti en ascèse consentie
sa peau frémit à l’eau des ablutions
ses sens s’éveillent à l’eau de son corps
ses cellules boivent de toute leur nudité l’eau solaire
son essence aspire l’eau de l’air
et quand les épousailles reprendront avec force et vigueur au septième jour
l’eau retrouvera le feu et le feu se nourrira à nouveau de l’eau
notes résonances musiques
noces parfums extases
irradiations des planètes revisitées
et de leurs pierres fécondées
par des fiançailles d’éternité
oum oum oum oum oum oum oum
oum oum oum oum oum oum oum
Curepipe - 11 février 2007
III LE MANDALA DE L’AMOUR
Fleur-étoile
île-planète
oeil-univers
ciel-mer
En ton centre, pèlerin,
se rencontrent terre et cosmos.
Que cherches-tu,
sinon l’illimitée lumière ?
Qu’est-ce, sinon l’autre visage de la vie,
celui de l’Amour ?
Voici venu le temps de la courbe,
celui d’abolir la ligne aux angles,
de déjouer les angles du temps,
pour habiter la quiétude du non-temps.
Voici le temps de la Sphère de l’Amour,
celui de t’accorder aux vibrations cosmiques,
de décrypter en toi la Fleur de Vie,
création-origine
parole-source
signe-soleil
guide-totem
symbole inscrit dans ta mémoire
depuis la nuit des temps.
Voici le temps de la sphère-porteuse
de l’androgyne lumière des galaxies.
Que ton souffle l’active !
Que rayonne la force magnétique de l’Amour !
20 décembre 2007
IV ABBA, PERE!
Souffle l’Esprit,
en moi, inlassablement,
égrène le grain du mantra :
Abba, Père !
Abba, Père !
Abba, Père !
Résonne aux quatre coins
de mon corps-Temple,
ton royaume au cœur-flamme,
bleu-pouvoir, or-sagesse, rose-amour,
Triple Flamme : Père, Fils, Esprit.
Cette flamme en moi brille,
en faire feu jusqu’à lumière,
SOLEIL
Entaille après entaille,
tailler ma propre pierre,
construire de lumière ma cathédrale,
de l’étincelle alimentée,
vibrer infiniment :
Abba, Père !
Abba, Père !
Abba, Père !
escalader la spirale jusqu’à fusion,
Ascension !
ABBA ! PERE !
Le grand Je-Suis-Le-Je-Suis
Curepipe - 23 juillet 2008.
V A L’ANGE…
SOUS LES DÉCOMBRES
Et ce cri qui me parvient…
Silence
Atome d’espoir
Cette voix d’ange
qui perce les décombres
S’accrocher jusqu’à brûler
Voici
de mon île-point
une poignée de sel
Chaque cristal
de soleil allumé
Brûler jusqu’à clarté
les ténèbres dissipées
Tenir jusqu’à lumière
Tu es le sel de la terre
Le soleil sans frontières
Et ce cri qui des décombres…
Silence
Voici
de mon cœur-temple
la triple lumière
Chaque souffle
d’amour amplifié
d’or t’enveloppe
T’accompagner
jusqu’à la terre
des mille soleils.
Aux enfants de Haïti
Floréal – 26 janvier 2010.
Jeanne GERVAL-AROUFF.