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Modem : l’heure de vérité approche

Publié le 12 novembre 2007 par Willy
Par Sylvain Rakotoarison  - http://agoravox.fr/

Le congrès fondateur du Modem va apporter à François Bayrou l’officialisation de sa démarche adoptée à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle. Si le positionnement politique est à peu près clair, la stratégie des alliances à mener localement est encore assez confuse.

Après quelques silences au sein de son nouveau Mouvement démocrate, le président (encore) de l’UDF, François Bayrou, a adressé à ses sympathisants une lettre le 8 novembre 2007 qui a pour ambition de faire le point avant la tenue du congrès fondateur du Modem qui aura lieu à Villepinte les 1er et 2 décembre 2007. (Cette lettre est lisible là.)

Voulant rassembler les électeurs portés sur son nom le 22 avril 2007, François Bayrou a donné une vue assez complète de ses aspirations, tant en interne (fonctionnement futur du Modem, investitures) qu’en externe (positionnement du Modem dans l’échiquier politique).

Fonctionnement interne du futur parti

Le défi est colossal, puisque depuis l’élection présidentielle, François Bayrou doit rassembler des sympathisants qui, par culture politique ou par positionnement, pourraient être opposés et d’ailleurs, qui s’opposent dans les débats internes.

Ainsi, les clivages sont nombreux.

Celui entre les anciens et les nouveaux. Classique dans la vie d’un parti politique, les nouveaux sont plus "naïfs", plus "idéalistes", plus "entiers" que les anciens qui sont, eux, plus "réalistes", plus "prudents", plus "désabusés", plus "consensuels".

Pour les nouveaux, les anciens feraient le pont avec le Nouveau Centre. Le Nouveau Centre, lui, rassemble les députés UDF qui se considèrent comme faisant partie de la majorité présidentielle. Des "traîtres" pour les premiers, en oubliant que c’est grâce à l’action de certains d’entre eux que François Bayrou a pu dynamiser sa campagne présidentielle.

Le clivage entre les "venant de droite" et les "venant de gauche". L’aile de gauche, qui est très déçue par l’immobilisme du Parti socialiste, reprochant à l’aile droite de faire encore le jeu de la droite. Enfin, pour ceux qui sont restés dans le processus et qui n’ont pas déserté.

Puis, il y a les anciens Verts comme Jean-Luc Benhamias, les membres de CAP21 de Corinne Lepage...

Bref, une véritable auberge espagnole pleine d’antagonismes avant même sa naissance, ce qui ne facilite pas les choses pour le seul candidat qui voulait rompre la dualité droite-gauche et qui voulait rassembler à droite, au centre et à gauche pour gouverner. Une ouverture politique reprise de façon fort astucieuse par le président Nicolas Sarkozy.

Concrètement, il y a d’abord eu division avec le départ de ses troupes parlementaires. La situation à l’Assemblée nationale est claire, celle du groupe centriste au Sénat l’est nettement moins, mais de prochaines élections sénatoriales devraient avoir lieu en 2008, ceci explique peut-être cela.

Du coup, pour ne froisser personne, il semblerait que la solution retenue soit la mise en place d’une usine à gaz qui regrouperait à la fois des personnes physiques et deux personnes morales, l’UDF et CAP21, avec le fait qu’un adhérent UDF (par exemple) est automatiquement adhérent Modem (ce qui me paraît politiquement cohérent).

Cela dit, l’UMP n’avait pas procédé différemment en 2002 lorsque le maire de Nancy, André Rossinot, avait plaidé pour la survie du Parti radical, vieux parti centenaire dont l’histoire est prestigieuse. Jean-Louis Borloo le copréside depuis quelques années.

Des projets de statuts du Modem, par ailleurs évoqués avec pertinence ici, sont ainsi en "libre service" accompagnés d’adresses emails pour amender les textes d’origine.

Ces drafts reprennent les anciens statuts de l’UDF, et pourquoi pas ? Pourquoi sans cesse réinventer le monde ? Ce qui compte, ce n’est pas le cadre juridique mais bien la manière dont les personnes vont le faire vivre.

Le processus démocratique est mitigé, et peut décevoir les plus ardents défenseurs de la transparence interne, mais est-il possible d’abolir l’antagonisme entre un parti totalement démocratique (comme les Verts) qui risque l’enlisement dans des querelles internes et un parti inféodé à son chef, machine électorale bien huilée (comme le RPR puis l’UMP) dont l’efficacité électorale est indéniable ?

Processus d’investitures pour les élections municipales

Après bien des critiques, François Bayrou a expliqué la nécessité de désigner ex nihilo une commission d’investiture dont il donne par ailleurs la composition complète (Éric Azière, qui connaît bien les fédérations UDF depuis de longues années, en est le coordinateur).

Il s’agissait de ne pas perdre de temps pour permettre aux premiers candidats investis têtes de listes de commencer leur campagne. Il a même indiqué une adresse email qui recueillerait toutes les nouvelles candidatures, sans pour autant donner les critères d’approbation ou de refus.

Ce qu’il ressort de cette stratégie électorale, c’est qu’il n’y en a pas, ce qui, pour un parti politique, est bien étrange : autonomie complète par liste spécifiquement Modem ? alliance avec l’UMP ? alliance avec le PS ? alliance avec des écologistes ? Cela dépendra de la commune ou de la tête de liste. Lyon... Bordeaux... Paris... etc. ne paraissent pas logés à la même enseigne.

Bref, il manque nettement une lisibilité dans le jeu des alliances qui risque de plomber la cohérence future du Modem, car les critères de décision ne sont pas très clairs sinon peut-être en termes d’efficacité électorale (comment avoir le plus d’élus ?).

Positionnement politique du Modem

Le positionnement politique du nouveau parti est, en revanche, très clair puisque sont rappelés les grands thèmes de la campagne présidentielle de François Bayrou, qui sont souvent des critiques formulées à l’égard du gouvernement :

- La lutte contre le déficit et la dette de l’État est oubliée.
- Le refus de considérer l’argent comme le seul critère de réussite personnelle, comme le laisse entendre le vote du "paquet fiscal".
- La réforme des universités a perdu de son importance.
- La mise en place d’un véritable service minimum en temps de grève pour éviter la paralysie du pays semble oubliée (a priori, la loi votée l’été ne s’appliquera qu’en janvier 2008).
- Les franchises de l’assurance maladie sont très discutables en ce sens que l’effort de la lutte contre certaines maladies ne doit pas revenir aux seuls malades.
- La réforme des régimes spéciaux des retraites est une bonne chose mais ne financera que 5% du besoin actuel de refinancement des retraites. Il faut financer 100% des besoins.
- Le Grenelle de l’environnement a abouti à de bonnes suggestions, mais vigilance sur les applications concrètes.
- Les propositions de réformes institutionnelles du comité Balladur ne vont pas dans le bon sens car elles renforcent l’omniprésence du président de la République.

D’ailleurs, afin de bien montrer qu’il se veut porteur d’un "projet de société alternatif", François Bayrou a éliminé toute référence "centriste" pour ne focaliser que sur l’aspect "démocrate" de sa démarche, ce qui n’est pas nouveau puisqu’il avait déjà eu cette tentative en novembre 1995 lorsqu’il avait transformé le Cendre des démocrates sociaux (CDS) en Force démocrate (avec l’absorption du mini-Parti social-démocrate d’André Santini).

Quelques omissions

Hélas, dans cette longue lettre, un élément troublant est l’absence de toute référence au traité de Lisbonne (dont la ratification est essentielle pour éviter la paralysie des institutions européennes), et plus généralement, à la construction européenne, thème pourtant prioritaire du discours centriste classique. Juste sont citées les "sociétés européennes".

Tout comme l’absence de considérations sur la décentralisation qui devrait pourtant être le grand thème des prochaines élections municipales et cantonales.

Rien sur le quota d’expulsion des sans-papiers. Rien non plus sur la loi Hortefeux, rien sur l’instauration des tests ADN pour le regroupement familial ni sur l’autorisation d’études "ethniques" (on parle de valeurs ou pas ?). Des sénateurs "Modem" ont même voté pour cette loi... alors que François Bayrou participait à un meeting aux côtés de SOS-Racisme et des leaders de la gauche de la gauche. Ce qui donne une grande opacité sur la position réelle de ce parti sur le sujet.

Dans quelques semaines, François Bayrou joue donc triplement une partie cruciale, son avenir politique, le défi d’installer en France une grande force en dehors de la droite et de la gauche, et surtout, plus concrètement, l’organisation d’un nouvel outil (car son leadership est incontesté) afin d’affronter une longue série d’élections qui pourraient être éprouvantes pour la majorité actuelle et pour la gauche aussi : municipales, cantonales et sénatoriales en 2008, européennes en 2009 et régionales en 2010... en attendant la présidentielle de 2012.


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