>> La Horde, sortie le 10 février (5,5/10) :
Au vu des premières images et du synopsis de ce « premier film de zombies français », œuvre de Benjamin Rocher et Yannick Dahan (un ancien, entre autres, de Mad Movies, gage de qualité pour ce genre d’entreprise), on se disait que potentiellement, dans une hypothèse ultra-optimiste, ça pouvait promettre un croisement entre Nid de guêpes et le Dawn of the Dead de Zack Snyder.
Mon enthousiasme fut ensuite douché par une rumeur assez détestable émanant de certains confrères, rumeur étayée, il faut bien le révéler, par un fait assez inédit (un hapax ?) : le
remontage en catastrophe des dix premières minutes du film, non pas après des projections tests, mais à la suite de la première projection de presse parisienne début janvier, et le report des
séances suivantes, ce qui n’était pas franchement bon signe quant aux premiers retours. Le mal était fait, on n'en était pas à reshooter des scènes comme pour Wolverine (il faut
dire qu'il était un peu tard pour ça), mais il semblait de toute façon improbable que les journaleux/prescripteurs l'ayant visionné ce jour-là y retournent pour se refaire une
opinion plus positive - dans mon infinie bienveillance, j'ai donc essayé de mettre également ce fait sur le compte d'un perfectionnisme après tout
compréhensible, sans trop y croire (on ne parle quand même pas de Wong Kar-Waï)... Néanmoins j’avoue avoir été étonné par la candeur inhabituelle et sans doute forcée avec laquelle les
distributeurs et RP du film ont tenté de communiquer là-dessus (ils ne s'adressent quand même pas aux moins matois) : les réals "découvrant sur grand écran" le film se seraient aperçus
que le début de cette "copie quasi-définitive" ne fonctionnait pas lors de la dite projo, à laquelle assistaient également les figurants... Bizarre pour un film déjà projeté à Sitges ou Venise.
Passons (il arrive fréquemment que les films soit retouchés entre leur présentation en festival et leur sortie en salles, mais là c'est un peu gros vu les circonstances).
Alors voilà, La Horde, ce n’est ni ce qu’on pouvait follement espérer, ni ce qu’on a pu craindre un instant. C’est jouissif et bien senti par moments, maladroits à d’autres, pas toujours
très bien interprété/dirigé mais porté par de vraies gueules (ah, Jo Prestia, juste un bonheur ce mec-là) ; en fait le bémol de ce point de vue porte surtout sur les figurants zombies qui
n’y sont pas tous, loin s’en faut. Une fois qu’on a exprimé ces réserves, le film est méchamment couillu (perso féminin y compris), nerveux, sanglant, brutal, outré, caricatural, risible, bref on
y trouve tout ce qu’il faut à une bonne série B. On sait gré aux réals d'amener enfin le cinéma de genre français sur le terrain zombiesque, à la suite de quelques réussites plus
fameuses de la jeune garde tricolore dans le genre horrifique, et de s’en sortir honorablement, en dépit de ce que pourront en dire deux trois dandys quadragénaires à sacoche et converses qui ne
savent pas apprécier à sa juste valeur un crâne éclaté à la chevrotine, ce genre de béotiens qui pinaillent sur des questions de vraisemblance ou de portée sociologique (pauvres types…).
De fait, Dahan et Rocher essuient les plâtres au niveau national, mais en héritiers d'une tradition increvable dont le noyau reste inaltérable (personnages archétypaux, enjeux,
action,...), tradition revenue d'outre-tombe (elle aussi) ces dernières années, car portée par quelques évolutions essentielles (et je ne parle même pas des
Shaun of the Dead et autre Zombieland, qui reprennent et réinventent tout autant un autre filon, celui de la comédie horrifique). Les compères ne se
sentent pas tenus d'expliquer le phénomène, héritiers comme Snyder du pape Romero et de ses morts-vivants plus que de Danny Boyle, mais ayant également intégré
la doctrine de ce dernier au sujet des infectés (les affamés courent vite), à ceci près que Snyder dispose d'autres moyens, et d'un talent rare de maniériste, de
filmeur et d'adaptateur. La tentative, là encore inhérente au genre, de s'élever à un autre niveau d'interprétation en conférant à l’assaut des morts-vivants une portée sociétale
ou politique ("ça fait plusieurs décennies que les cités sont livrées aux sauvages, zombies ou pas...") fait un peu pschitt (piste insuffisamment exploitée, comme l'arrière-plan
apocalyptique, toutefois cela était en partie induit par le choix excitant du quasi-huis clos à la Nid de guêpes), mais la puissance d'un survival se mesure avant tout à
son intensité, et avec quelques répliques salées qui arrachent et un casting sévèrement burné (mention spéciale au vétéran de l’Indo, assez phénoménal), La Horde
fera plaisir aux amateurs qui y retrouveront leurs aises, à défaut d'établir de nouveaux standards (mais était-ce vraiment l'ambition des cinéastes, au-delà de l'envie de planter un
drapeau ? Probablement pas).