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LOPPSI II bientôt adoptée : la Sarkofrance sécuritaire.

Publié le 08 février 2010 par Juan

LOPPSI II bientôt adoptée : la Sarkofrance sécuritaire.La fameuse"loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure" sera débattue par l'Assemblée Nationale cette semaine. Voulue par Nicolas Sarkozy, préparée par Michèle Alliot-Marie, elle sera défendue par Brice Hortefeux. Dans son préambule, le gouvernement détaille les objectifs de la loi.

– les menaces terroristes qui portent atteinte aux principes fondateurs de la République, à l’intégrité du territoire national et aux intérêts supérieurs du pays ;– les mouvements et actes qui nuisent à la cohésion nationale, qu’il s’agisse des différentes formes de radicalisation favorables au développement de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme ou aux trafics et violences urbaines qui menacent la tranquillité de quartiers et de leurs habitants ;– la criminalité organisée, notamment celle favorisée par les développements technologiques (cybercriminalité), et l’évolution des rapports géostratégiques (trafics de matières à haute valeur marchande, émigration irrégulière et clandestine, flux économiques souterrains) ;– les violences infra-familiales ;– la délinquance routière ;– les crises de santé publique ou environnementales.
Rien que ça. Dans le détail, la loi est à la hauteur de ses ambitions... les plus folles. Certains nouveaux délits sont couverts, comme, via son article 2, "l’utilisation frauduleuse de données à caractère personnel de tiers sur un réseau de télécommunication" (un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende), ou l'aggravation des sanctions contre les fraudes à la carte bleue quand elles sont commises en bandes organisées.
Surveillance des réseaux libérée
Plus contestables sont les dispositions relatives à la surveillance des réseaux. Certes, la loi permet aux autorités judiciaires et policières, sous prétexte de lutte "contre les images de pornographie enfantine", de se faire communiquer " les adresses internet des services de communication au public en ligne" (article 4). Notre confrère Fabrice Epelboin s'est fendu d'un article pour rappeler combien cette disposition était contre-productive, car elle encouragera les sites pédophiles à se cacher dans des réseaux clandestins.
Mais LOPPSI II inclue aussi, comme prévu, un douloureux chapitre sur la captation de données informatiques (article 23). Il autorise "à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères". Ces opérations sont effectuées sous l'autorisation d'un juge d’instruction, valable 4 mois. Quand ce dernier sera supprimé, en vertu d'une autre "réforme" sarkozyenne annoncée par le président français en janvier 2009, cette autorisation sera donc du ressort du ... gouvernement. LOPPSI II encadre-t-elle les motifs d'écoute informatique ? Elle sera réservée à "la criminalité la plus grave", et certaines professions seront épargnées (avocats, parlementaires).
La police sera donc autorisée à placer des mouchards "dans un véhicule ou dans un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59" (soit entre 21 heures et 6 heures du matin).


Fichage facilité
La loi libère les possibilités de fichages. Son article 8 prévoit que le rapprochement ADN peut être effectué "d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction" à l'encontre de tout suspect d'infraction. Alors que les fichiers actuels de la police et de la gendarmerie ont été critiqués car leur alimentation et leur mise à jour sont défaillantes, l'article 9 de la loi élargit l'alimentation et la consultation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) - jusqu'ici réservée aux officiers de police judiciaires - à tous les agents du corps des personnels scientifiques de la police nationale. La loi permettra également de ficher les auteurs, suspects et victimes d'une succession de délits mineurs globalement sanctionnées par une peine supérieure ou égale à 5 ans, au motif que " la sérialité se trouve essentiellement présente dans la petite et moyenne délinquance de masse".
Son article 10 prévoit que "le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés d’informations nominatives" . Ces informations pourront être recueillies pour des motifs très larges comme le "trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques", l'atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État" ou même "à des fins de recherches statistiques". Les informations recensées seront aussi nombreuses, concernant suspects et victimes :
« Art. 230-7. – Les traitements mentionnés à l’article 230-6 peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d’âge, à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions mentionnées au 1° de l’article 230-6. « Ils peuvent également contenir des informations sur les victimes de ces infractions. Ces dernières peuvent toutefois s’opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné.« Ils peuvent en outre contenir des informations sur les personnes faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes de la mort mentionnée à l’article 74 ou d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes d’une disparition inquiétante ou suspecte mentionnée à l’article 74-1. Les données personnelles concernant ces dernières sont effacées dès lors que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou d’écarter toute suspicion de crime ou délit.
Videoprotection tous azimuts
La loi entend également faciliter le déploiement, maintes fois promis, jamais réalisé, des caméras de surveillance. Pour mémoire, Nicolas Sarkozy, dès 2002, promettait déjà le triplement de la vidéoprotection, une promesse non tenue. cette fois-ci la loi rappelle le périmètre: protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords; sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ; régulation du trafic routier ; constatation des infractions aux règles de la circulation ; la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ; prévention d’actes de terrorisme. La loi prévoit la délégation à des entreprises privées.

Intérêt national contre intérêt public ?
Les agents secrets auront le droit à une fausse identité. Les peines encourues en cas de révélation de l'identité d'un agent sont aggravées (article 20). L'anonymat de leur déposition et des enquêtes les concernant est garanti. L'espionnage privé est également régulé, sous le chapitre au nom évocateur: « DE L’ACTIVITÉ PRIVÉE D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE ». Ce dernier concerne "les activités, menées afin de préserver l’ordre public et la sécurité publique, qui consistent à titre principal à rechercher et traiter des informations non directement accessibles au public et susceptibles d’avoir une incidence significative pour l’évolution des affaires." Les officines privées devront être répertoriées auprès du ministère de l'intérieur.
Le reste du projet de loi est un fourre-tout législatif, alors même que le gouvernement Sarkozy continue de réduire les moyens de sécurité, avec notamment la suppression de 9 000 postes de police et gendarmerie depuis 2008, et encore 4.800 prévus d'ici 2013. Tout y est : délits routiers, extension des pouvoirs de contrôle des préfets (notamment en Ile-de-France), lutte contre le trafic de stupéfiants, sous-traitance à des entreprises privées de la rétention des sans-papier appréhendés aux aéroports de Roissy et Orly (article 34), raccourcissement des délais de procédure pénale (article 22).
La semaine dernière, deux amendements proposés par le gouvernement et adoptés par la commission des lois réunie mercredi 27 janvier, étendent les pouvoirs de la police municipale: ils donnent la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de polices municipales de plus de quarante agents. Ainsi, ces derniers pourront effectuer certaines tâches supplémentaires, comme les contrôles d'alcoolémie et les contrôles d'identité pour le second.
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