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Euro : la fin des calendes grecques

Publié le 08 février 2010 par Hmoreigne

Avec la Grèce , dans un premier temps, les marchés financiers ont trouvé une nouvelle proie à vampiriser. L’Euro qu’on présentait comme le bouclier de l’UE se révèle le modeste cache-sexe d’une Europe aux pieds d’argile. Une UE qui avait choisi la politique de l’autruche en abandonnant aux marchés le soin de mettre un terme aux dérives financières de certains de ses états membres. Le fond du problème c’est d’avoir remis aux calendes grecques la constitution d’une UE plus intégrée , forte de mécanismes de coordination et de coopération.

Pour comprendre ce qui se passe, autant faire un petit détour par le blog de Jean Quatremer : Coulisses de Bruxelles. Dans un billet au titre explicite : Les marchés financiers américains attaquent l’euro “, le journaliste de Libération avance une explication. “Selon des informations fiables que j’ai obtenu vendredi, émanant à la fois d’autorités de marché et de banques, une grande banque d’investissement américaine (qui a bénéficié du plan de sauvetage des banques US) et deux très importants hedge fundsseraient derrière les attaques contre la Grèce, le Portugal et l’Espagne. Leur but ? Gagner un maximum d’argent en créant une panique qui leur permet d’exiger de la Grèce des taux d’intérêt de plus en plus élevés tout en spéculant sur le marché des CDS, un marché non régulé et totalement opaque, afin là aussi de les vendre plus cher qu’ils ne les ont achetés“.

Jean Quatremer décortique dans le détail le mécanisme infernal et réclame l’affirmation rapide de la solidarité européenne à l’égard des états-membres en difficulté, rappelant en conclusion que, “les marchés ont une nouvelle fois fait la preuve qu’ils ne comprennent qu’un langage : celui du pouvoir, brutal de préférence“. De fait, la sortie de crise doit être collective, en s’appuyant sur la solidarité des autres.

En l’occurrence, les marchés tirent de leur doux sommeil une UE qui pensait naviguer sur un long fleuve tranquille, dompté par la réalisation du barrage nommé Euro. La situation actuelle témoigne des limites d’une diversité de situations et de politiques économiques au sein de l’UE.

Ce qu’Eric Le Boucher résume à sa façon sur le site Slate.fr : “Croyez-vous encore en l’Europe? C’est, au fond, la question que posent les marchés financiers aux gouvernements en créant des turbulences financières dans la zone euro, en Grèce, en Espagne, au Portugal. Ils ont raison, c’est la bonne question. La crise a démontré que l’union monétaire européenne était bancale (une monnaie commune mais toujours pas de politique économique commune)”.

Eric Le Boucher stigmatise l’absence de coordination, pour ne pas dire la cacophonie, des Etats de l’UE face à la crise actuelle : “Pour les marchés financiers, cette désunion, cet éparpillement du troupeau européen offrent la possibilité d’attaquer les plus faibles. Comme dans la jungle. Il y a beaucoup d’argent à gagner s’ils réussissent à faire craquer la Grèce, puis le Portugal, puis l’Espagne. Un peu comme ils avaient engrangé des milliards en poussant l’Italie et la Grande-Bretagne hors du Système monétaire européen lors de la crise du «serpent» en 1993. Pourquoi ne pas essayer à nouveau? Ils n’ont rien à perdre en vérité: ils montent les taux que paie Athènes pour se refinancer et ils se couvrent en cas de défaillance de l’Etat grec. Qui règle la note? Les citoyens grecs”.

Eric Le Boucher préconise d’aller plus loin que la solidarité évoquée par Jean Quatremer et réclame “un mécanisme clair de coopération économique qui fixe une stratégie commune de sortie de crise, d’austérité coordonnée, qui dicte clairement comment chaque pays doit revenir à l’équilibre, avec des vérifications et de réelles sanctions, et qui, en cas de difficultés, fasse jouer un mécanisme de soutien prédéterminé“. A ses yeux, seule une détermination affichée de l’UE est susceptible de décourager les spéculateurs. 

Dans ce jeu de monopoly à l’échelle du monde, les dés sont pipés. Personne n’est dupe. La solidarité des Etats est inévitable parce que renoncer à soutenir la Grèce reviendrait à renoncer à la construction européenne. Or comme une bicyclette ou un gyroscope, elle ne tient en équilibre que par une fuite en avant dans l’élargissement comparable au sprinter condamné à courir en perte d’équilibre. L’actuel épisode n’est porteur d’aucune morale. Si on peut souhaiter que du boulet les Grecs ne sentent que le vent, il demeure que pendant des années, ils ont joué les cigales et délibérément menti sur la situation financière de leur pays avec l’assentiment tacite de l’UE.

Après avoir chanté , il ne reste plus à nos amis Grecs maintenant que de danser. Mais, prenons garde, c’est toute l’Europe qui pourrait se joindre au bal, fragilisée par des dettes publiques abyssales. Car aujourd’hui, le serpent se mord la queue. Si de tels niveaux d’endettement sont aujourd’hui atteints c’est aussi du fait du faux sentiment d’invulnérabilité offert par l’euro.


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