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Comment vous dites ? Serendipité ?

Publié le 05 février 2010 par Arsobispo

Internet pose avec acuité un problème que l’on rencontre souvent chez son libraire préféré. En ce qui me concerne, c’est toujours avec joie que je pénètre chez lui, une liste de bouquins à la main, ou le titre d’un ouvrage ancré quelque part dans mon crâne, prompt à être énoncé au premier vendeur si tant est que je ne le trouve pas sur le rayon des nouveautés.

Quand on l’a trouvé, la question de le prendre ou pas, ne se pose même pas. Il est la raison même de notre présence ici. Et aussitôt l’exemplaire sous le bras, on jette un œil sur les autres bouquins qui accompagnaient l’objet de notre venue. Puis on se laisse porter vers d’autres tables, d’autres rayons, d’autres horizons, d’autres lieux sans se rendre compte que petit à petit, le bras ne peut contenir autant de livres, et que probablement le portefeuille va rechigner à tant de prodigalité. Mais, tout compte fait, si cela revient cher, il en reste quelque chose, un livre, qui permettra cette aventure toujours étonnante - ou pas - de voyager dans la pensée ou l’imaginaire d’un autre. Cela prendra quelques heures ou quelques jours, mais ce temps lui sera totalement consacré. Une expérience qui, au delà du plaisir éventuel qu’elle aura délivré, laissera des traces en nous. Cette attention portée au livre, est la même que celle qui nous accompagne lorsqu’il s’agit d’aller voir au cinéma un film ou d’aller écouter une musique lors d’un concert. Mais dans ces deux cas, il n’y a pas d’interférence avec le fortuit des tentations si proches délivrées par les autres ouvrages de la librairie. Et c’est en cela que la librairie présente une relation, quoique beaucoup moins pernicieuse, avec Internet.

Hormis l’accès aux services habituels et usagers tels que les pages jaunes, sa messagerie, ses comptes bancaires ou ses relations avec l’administration, dès que l’on s’aventure en dehors des chemins battus, dès que l’on ouvre la porte d’un moteur de recherche, alors on pénètre dans l’antre du web, on s’aventure de pages en pages, du coq à l’âne, de Charybde en Scylla, du ciel à la terre. Et réciproquement. Un simple mot et toute la richesse du monde est disponible, là, devant soi, à l’insu de son plein gré bien entendu. Mais à la merci d’un simple clic de souris. Cela s’appelle - parait-il - la  sérendipité, un nouveau plaisir semble-t-il auquel de plus en plus de monde s’adonne à la moindre occasion. Sérendipité. Tapez ce mot sous votre traitement de texte habituel, et vous noterez qu’aussitôt il va vous alerter, et  vous proposer comme correctif par exemple « sérialité ». Ben voyons, comme si la loi des séries avait à voir avec la sérendipité. Bien au contraire ; la sérendipité, est étroitement liée au hasard C’est l’action de cet enfant qui ouvre toutes les portes de la maison à la recherche de sa mère. Derrière l’un d’elle, il rencontrera un gentil ourson qui lui demande de jouer aux osselets avec lui. Derrière une autre, une plage ou quelques pirates enterrent un trésor. Plus loin, une nuit noire, totalement obscure, sans ombre ni couleur, puis brusquement un éclair et le trille d’un oiseau qui surgit pour lui proposer une sucette. Derrière la grande porte vitrée, un tatou en costume de lancier du Bengale, prudent, soulève le manteau de bitume pour passer sous une route, et le tient en lui laissant le passage… “S’il vous plait, après vous”. Qui sait encore…quelles autres tentations ?

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Variété, surprise, intérêt, curiosité… on en redemande, on recommence, on poursuit… Le temps passe. On vient de faire le tour d’un monde, de plusieurs même. Et il est déjà tard. Il est temps de passer à autre chose. De se sortir de cet écran qui absorbe tant. Où est-on ? Rouvrons les yeux sur notre quotidien, que diable !  Et prenons le temps de faire un bilan de cette expérience. Qu’a-t-on appris ? Quels souvenirs ? Quelles rencontres ? Les découvertes fortuites d’une caverne d’Ali Baba ou d’un magasin de jouets, certes ! Mais d’où l’on vient, n’émerge-t-on pas comme au sortir d’un profond sommeil, avec les vagues souvenirs, souvent incohérents et ineptes de ses propres rêves ?


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