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Etat chronique de poésie 807

Publié le 08 février 2010 par Xavierlaine081

807

Ainsi donc, sans doute était-ce vous. J’ignorais tout de vos ramifications régionales, de vos lecteurs choisis en de lointaines provinces.

Sans doute est-ce lui, ou elle, qui de son Isère enneigée me renvoya mon œuvre dans son enveloppe à peine close.

Et la lettre s’en est suivie : « On nous a bien transmis votre manuscrit. Nos lecteurs en ont pris connaissance avec attention. L’avis qu’ils ont rendu n’est malheureusement pas favorable et il ne nous sera donc pas possible de retenir cet ouvrage pour nos prochains programmes. Nous vous exprimons notre regret, etc… »

Que fallait-il attendre de plus, ou de moins ?

On lance ses mots à la face du monde. Ce ne sont que bouteilles jetées dans la mer déchaînée.

Et lorsque la province se fait plus reculée que la plus reculée des provinces, qu’il n’est nulle possibilité d’entrer, même par effraction dans le milieu, on ferme sa gueule…

On rentre à la maison, on marmonne en déambulant sur des avenues qui hésitent entre pluie et neige.

Quel est ce démon d’écrire ? Et à quoi bon le cultiver, sinon pour les yeux âpres à la connaissance de quelques enfants, heureux de découvrir qu’il n’est nul besoin de sortir du sérail pour laisser les mots dériver en des courants souterrains.

Combien, ainsi, ont attendu d’être morts avant que leur parole ne s’envole ?

C’est aussi belle nourriture que de faire partie de cette grande bibliothèque des refusés. Car ce statut nous oblige à écrire, à réécrire, à peaufiner sans cesse tel orfèvres ces bijoux qui dorment dans les malles du souvenir.

D’appartenir au clan des élus à l’éternel silence, nous oblige à en rabattre sur nos egos. Car nous en avons un, savez-vous ? Mais, la chance d’être refusé nous oblige à le dompter, à mesurer toute la tâche à accomplir avant de faire « œuvre »…

Alors, on lit avec avidité : on découvre des parcours étonnants chez Wittgenstein, chez Rimbaud, Verlaine et autres poètes et philosophes maudits. On observe que la maturité ne vient aux penseurs et écrivains qu’avec l’âge. Si peu qui sortent avant la soixantaine, voire même davantage !

Tout le reste n’est qu’alibi, verroterie, étoile filante dans le ciel commercial de la « chaine du livre ».

Piochant encore plus loin dans les archives de l’humanité on découvre des bouquets d’or, ciselés en multiples bouches et plumes avant de devenir pierre de scellement d’une pensée qui vient jusqu’à nous…

L’essentiel n’est pas dans la publication, mais dans la recherche d’écriture. Et rien n’est donné, il faut tout prendre.

Alors, après la colère, je ne saurais que vous remercier de m’offrir cette possibilité de revoir ma copie, de l’amplifier, de lui enlever les parures abusives qui occultent sa beauté.

Car ce qui m’obsède, voyez-vous, c’est la beauté. Je la cherche partout, et si souvent passe à côté.

Elle a la douceur d’un frais visage entrevu. Elle s’épanouit en corolles invisibles dans les jardins de l’hiver entretenu. Elle se cache en laborieux bourgeons qui attendent le printemps sous le joug implacable des nuées et du givre.

La beauté ! Quelle misère et quelle pitié que je ne sache pas plus souvent la découvrir, la déshabiller de ses feuilles mortes, l’aimer jusqu’à l’éruption solaire…

Tant de tourments viennent en gâcher le miel, et comme, dans mes rêves, mes doigts savent la faire jaillir, magnifique naïade, de ces étangs fangeux où la main des puissants tente encore de lui faire perdre la face !

Manosque, 8 janvier 2010

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