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Sécurité: mais où est la police ?

Publié le 10 février 2010 par Juan

Cette semaine semble placée sous le signe de l'(in)sécurité. La loi Loppsi II déboule dans les rangs de l'Assemblée, Michèle Alliot-Marie assouplit les règles de gardes à vue, et ... l'ineffable Brice Hortefeux propose son «plan contre l'insécurité ». A 5 semaines des élections régionales, il faut mobiliser l'électorat.
Nicolas le proche
Mardi, Nicolas Sarkozy parlait ruralité, pas d'élections régionales. Il la jouait proximité: «Je ne veux pas qu'on culpabilise la France rurale en disant que vous polluez quand vous vous déplacez. On ne peut pas faire un métro». C'est un hasard si son déplacement avait lieu dans une région, le Centre, que la droite espère décrocher de la gauche lors du prochain scrutin. C'est un hasard si son secrétaire d'Etat chargé du commerce et de l'Artisanat, et par ailleurs tête de liste UMP, Hervé Novelli, l'accompagnait. C'est un hasard si Nicolas Sarkozy parlait ruralité sans contexte particulier. Personne ne fut dupe: «A Souday, Sarkozy dans les campagnes et en campagne» expliquait l'AFP. « Nicolas Sarkozy fait campagne pour les régionales sans le dire» commentait La Croix. Et lisez donc le Monde:

C'était du Sarkozy de proximité. Un président qui règle les moindres détails, jusqu'à annoncer que La Poste va équiper de distributeurs de billets les bourgs centre qui n'en sont pas dotés d'ici à 2013. "C'est quoi le rôle du président de la République ? Se piquer de choses tellement grandes que personne ne les comprend", a lancé, mardi 9 février, le chef de l'Etat, la main au ciel, lors d'un discours sur l'avenir des territoires ruraux à Morée, dans le Loir-et-Cher. 

Michèle la douce
Alors que son collègue de l'intérieur jour les durs, la Garde des Sceaux jouait la douce. Mardi, elle a exposé au Sénat ses propositions pour limiter l'usage de la garde à vue «aux nécessités réelles de l'enquête» et en améliorer les conditions. Il y a urgence. Les excès commencent à frapper les esprits. Mardi matin, la petite voix d'une adolescente choquée de 14 ans pouvait s'entendre sur les ondes de France inter et de France info. Maud, qui s'était interposée dans une rixe à son collège, s'est trouvée interpellée un matin, en pyjama, à son domicile, mains menottées, par des policiers qui la placèrent plusieurs heures en garde en vue. Les gardes à vue, qui ont progressé de 350 000 en 2002 à près de 900 000 l'an dernier, concernent désormais tous les Français. Personne n'est à l'abri d'une ou plusieurs dizaines d'heures coffré en commissariat, qu'importe la gravité de l'infraction. Certaines idées de Michèle Alliot-Marie vont dans le bon sens : les gardes à vue seraient limitées aux crimes et délits susceptibles de peines de prison. Pour les autres infractions, la personne interpellée pourra «être entendue librement» et «restera quatre heures dans les locaux» de police ou de gendarmerie. Autre amélioration, «aucune condamnation ne pourra être fondée» sur les seules déclarations faites par une personne placée en garde à vue, sans la présence d'un avocat.  Malheureusement, la ministre ne résout pas une spécificité française: la présence d'un avocat ne sera toujours pas possible pendant les premières vingt-quatre heures. Michèle Alliot-Marie se contente de préciser que ce dernier pourra se voir communiquer les procès verbaux de l'interrogatoire au fil de l'eau...
Brice le dur
Dans une longue interview du Figaro lundi 8 février, le ministre de l'intérieur voulait livrer ses nouvelles recettes de lutte contre l'insécurité. Et le ministre de justifier ses symboles, même notoirement inefficaces.
1. Le couvre-feu aux mineurs de moins de 13 ans ? « sur une période et un secteur bien définis, le préfet pourra décider que tout mineur de moins de 13 ans surpris à déambuler en ville, passé 23 heures et jusqu'à 6 heures du matin, sera soit raccompagné chez lui, soit emmené au commissariat, où ceux qui ont autorité sur lui seront fermement invités à venir le chercher. » Et pour éviter que les commissariats ne se transforment en garderie - comme l'écrit le Figaro - le ministre suggère de supprimer les allocations familiales aux parents qui refuseront de respecter des « des contrats dits de responsabilité parentale ».
2. Le ministre défend aussi, à nouveau, son opération «opération tranquillité seniors». Une fois de plus, il évite la question des moyens: «les personnes âgées qui se sentent isolées, inquiètes, pourront alerter le commissariat ou la brigade la plus proche pour bénéficier d'une vigilance accrue grâce notamment au renfort des réservistes de la police et de la gendarmerie et des volontaires citoyens de la police.» Brice Hortefeux rappelle sa mauvaise idée d'aggraver les sanctions contre la délinquance envers les séniors, objet de polémique avec Michèle Alliot-Marie. Ceux qui pensaient que cette polémique était close en seront pour leur frais. A force d'aggraver les peines contre toutes sortes de délinquances (sexuelle, contre les seniors, les enfants, les femmes, etc) sans que cela produise un quelconque résultat depuis 2002, le gouvernement aggrave le sentiment d'insécurité.
3. «N'en déplaise aux esprits de salon, la première des préventions reste la certitude de la sanction.» Faudrait-il rappeler que Brice Hortefeux ne délivre aucune - répétons-le - aucune idée en matière de prévention ?
4. Le ridicule ne tue plus. Brice Hortefeux propose de donner aux policiers les Porsche Cayenne ou Audi 8 saisis par la justice... la belle idée !! Motiver les policiers à interpeller les propriétaires de belles cylindrées pour récupérer leurs véhicules !
« Jusqu'à présent, les véhicules de luxe des délinquants, de type Porsche Cayenne ou Audi 8, saisies par les autorités judiciaires, croupissaient en fourrière jusqu'à l'issue de la procédure. Grâce à la nouvelle loi, les forces de sécurité disposeront des mêmes armes que les délinquants. J'ai ainsi décidé qu'une partie des voitures confisquées seront affectées aux policiers et gendarmes chargés de pourchasser les convois «go fast» qui acheminent la drogue à grande vitesse vers nos métropoles. »
5. Et les moyens supplémentaires pour cette vaste loi Loppsi II et ces mesurettes d'affichage ? Et bien, ô surprise, il n'y en aura pas: « Il est totalement inexact de résumer la sécurité à la seule question des effectifs ».
Brice Hortefeux défend, évidemment, le projet de loi Loppsi II: « cette loi est la marque de notre détermination et une garantie quant aux moyens qui seront déployés pour assurer la sécurité et la tranquillité des Français au quotidien. » Où s'arrêtera-t-on ? Depuis bientôt dix ans, les lois se succèdent à chaque fait divers, mais l'insécurité contre les personnes progresse. Ces mesures, de plus en plus liberticides, sont inefficaces. Là est l'enjeu. La sécurité est un droit incontestable, mais le logiciel de la droite est en panne. L'échec est triple : boulimie législative inefficace, manque de moyens et inquiétudes croissantes. Faute de réflexion sur les causes de la délinquance, Nicolas Sarkozy invente une mesure à chaque fait divers, sans penser réfléchir à sa faisabilité. Les moyens ne suivent pas. Sarkozy confond - ou fait semblant de confondre - la loi et ses moyens d'aplication. Et la délinquance contre les personnes augmente. Prenez la riche idée du couvre-feu imposé aux mineurs de moins de 13 ans en soirée. Qui l'appliquera ? Comment faire avec une quinzaine de milliers de policiers et gendarmes en moins de 2002 à 2013 ? Ces moyens dédiés à la surveillance des mineurs en soirée manqueront-ils à la lutte contre d'autres délinquances plus graves et plus violentes ? Aucune idée, aucune réflexion d'ensemble. La Sarkofrance est figée dans son idéologie du tout-répressif législatif qui n'inquiète que les braves gens, pas les malfrats.
Brice Hortefeux s'est trouvé au centre d'une polémique née au sein même du gouvernement.

Quand les faits contredisent les propos d'Hortefeux...
par politistution

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