L'emploi, enjeu crucial pour la reconstruction en Haïti
Les marchés sont bondés, les camions se bousculent sur les grands axes routiers, et les magasins voient s'aligner les clients jusqu'au parking, mais l'économie haïtienne est en lambeaux, et pratiquement tout le monde cherche un emploi.
Le coeur commercial de Port-au-Prince a été transformé en terrain vague parsemé de gravats par le séisme du 12 janvier, et le marché central qui était l'artère vitale de la ville a été dévasté.
Un grand nombre d'usines, de bureaux et d'édifices du gouvernement ont également été détruits ou sont inutilisables, et leurs employés ne peuvent donc pas retourner au travail.
Dans ce pays où 70% de la population était déjà sans emploi avant le tremblement de terre, et où 80% de la population vivait avec moins de 2 dollars par jour, soit en dessous du seuil de pauvreté, les difficultés économiques sont littéralement colossales.
Pour Paul Farmer, médecin et émissaire adjoint de l'ONU en Haïti, il n'y a qu'un seul moyen de redresser le pays le plus pauvre des Amériques qui compte 9 millions d'habitants: "des emplois, des emplois, des emplois", a-t-il dit à l'AFP au cours d'une visite récente sur place.
Les donateurs internationaux espèrent que l'aide va effectivement stimuler les créations d'emploi.
A Carrefour Feuille, ville proche de la capitale, Jean Jonas, 25 ans, fait partie d'un groupe de cinq hommes en bleu de travail qui déblaient avec ardeur à la pelle des débris - jadis la façade d'une église - pour les jeter dans un camion benne.
Le jeune homme est payé 180 gourdes soit environ 4,50 dollars, pour six heures de travail par jour, six jours par semaine.
Le travail est pénible sous le soleil brûlant, mais plus que nécessaire pour Jean Jonas qui doit nourrir sa famille.
"C'est super", dit-il simplement, alors que la sueur dégouline sur son visage. "Mais ça ne va pas durer".
Si son employeur officiel est la municipalité locale, il travaille en réalité pour les Nations unies dans le cadre d'un programme de création d'emplois surnommé "du cash pour une tâche".
Dans le cadre de ce programme, les employés ne sont autorisés à travailler que 28 jours avant de laisser la place aux suivants.
L'ONU a déjà recruté 35.000 personnes par ce biais et espère pouvoir atteindre le chiffre de 200.000 si les financements le permettent.
Mais un porte-parole du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), Adam Rogers, souligne que l'organisation d'un tel programme est difficile, notamment parce que les employés sont payés en liquide, un grand nombre d'Haïtiens ayant perdu leurs documents d'identité pendant le séisme.
En dehors de ce programme, l'économie haïtienne a déjà fait quelques progrès près d'un mois après le séisme.
Le port, artère vitale du pays, tourne pratiquement à pleine capacité, ce qui était loin d'être le cas avant le tremblement de terre, et les usines gérées par des entreprises étrangères fonctionnent à 80%, selon le PNUD.
Et chez certains, la catastrophe a aussi inspiré de nouveaux métiers.
Dans le quartier de Delmas, à Port-au-Prince, Vesta Didier a ainsi trouvé un filon lucratif. Sur le bord de la route, elle vocifère des ordres à un groupe d'hommes qui déchargent un camion plein de fins troncs d'arbres.
Moyennant 300 gourdes la douzaine (environ huit dollars), un prix jugé scandaleux par un passant, les Haïtiens qui vivent dans la rue depuis le 12 janvier peuvent acquérir ces bouts de bois pour s'en faire un abri.