Haydar Qoli Naqqâsh, XVIIème
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Cheval
Madjou dans le désert
?
Jardin de la Rose du Pieux, Djami, XIVe
Ascension Miraj
Restons encore en Orient et remontons le temps…
Je voudrais ici parler des miniatures persanes. Pour leur beauté, mais aussi pour faire la maligne : l’art de la miniature persane était extrêmement sophistiqué et codifié, tout un pool d’artistes -évidemment des hommes- étaient sollicités pour des tâches très précises (mise en page, calligraphie, dessin, peinture, dorure, coloration…) et je trouve leur travail… féminin ! Comme les brodeuses ou les dentellières, les miniaturistes de Perse (et d’ailleurs) faisaient un travail de minutie que l’on assimile généralement aux aptitudes féminines, du moins en Occident…
On ne sait pas très bien à quand remonte cet art, mais on en connaît l’âge d’or : entre le XIIe et le XVIe siècle.
Plusieurs des miniatures ci-dessus sont tirées du recueil des Cinq Poèmes de Nezâmi (XIIe siècle), illustré par le peintre Haydar Qoli Naqqâsh, dont la copie date du XVIe siècle (et est aujourd’hui conservé à la BNF). C’est une histoire d’amour tragique.
Et ça nous fait rejoindre l’autre oeuvre que je voulais ici célébrer : l’histoire d’amour quasi policière qu’est le grand livre d’Orhan Pamuk, Mon Nom est Rouge. L’intrigue de ce roman polyphonique (quelques narrateurs tournent pour chacun des cinquante-neuf chapitres) a pour cadre l’Istanbul de 1591 et met en scène l’enquête de Le Noir pour retrouver l’assassin d’un doreur suspect ainsi que les amours contrariées du premier et de la malicieuse Shékuré.
Au-delà de l’intrigue amoureuse ou du suspense policier, ce sont deux conceptions du monde (à travers l’art) qui s’opposent : d’un côté, l’école des miniaturistes venue de Perse qui exige l’anonymat complet de l’artiste, subordonné à l’oeil d’Allah, qui exécute une abstraction dans laquelle l’homme et la femme doivent être représentés de manière impersonnelle (d’ailleurs la cécité qui guettait les peintres correspondait à leur consécration puisqu’ils montraient ainsi leur dévouement et risquaient encore moins de reproduire la réalité) et de l’autre, l’école occidentale, dont Venise est le cheval de Troie, qui se met à influencer l’art mondial avec la personnalisation de ses représentations et l’invention de l’artiste comme unique… Tentation impie…
Oui, c’est un livre difficile à lire, car très érudit, et très long. Mais c’est un livre magnifique car il vous propose un voyage à travers le temps et l’espace, et vous fait approcher des concepts philosophiques et religieux sans renoncer à l’humour, la poésie et la fantaisie. Bref, ce livre mérite un effort de départ et il vous enchante ensuite, grâce à l’écriture à la fois mélancolique et malicieuse de l’écrivain turc Orhan Pamuk. Il a quand même obtenu le prix du Meilleur livre étranger en 2002 pour cette oeuvre et le Prix Nobel de Littérature en 2006…