Le 12 janvier 2010, l’histoire d’Haïti a basculé sous l’effet d’une catastrophe naturelle particulièrement éprouvante. Un tremblement de terre de magnitude 7.3 sur l’échelle de Richter a pétrifié les villes du département del’ouest et provoqué des centaines de milliers de victimes.
En plus d’une catastrophe naturelle, il s’est agi malheureusement de la chronique d’un suicide collectif assuré.
Depuis de trop longues années, l’urbanité haïtienne en crise a nourri et fait croitre le « monstre » du 12 janvier. Une catastrophe d’une telle échelle est malheureusement la résultante du refus têtu d’habiter un espace vivable, vital pour la survie de notre nation.
L’événement du 12 janvier est aussi la résultante de notre refus des vrais débats sur les questions fondamentales relatives à l’environnement, à l’aménagement du territoire, la décentralisation et l’équipement stratégique national.
Le tribut a été d’autant plus lourd que nous avons fermé la porte aux avis scientifiques sur les aléas d’une géographie mouvementée et accidentée. Nos cours dans les écoles et universitésne nous ont jamais permis de bien connaitre cet espace haïtien dont l’un des plus dévoués chercheurs a été emporté par la houle meurtrière d’une terre que notre amnésie a rendu méconnaissable.
Le discours politicien arrogant et creux a phagocyté tous les espaces de débats scientifiques et les querelles de clocher ont tû les sirènes d’alarme précédant la catastrophe.
Après le 12 janvier, rien ne doit plus être comme avant. On se le répète à longueur d’émissions radiophoniques et dans les colonnes de nos journaux. Mais l’histoire d’Haïti fourmille de momentums ratées, d’opportunités gaspillées en raison des ambitions mal contenues des uns et de l’incivisme indécrottable des autres ; quand il ne s’agit pas de l’insoutenable légèreté politique d’une fraction critique de nos élites.
La conflagration du 12 janvier est tout de même le choc en mesure de provoquer le sursaut national. Un sursaut national qui devrait porter sur ce que Laenec Hurbon a appelé « la refondation de l’Etat ». L’Etat failli s’est effondré pour de bon et git dans les ruines accablantes du 12 janvier.
Le nouvel Etat à faire naitre devrait se constituer sous l’égide d’un pouvoir de transition à la légitimité renforcée. D’autres forces sociales et politiques devront élargir la représentativité politique du régime actuel en fin de mandat constitutionnel. De même qu’il a déclaré faire appel à des cadres-ressources de la société civile, le président doit exceptionnellement avec l’accord du parlement mettre en place, un organe de consultation pour la reconstruction nationale qui inclurait des acteurs politiques clés.
Toujours est-il que ce programme de reconstruction devrait bénéficier du support de l’ensemble d’une communauté haïtienne lourdement éprouvée.
L’heure n’est surtout pas au chambardement et au « carrousel » politique dont nous sommes coutumiers. Mais il devient impérieux de constituer une autorité politique plus représentative où la participation des forces vives du pays est souhaitée. Tout cela doit se faire avec rigueur, sans émotion dans l’intérêt supérieur de la nation pour éviter de mettre `` Abse sou Klou ``. D’autant qu’il faudra partir de très loin pour corriger les erreurs du passé accumulées par un Etat dont les politiques de logements sociaux à travers l’ONL et l’EPPLS ont contribué à la bidonvilisation de la ville.
Quoiqu’il en soit, il se présente à nous maintenant plus que jamais la
possibilité de changer notre destin. La communauté internationale a mis en
place un véritable pont aérien pareil à celui de l’après-guerre lors du blocus
de Berlin. Et l’on évoque de plus en plus un plan Marshall pour Haïti.
Mais attention à la tour de Babel dans ce concert louable de bonnes intentions et de solidarité agissante. Il faut une « équipe nationale » unie et déterminée pour canaliser tout ce support pour le meilleur en sachant éviter les dispersions aux quatre vents.
Pour le pays, les ancêtres et les victimes du 12 janvier, bâtissons la nouvelle Haïti…sans exclusion ! Ne serait-ce que pour rendre hommageà notre peuple qui mérite plus que de la compassion, mais une nation.
Roody Edmé