Le président français multiplie les déplacements de campagne. Pour cette 145ème semaine en Sarkofrance, il est allé parler ruralité dans la région Centre, pour soutenir le candidat UMP Hervé Novelli. Il y avait pourtant d’autres sujets : alors que la Grèce vacille pour cause de surendettement, la Cour des Comptes livrait son rapport sur les déficits français en 2009.
La Grèce et le mauvais exemple français
Face à la Grèce, Nicolas Sarkozy a joué sa partition préférée : donner des leçons et se poser en sauveur. La première partie fut aisée : la Grèce affiche des déficits records, avec un trou budgétaire de plus de 12% de son PIB. En France, on en est qu'à 8% du PIB. Mercredi, Nicolas Sarkozy recevait le premier ministre grec, avant un conseil européen « informel » le lendemain. Les Etats membres de l’UE ont accepté de venir en aide à leur voisin grec … en principe : aucune mesure concrète n’a été adoptée jeudi, à l’exception d’une demande d’austérité budgétaire en Grèce, qui sera suivie de près par la Commission européenne. On aurait presque oublié que la France et l'Allemagne représentent 40% de la dette extérieure grecque. « Là, il y a un principe. Quant aux modalités, nous nous réservons de voir les évolutions pour les calibrer. Disons qu'il y a une stratégie, c'est celle que nous avons fixée, et qu'il y a une tactique, en fonction des événements. » a expliqué le Monarque français.
Ce principe de rigueur, Sarkozy ne se l’applique pas.
Les mauvais comptes de Sarkofrance
Philippe Séguin a-t-il refait surface ? Le rapport annuel dévoilé par la Cour des Comptes sur l’année 2009 est édifiant : les niches fiscales, à l'efficacité discutable, représentent quelques 146 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat chaque année. La Cour livre plusieurs exemples, comme la défiscalisation des services à la personne. En 2005, Jean-Louis Borloo, alors ministre du travail, élargissait les exonérations fiscales, jusqu'ici limitées à la garde d'enfants, à un large éventail d'emplois à domicile pour le plus grand bénéfice d'employeurs aisés de femmes de ménage ou autres jardiniers. Et l'on est bien loin des 500 000 créations d'emplois annoncés: à peine 108 000 emplois, pour une niche fiscale qui coûte 7 milliards d'euros en 2009 !
La Cour livre une vision à contre-courant de l'administration sarkozyenne : la politique fiscale depuis 2002 est responsable de l'envolée de l’endettement public français. De 1 000 milliards d’euros en 2002, la dette publique est prévue à 2 000 milliards en 2012, soit près de 90% du PIB. Pour la seule année 2009, les mesures sarkozyennes, hors plan de relance et impact de la crise, ont aggravé le déficit structurel de la France de quelques 0,6 points de PIB soit 12 milliards d’euros. Disons-le autrement : à cause de son incompétence budgétaire, Nicolas Sarkozy a porté le déficit structurel de la France à 4% du PIB. Commet ? La Cour des Comptes livre son explication, et dénonce «la préservation insuffisante des ressources publiques». « Le déficit a cependant été aggravé par une maîtrise insuffisante des dépenses publiques et par des mesures de réduction durable des prélèvements obligatoires». Faut-il être plus clair ?
Le gouvernement aurait pu se satisfaire des bons chiffres de la croissance du PIB au dernier trimestre de 2010 (+0,6%), quand l'Allemagne reste chétive et l'Espagne en récession. Les experts sont prudents : le soufflé devrait vite retomber. A y regarder de plus près, la croissance a été tiré par les ventes de voitures (+8%), précipitées par la prochaine fin de la prime à la casse, et le déficit commercial s'est encore accru. L'investissement est aussi en berne: celui des entreprises a encore chuté (-0,8% par rapport au trimestre précédent), tout comme celui du logement des ménages (-2,7%). Même l'investissement public, pourtant soutenu par le plan de relance d'après le gouvernement Sarkozy, a baissé une nouvelle fois ce trimestre (-0,2%, après -1,1% au trimestre précédent). L'emploi salarié ne se porte pas mieux: le nombre de salariés du secteur privé a encore diminué, perdant encore 56.500 postes versus le 3ème trimestre.
La campagne hypocrite de Sarkozy
Nicolas Sarkozy a le droit de soutenir son camp. C'est même une réaction attendue et partagée de tous les présidents de la Vème République. La « rupture » sarkozyenne tient à l'ampleur des moyens déployés et à l'hypocrisie de la démarche. Nicolas Sarkozy triche avec les règles de la République en matière de campagne électorale : il prend bien soin de ne jamais parler explicitement du scrutin régional dans ses déclarations. Il évite ainsi que ses discours soient comptabilisés dans le quota de temps de parole UMP sur les médias audiovisuels. Prenez l'exemple de sa conférence sur les déficits publics : le sujet est réel, urgent et préoccupant. Mais dès le départ, Nicolas Sarkozy l’a placé sur un curieux registre, celui des dérapages des comptes des collectivités locales, majoritairement à gauche. Et comme par hasard, l'UMP publiait en même parallèle un "livre noir de la gestion des régions socialistes". Les apparences sont sauves !
Autre triche, les déplacements du Monarque en région : ses visites n'ont aucun autre motif qu'électoral. Elles sont toutes ciblées sur des zones à fort enjeu pour l'UMP. A chaque fois, Xavier Bertrand – qui n’a aucune place dans l’organigramme gouvernemental – est là. A chaque fois, les candidats UMP locaux sont mis en avant par le président. A chaque fois, une réunion de militants UMP est discrètement organisée en marge des rencontres officielles. L’UMP rembourse-t-elle aux contribuables le surcoût « présidentiel » de ces meetings (équipes de sécurité, transports, etc) ? Cette allure officielle permet en effet de mobiliser quelques moyens de l’Etat au profit de la cause de l’UMP. En Corse, Sarkozy a ainsi déjeuné avec les deux têtes de liste UMP locales, Camille de Rocca Serra et Ange Santini. Ce déjeuner, d’après le restaurateur, a été facturé … à l’intendance de l’Elysée. A l’UMP, on explique que Sarkozy ne vient qu’à « titre personnel »… Comme les dizaines d’accompagnants emmenés par un cortège de voitures de la République ?
Les 14 et 21 mars prochain, Nicolas Sarkozy compte sur l'abstention des plus jeunes, et la mobilisation du socle senior de l'électorat UMP.
Comment faire peur aux vieux ?
Il y a des mois, l'UMP avait livré son programme de campagne : immigration, insécurité, fiscalité. La formule gagnante pour mobiliser l'électorat âgé. Lundi, François Fillon clôturait, sans l'avouer, le débat sur l'identité nationale. Le grand colloque initialement prévu en présence du président a été remplacé par un discret séminaire gouvernemental. Il fallait arrêter le massacre. Le débat, électoraliste avant tout, s'est révélé dangereux et sans intérêt. Tous les sondages le répètent. Les mauvais paroles se sont libérées au fil des 350 débats locaux. Eric Besson a tenté de se féliciter de 58 000 contributions, moins qu'il n'y a de places vendues au stade Vélodrome pour un match de l'Olympique de Marseille. Qu'en retient-on ? Que «l’identité nationale existe », qu'« il faut renouveler, raffermir, consolider le pacte républicain », et que « l’Etat a un rôle majeur à jouer ». La Palice n'aurait dit mieux ! Qu'en fera-t-on ? Pas grand chose. Fillon a annoncé une batterie de mesurettes sans ambition : un « carnet jeune citoyen », des « parrainages républicains », l’affichage du drapeau français sur le fronton des les écoles, et la création d’une commission, composée de personnalités, chargée de prolonger le débat…
Exit donc le débat identitaire. Il faut trouver autre chose. Eric Besson a laissé la polémique sur le voile au NPA, il tente de rebondir sur la lutte contre l'immigration clandestine. Il y a un mois, son administration s'était faite déborder par l'arrivée soudaine de 123 Kurdes sur une plage du Sud de la Corse. Les tribunaux avaient relâché un à un tous les clandestins précipitamment éparpillés aux quatre coins du pays. Vendredi, dans les colonnes du Figaro, le ministre choisit ses formules : «Notre législation nationale n'est pas adaptée à l'arrivée brutale et massive sur nos côtes d'un grand nombre d'étrangers en situation irrégulière». Il s'apprête à déposer un projet de loi pour durcir la réglementation contre les clandestins : réduction à 48 heures (contre 30 jours) du délai de recours, interdiction de retour en France, création de nouvelles «zones d'attente spéciale».
Autre sujet électoral, l'insécurité. Il n'a rien de tel pour précipiter un retraité conservateur dans l'isoloir. Cette semaine, l'Assemblée étudiait la fameuse loi LOPPSI II, sur la sécurité intérieure. Tout est prévu: espionnage des communications en ligne sous l'autorisation d'un juge d’instruction (que Nicolas Sarkozy va prochainement supprimer !), libération des possibilités de fichage des auteurs, suspects et victimes de peines mineures, élargissement de l'alimentation et la consultation du fichier national automatisé des empreintes génétiques, couvre-feu contre les mineurs de moins de 13 ans, sous-traitance à des entreprises privées de la rétention des sans-papier appréhendés aux aéroports de Roissy et Orly, etc... Les vraies questions ne sont pas posées : comment appliquer cette loi avec une quinzaine de milliers de policiers et gendarmes en moins de 2002 à 2013 ? « Il est totalement inexact de résumer la sécurité à la seule question des effectifs » explique Brice Hortefeux. Malgré la boulimie législative depuis 2002, la délinquance violente ne cesse d'augmenter. L'échec sarkozyen est patent. Même les Français commencent à s'inquiéter. Personne n'est à l'abri d'une garde à vue en commissariat. Pas même nos enfants.
Campagne hypocrite, impasse fiscale, fantasmes sécuritaire.
Le compte n'est pas bon.
Ami sarkozyste, où es-tu ?