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"Romance nerveuse" de Camille Laurens

Publié le 14 février 2010 par Francisrichard @francisrichard
Pendant des années - vingt-cinq ans au moins - je n'ai pas lu ou très peu, ou sinon des oeuvres sûres, validées par le temps, écrites par des hommes, ou des femmes, au talent reconnu, du moins par moi, quand je lisais beaucoup, dans mon jeune temps.

Au lieu de lire pendant toutes ces années j'ai agi, à la barre d'une entreprise, dans un univers tempêtueux, qui ne me laissait d'autres loisirs que la poésie et le sport. Il a fallu attendre que je devienne salarié pour que je retrouve le temps de lire des oeuvres contemporaines, pour que je reprenne contact avec aujourd'hui. Le salariat est une semi-retraite.

Avec des années de retard, il est un genre que je découvre maintenant, avec lequel j'ai un peu de mal, qui est caractéristique de ces dix, quinze, dernières années : l'autofiction, illustrée par des auteurs tels que Christine Angot ou ... Camille Laurens. Ce genre se situe, comme le nom l'indique, entre l'autobiographie et la fiction. Ce genre qui résulte de la confusion de deux genres me laisse confus et en même temps me donne une sacrée indication sur notre époque.


C'est le titre qui a attiré mon regard, "romance nerveuse", comme on parle d'une "grossesse nerveuse", avec ce que cela implique de symptômes réels, fruits de troubles activités mentales, imaginaires. Romance évoque d'ailleurs aujourd'hui davantage une sorte de vague à l'âme, de sentimentalisme désuet, qu'une pièce musicale qui vous élève comme ce l'était naguère.

Côté auto, la narratrice est un écrivain, Camille L., de son vrai nom Laurence R. Elle est en rupture avec l'éditeur de ses débuts. Qui a pris partie contre elle pour un autre auteur de sa maison d'édition, accusé par elle de plagiat. L'affaire a fait frissonner le Tout-Paris littéraire, dans l'incompréhension et l'indifférence générale du public. Le personnage du roman comble en quelque sorte le vide d'un éditeur l'autre.

Côté fiction, il y a dédoublement de personnalité chez celle qui tient la plume. Elle est tantôt Camille, son pseudo prénom, celle qui dit je, tantôt Ruhel, son réel patronyme. Le moi aurait tendance à écouter son coeur, son instinct, tandis que Ruhel serait sa voix interne, celle de la froide raison qui ne croit en rien, qui doute de tout et juge sur pièces.

Luc et je forment un couple dépareillé.

Luc est un paparazzi qui papillonne, qui zappe, qui part dans toutes les directions, qui expérimente tout et n'importe quoi, qui ne se fixe nulle part, ou sinon un très court moment, un lunatique qui peut être charmant un instant, odieux l'instant d'après. Il est échec permanent parce qu'il ne va jamais jusqu'au bout d'une de ses nombreuses et lumineuses idées qui tempêtent indéfiniment sous son crâne.

Je est un écrivain qui a de nombreuses entrées sur Google, un peu moins seulement que Christine Angot, qui fait partie de l'établissement, qui participe à des émissions de radio, qui est reconnue par le monde littéraire d'aujourd'hui, qui est bardée de diplômes, qui a besoin de cadre - son double Ruhel le lui procure très bien - qui est tour à tour séduite, agacée par ce borderline de Luc, qui sait très bien comment une telle aventure avec un tel mec ne peut que finir, pour qui la vraie vie c'est d'écrire.

La romance qui se déroule sous nos yeux est nerveuse, dans la première partie, comme l'écriture de je, très moderne, syncopée, avec un vocabulaire qui emprunte beaucoup à celui d'aujourd'hui, mais qui heureusement ne se contente pas de tomber dans cette facilité. L'écriture retrouve une certaine sérénité dans la seconde partie, comme si elle était apaisée par l'épilogue en vue. Ce qui fait qu'au final le lecteur accepte de se laisser malmener. Au bout du compte - c'est le triomphe de Ruhel - il reçoit sa récompense, celle d'avoir persévéré.

Francis Richard

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