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Ariane de Rothschild : » Le profit n’est qu’une part du résultat »

Publié le 15 février 2010 par Ethique2lentreprise

Par Erik Orsenna, de l’Académie française.

Ariane de Rothschild :  » Le profit n’est qu’une part du résultat  »

Avec son époux, le baron Benjamin, Ariane de Rothschild veille à la destinée du groupe Edmond de Rothschild et plus particulièrement à ses activités vinicoles, agricoles, hôtelières. Dans L’art du geste, cette femme de tête rend hommage aux hommes y travaillant… Avec Erik Orsenna, auteur de la préface, elle redéfinit le style Rothschild, faisant rimer valeurs et modernité, de la banque au brie.

Erik Orsenna : Concordia, integritas, industria… la devise familiale pose un trépied de valeurs. Le style Rothschild, que l’on ne peut réduire à l’art de vivre, semble y puiser sa modernité…

Ariane de Rothschild : Cette devise est moderne car elle n’est à aucun moment statique et ouvre une pluralité de sens. La concordia exprime ainsi l’unité mais dans la différence ; l’integritas ne saurait se réduire à une éthique quasi abstraite et extrémiste ; pas plus que l’industria n’est synonyme de simple production, mais rime tout autant avec créativité et innovation.

Et ces valeurs n’ont de sens que dans leur articulation. À l’heure où dans la banque et ailleurs, on s’interroge sur la nature des profits, sur la notion de finance et de développement durable, le défi est d’avancer en créant un équilibre entre ces impératifs. Tout en insufflant cette dynamique au quotidien, dans toutes les activités d’une famille et d’un groupe comme le nôtre qui s’étendent de la banque à la production… de brie.

E.O. : On pourrait dresser ici un parallèle avec les matières premières. Certains pays se contentent de la rente qu’elles procurent ; d’autres, tout en en étant dotés, inventent sans arrêt. Vous n’êtes pas des rentiers. L’expression « riche comme Rothschild » ne révèle d’ailleurs pas d’animosité…

A.d.R. : On est ce que l’on fait. Être Rothschild, c’est savoir que rien n’est acquis et que tout est à entreprendre… Avec passion. J’aime lancer et gérer des projets. Et je suis d’une exigence à la hauteur de la pression du passé – la barre est très haute dans la famille – et de l’avenir. Quel que soit le domaine. La banque, le mécénat, les activités philanthropiques, sont un tout. Et cette famille a toujours beaucoup donné… Dès le XIXe siècle en se penchant sur le logement social ou l’accès aux soins, en créant la fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild. La culture de la famille réside dans ce sens des responsabilités et dans une volonté, entrepreuneriale, de responsabiliser ses membres. C’est ce qui donne un sens à ce que nous voulons transmettre.

E.O. : Quand Henri IV construisit la galerie du bord de l’eau au Louvre, il y installa artistes et artisans : ils y travaillaient, s’y formaient. Il me semble que vous êtes, toutes proportions gardées, dans la même dynamique.L’art du geste, qui rend compte de votre engagement dans les métiers d’art, en témoigne. En esthétique, comme dans le réel, vous faites vôtre lemoto du Guépard :  » Il faut que tout change pour que rien ne change « .

A.d.R. : Sans doute ce que l’on appelle le style Rothschild ne peut se limiter à la préservation d’un décor. Il y a du sens dans la recherche du beau absolu, des jardins des vignobles aux bureaux de nos collaborateurs. Cette exigence ne s’exprime pas que dans des activités de mécénat. Nous n’aimons guère voir les choses mourir… Y compris des savoir-faire. Quand nous rachetons, par exemple, une pépinière lyonnaise en difficulté, le but n’est pas de gagner de l’argent. Mais de permettre à cette activité de vivre et à l’extraordinaire talent de tailleur de pins qui y existe de continuer à s’exprimer.

E.O. : Alors que la bulle financière a été une hypertrophie du virtuel, ce que vous entreprenez est un concentré de réel…

A.d.R. : Travailler avec des artisans, des fermiers, des vignerons rend humble. Leur passion, leur sens des responsabilités, leur travail permettent de garder les pieds sur terre. Ce n’est pas inutile dans le monde contemporain. Songez qu’avant la crise, l’unité de compte dans les discussions de la bulle financière, est passée soudain du million au milliard… Sans que quiconque semble se préoccuper de ce que représentait réellement 1 million d’euros… par exemple pour une entreprise de production de brie !

E.O. : Quand on ne parle qu’emploi, vous répondez métiers. Et comme le métier à tisser, vous tissez du lien… Sans établir de hiérarchie entre les métiers ou les êtres. Sansa priori. Cela pourrait devenir un théorème : « Une famille compassée ne fait pas de brie  » !

A.d.R. : Je retiens ce théorème d’Orsenna ! Et il est vrai que nous voulons favoriser des synergies. Par exemple, quand nous aidons des micro-entreprises de développement durable, pourquoi leur expertise ne pourrait-elle pas être transmise ailleurs dans le groupe ? Ainsi, la notion d’entrepreunariat social est en pendant direct avec la banque. Le monde entre dans une phase de changements structurels et non pas simplement conjoncturels : le profit n’est qu’une part du résultat. -

A lire : L’art du geste, engagement et passion de Benjamin et Ariane de Rothschild, Camille Meyer-Léotard, Textuel.


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