Je ne sais plus pourquoi je t'aime – Gabrielle Zevin

Par Theoma



«Tu avais l'air du genre de personne par qui ça doit être agréable d'être apprécié. »

Naomi Porter tombe dans les escaliers et c'est les quatre dernières années de sa vie qui s'envolent. Naomi tombe dans les escaliers comme dans l'oubli. L'oubli ou le déni de quatre années où tout a changé, où tout s'est enchaîné.


Parfois, quand plus rien n'a de sens tout devient plus clair. Je ne sais plus pourquoi je t'aime est une lecture enthousiasmante qui aborde le sujet fascinant de l'amnésie et qui le transpose avec la mutation de l'adolescence. La narration, très bien construite, est divisée en trois belles parties : J'étais, Je suis, Je serai.

La plume est légère mais pas trop, elle est tout en nuance en traçant ni trop ni trop peu et en nous octroyant le droit d'être responsables des mots qui nous sont transmis. Libre au lecteur de les laisser entrer afin qu'ils continuent le chemin jusqu'aux souvenirs sensibles de l'adolescence.

Le personnage du père m'a particulièrement touchée et vous comprendrez ici pourquoi (d'ailleurs si un tel père existe, j'aimerais savoir s'il cherche à adopter. Je suis propre, je fais mes nuits, suis indépendante intellectuellement et financièrement.) :

« Tous les ans pour mon anniversaire, mon père m'offrait un livre et un seul. Il réfléchissait toujours beaucoup à son choix. C'était très important pour lui, parce que les livres en général sont très importants pour lui. Quand papa dit qu'il va à l'église, il veut dire en fait qu'il va à la bibliothèque ou à la librairie. Pour mon troisième anniversaire, il m'a offert Chien bleu : pour mon neuvième, Le passage de Louis Sachar ; pour mon douzième – le dernier dont je me souvienne, Le Lys de Brooklyn de Betty Smith. Et il me les dédicaçait. Ses messages étaient longs et détaillés, parfois sentimentaux, et souvent drôles. C'était sa manière de me parler. C'était sa manière de me dire les choses importantes. »

Un roman juste et sincère qui offre au une chance rare, celle de réfléchir à elle, à lui, dans le miroir.

Albin Michel, 314 pages, 2009

Encore un extrait parce qu'à cet âge le monde se résume à son propre monde...

« Tout finit par s'oublier, de toute manière. D'abord, on oublie tout ce qu'on a appris : les dates de la guerre de Cent Ans, le théorème de Pythagore,. On oublie surtout tout ce qu'on n'a pas vraiment appris mais qu'on a juste mémorisé la veille au soir. On oublie les noms de pratiquement tous ses profs à part un ou deux, qu'on finira par oublier eux aussi. On oublie son emploi du temps de première, sa place dans la classe, le numéro de téléphone de son meilleur ami et les paroles de cette chanson qu'on a bien écoutée un million de fois. Pour moi, c'en était une de Simon & Garfunkel. Qui sait laquelle ce sera pour toi? Et finalement, mais lentement, tellement lentement, on oublie ses humiliations... même celles qui semblaient indélébiles finissent par s'effacer. On oublie qui était branché et qui ne l'était pas, qui était beau, intelligent, sportif ou pas. Qui est allé dans une bonne fac. Qui donnait les meilleures fêtes. Qui pouvait vous trouver de l'herbe. On les oublie tous. Même ceux qu'on disait aimer, et même ceux qu'on aimait vraiment. Ceux-là sont les derniers à disparaître. Et ensuite, une fois qu'on a suffisamment oublié, on aime quelqu'un d'autre. »

Lu dans le cadre de...

  Organisé par George et en partenariat avec alapage

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Par Theoma - Publié dans : Ados/Jeunes Adultes - Communauté : Chronique de nos lectures
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