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Le racisme, la xénophobie, l’homophobie est une mode malsaine aujourd’hui…

Publié le 16 février 2010 par Philippejandrok

1d02caa1136e867f3c0f993de85b3b46.jpgDepuis les années 1980 avec la montée au pouvoir du socialisme en France, a grandi avec elle un mouvement qui a imposé un nouveau modèle de défense des Droits de l’Homme en France, cette association « SOS Racisme » a ouvert une brèche dans la société Française, une brèche qui peinait à voir le jour.

En effet, nul ne peut nier que la France, mère des Droits de l’Homme s’est toujours distinguée par une attitude profondément raciste envers les populations étrangères, d’ailleurs, il y 40 ans, personne n’aurait pu imaginer avoir un président d’origine hongroise et juif de surcroit à la Présidence de la République, ce qui montre à quel point les mœurs ont évoluées en matière de tolérance de la part du peuple et de certaines élites.

Je ne saurais résister à vous faire partager cette phrase que j’ai dite à mon père en 1981 à propos de la victoire de M. Mitterrand :

- - Alors, on va enfin pouvoir marcher tranquille dans la rue…

Drôle de phrase n’est-ce pas, surtout aujourd’hui, car avant les années 80, je puis vous assurer qu’il ne faisait pas bon être étranger sur cette belle terre de France.

Allez, je vous rafraîchis la mémoire, enfin non, je vais plutôt vous faire partager ce que j’ai vécu lorsque je suis arrivé en Alsace en 1975. Je vous rappelle que l’Alsace est un département Français depuis Louis XIV et que ce n’est pas l’Allemagne, même si cette région frontalière a été tantôt Française, tantôt Alllemande.

À cette époque, mes parents qui voulaient notre bien, ont cru bon d’installer notre famille dans un village Alsacien, à une quinzaine de km de Strasbourg. Nous venions de Paris et mon père était un étranger, réfugié Hongrois arrivé en France en 1957 dans des conditions très pénibles. Il aimait les germaniques, car il gardait un bon souvenir de la culture Allemande du XIXe siècle, Élizabeth de Wittelsbach (1837-1898), Sissi, comme l’appellent les Hongrois était, et reste encore aujourd’hui une personnalité très aimée en Hongrie.

Mon père croyait naïvement que les Alsaciens étaient des gens cultivés et intelligents, cultivés, ils l'étaient du point de vue agricole, mais pour le reste, ils étaient et restaient archaïques pour une grande majorité d’entre eux. Mon père était ingénieur et travaillait, il ne vivait pas d’expédients, de chômage, d’allocations, il travaillait durement avec courage, mais il était étranger et on le lui faisait bien comprendre.

Quand à nous, les enfants, et bien, c’était pire, parce que non seulement nous étions Français, mais nous étions étrangers à l’Alsace, nous étions des sales parigots, c’était entendu, mais en plus, nous étions des fils de Tsigane, parce que les hongrois c'étaient tous des « tsigoïner », des voleurs de poules, nous étions donc sujets aux quolibets, aux insultes quotidiennes en alsacien dans le village, jusque dans les commerces de proximité.

Je me souviens de ce jour où mon père m’avait demandé d’aller lui chercher des cigarettes et du pain à l’épicerie M ; lui, il ne voyait pas le mal, il ne voulait pas le mal, c’était un homme qui aspirait à la paix.

J’étais entré dans l’épicerie, j’avais alors 12 ans, je serrais avec anxiété mes pièces dans ma poche pour ne pas les perdre, devant moi, un retraité du village qui parlait avec la mère M, grosse dame pleine de ressentiment et bouffie de l’orgueil de la commerçante qui croit être le centre du monde parce qu’elle sert justement le monde, mais quel monde ? Elle avait élevé des fils pourris, plein de haine  et d'irrespect, tout aussi prétentieux que l'horrible rombière qu'elle était, parce que, eux, c’étaient les fils de la commerçante et du boulanger le plus riche du village, des « kakès » à qui on pardonnait tout, des voyous de village avec la banane sur la tête et la mobylette au guidon serré en parallèle pour lever les nanas. D’ailleurs, le plus jeune fils s’est tué à l'age de 18 ans, ivre mort, au volant de sa voiture, entraînant avec lui trois autres garçons qui l’accompagnaient en souhaitant profiter de ses faveurs et de ses relations. Tout leur était permis, aux fils de ces odieux Thénardier, même de voler la vie d’autrui. 

Le vieux devant moi me jeta un regard plein de haine alors que je ne le connaissais pas et il reprit sa conversation avec la boulangère en me méprisant avec un plaisir, avec un plaisir qui devait le faire jouir, il est vrai que si j’avais été le fils du préfet, j’aurais bénéficié d’un autre traitement, mais je n’étais que le fils du « tsigoïner » ; dans son discours, le vieux disait :

- Klein tsigoïner… (petit tsigane) Horch lohr (trou du cul)… tout en me lançant des œillades haineuses pour bien montrer son courage face à un enfant de 12 ans, terrorisé à l’idée de se faire rosser par les sales gosses du vieux village qui me détestaient cordialement, par réputation, sans même me connaître :

- Allez, si on allait casser du Tsigoïner pour bien lui montrer qu'on ne s'installe pas chez nous comme ça.

Moi, je ne connaissais pas cet homme et jamais il ne me serait venu à l’idée de le couvrir d’opprobre comme il le faisait en public avec moi, un enfant, je venais juste pour du pain et des cigarettes, mon argent valait celui d’un autre, j’avais pourtant le sentiment d’être un indien en Amérique, un noir en Amérique du temps de la ségrégation raciale. Derrière moi, une vieille du village qui, suivant la discussion avec intérêt, me passa devant sans s’excuser pour se faire servir avant moi :

- C’est vrai quoi, les étranger ils viennent nous voler notre pain, d’abord nous, après les autres, s’il en reste...

Mon tour venu, je commandai enfin les trois paquets de Gitanes filtres et lorsque je demandai du pain chapeau que mon père adorait, soudain, il n’y en avait plus. Je penchais la tête pour indiquer du regard que sur l’étagère il y en avait encore, mais pas de chance, celui-là était, comme par hasard, réservé :

- - Tu comprends donc rien petit, il est réservé… pour les gens de chez nous.

Non, je ne comprenais pas, du pain, il y en avait plus qu’il n’en fallait et le père M en ramenait régulièrement, mais pas pour nous, les étrangers qui n’étaient pas chez eux, mais c’était où, chez nous ?

Sur le chemin du retour à la maison, je passais devant une autre boulangerie, la boulangerie Binkli et l’ambiance était là toute différente.

Madame Binkli était une femme malade, mais très bonne, elle n’a jamais eu un mot, une expression négative à mon égard, au contraire, elle me faisait confiance et m’envoyait même chercher des cigarettes pour son mari, chez les racistes, trente mètres plus bas. En échange, elle me donnait un petit pain, un gâteau, une douceur qui faisait hurler mon frère de jalousie, pourquoi lui et pas moi, se disait-il.

Le matin, en partant à l’école, je passais toujours saluer Madame Binkli, et souvent, elle me donnait un petit pain au chocolat, c’était bien la seule personne de ce village à être gentille avec le fils d’étranger que j’étais, un étranger en qui elle avait entièrement confiance, contrairement aux autres gamins du quartier. J’aimais croire que Madame Binkli avait de l’amitié pour moi, et moi, j’avais un immense respect pour cette femme généreuse et humaine perdue dans cette société de barbares racistes, xénophobes et homophobes.

À Paris, je jouais au foot depuis l’âge de cinq ans, oh, je n’étais pas Zidane, loin de là, mais je n’étais pas mauvais non plus, j’étais un joueur honorable capable de certaines actions d’éclat, je demandais donc à ma mère de me laisser continuer à jouer en Alsace, mais, mais, j’étais un étranger en terre de France et le fils du maire R. que je ne connaissais pas, alla trouver son père en me pointant du doigt, qui alla aussitôt trouver l’entraineur de foot du village ; et de joueur, je devins simple remplaçant qui marquait des buts à l’entrainement et qui attendait tristement tous les samedis qu’on le laissa jouer, assis sur un banc à regarder les autres taper dans le ballon ; cela a duré des mois, des années, le temps de me dégoutter du foot, si fait, que lorsque l’on manquait de joueurs, ils vinrent me chercher, mielleux, gentils, serviles, jusqu’au jour ou j’ai dis non! Je ne vous parle pas de la volée d’insultes racistes que je reçus le jour de ma délivrance, ce jour où j’ai brisé mes chaînes, mais j’étais tellement habitué à prendre ces volées verbales, qu’elles ne pouvaient déjà plus m’atteindre.

À l’école du village, ce n’était guère mieux, je découvrais des gamins incultes, arcboutés sur une culture agricole, sans la moindre élévation d’esprit, sans la moindre ouverture.

En Alsace à l’époque, les cours de religion étaient obligatoires et j’en étais dispensé, puisque mon père issu d’une grande famille et dont les parents avaient été béni par le pape, était suffisamment dégouté par Dieu pour en épargner ses fils.

Du coup, pour les gosses du village, j’étais un Juif, un sale Juif, doublé d’un parigot tête de veau et d’un étranger, j’avais vraiment tout pour réussir à me faire des amis dans ce village de merde !

Au collège, il y avait une fille, étrangère également, enfin, pas tant que ça, sa mère était du village et son père était vietnamien. Elle n’avait pas d’amis, et on ne pouvait pas dire que j’en avais d’avantage, mais je l’avais remarqué, et elle m’avait remarqué, pourtant, je n’ai jamais osé faire le premier pas, j’étais déjà tellement stigmatisé, et elle, certainement plus encore que moi. Je me souviens que la pauvre se faisait constamment traiter de « chinoise, sale chinoise… » elle était la victime expiatoire d‘un garçon du village, battu par son père, un pauvre garçon qui se défoulait sur cette enfant.

J’avais mal pour elle et je n‘ai pas eu le courage d’aller la défendre, je souffrais déjà tellement moi-même et à l’époque, les garçons, n’étaient pas vraiment copains avec les filles, j’étais issu de cette éducation, les garçons d’un côté, les filles de l’autre, mais j’ai regretté toute ma vie de n’avoir jamais rien fait pour elle, car mieux que tout autre, je savais ce qu’elle ressentait, je le vivais moi-même. Je ne lui ai jamais adressé la parole, je sais qui elle est, je connais sa maman qui est une femme douce et très agréable, je l’ai quelques fois croisée depuis 40 ans, et je n’ai jamais osé l’aborder. Je dois dire qu’elle est devenue une femme magnifique et que les monstres qui lui ont fait tellement de mal doivent certainement regretter les méchancetés qu’ils lui ont fait subir s’ils ont un soupçon d’intelligence.

Ce que je souhaiterais dire avec cette note, c’est que le racisme ne frappe pas que les arabes, les africains ou n’importe quelle autre communauté raciale ou religieuse, le racisme, l’homophobie, la xénophobie, frappe tout ceux qui sont différents, alors, lorsque je vois, j’entends des associations de défense qui se jettent systématiquement sur des petites phrases bien innocentes, qu’elles s’offusquent de petits rien, il y a des êtres qui souffrent et qui ont souffert tellement plus et que personne n’a jamais défendu, car, ceux qui s’insurgent aujourd’hui hurlaient jadis avec les loups.

Nous vivons une époque formidable...


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