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Bref historique des politiques d’immigration en France

Publié le 14 novembre 2007 par Pierre

Depuis quelques années, Nicolas Sarkozy a fait de l’immigration un thème central de son action politique. On a dénoncé le caractère répressif des lois qu’il a promulguées, et on s’est indigné de sa volonté d’introduire des tests ADN dans la maîtrise des flux migratoires.
Pour replacer ces événements récents dans une perspective historique, il est intéressant de se pencher sur l’histoire des politiques migratoires en France. Patrick Weil, dans un excellent ouvrage intitulé « La France et ses étrangers » (1), retrace « l’aventure d’une politique migratoire de 1938 à nos jours ».

Depuis la deuxième moitié du XIXème siècle jusqu’aux années 30, l’immigration ne fait pas l’objet d’une politique véritablement cohérente et structurée en France. Le pays, en déficit démographique structurel, a besoin de main d’œuvre. Les immigrés sont donc encouragés à s’installer, afin en priorité de satisfaire les besoins des entreprises. En revanche, ils sont mal payés, disposent de peu de droits et sont soumis à un contrôle sévère de la part de l’administration et de la police. La pérennité de leur présence sur le sol national est remise en cause au cours des années 30, avec la montée des idéologies et des tensions internationales. Des dispositifs ouvertement racistes sont même adoptés par l’Etat français à l’encontre de certaines catégories d’immigrés (Afrique du Nord).
Passons sur Vichy, qui a institutionnalisé une politique ethnique de l’immigration.

1945 voit se structurer une véritable politique d’immigration, encore en vigueur aujourd’hui dans ses grandes lignes : la France se veut un pays d’immigration, les immigrés ont vocation à s’installer durablement sur le sol national, et toute référence à l’origine ethnique est supprimée.
Ce modèle républicain va être secoué par l’épreuve de la décolonisation. On va alors chercher, sans y parvenir réellement, à freiner l’arrivée d’immigrés Nord-Africains.
A partir de 1968, va émerger la question des conditions de vie, déplorables, des immigrés. Petit à petit, à la lumière de quelques faits médiatiques (mort de cinq Maliens à Aubervilliers en 1970, grève des éboueurs en 1972), l’Etat va investir pour améliorer le logement des immigrés et la résorption des bidonvilles… mais le chantier est immense, et les moyens mis en œuvre pas toujours à la hauteur.

1974-1981 : sous l’effet de la crise économique et de l’envolée du chômage, Giscard décide l’arrêt de l’immigration. Après plusieurs lois coercitives à l’encontre des immigrés, Giscard met en place la politique des retours forcés (1977-1981), politique peu efficace et mal perçue par l’opinion publique. Avec l’arrivée de Mitterrand en 1981, changement complet de cap : l’immigré est perçu avec davantage de bienveillance, et on s’efforce de lui offrir les moyens d’une réelle intégration.
C’est à partir de 1984 que, selon Patrick Weil, se met en place le consensus national autour de la question migratoire : stabilisation des étrangers installés en France, absence de politique d’aide au retour dans le pays d’origine et forte maîtrise des entrées sur le territoire. Dans un contexte de cristallisation du débat politique autour des positions du Front National, ce consensus est caché aux yeux de l’opinion publique. Jusqu’à aujourd’hui, l’auteur estime qu’il n’y a plus de réel clivage entre droite et gauche sur la question migratoire. Les débats se polarisent sur la sévérité des sanctions à infliger aux contrevenants (employeurs ayant recours au travail au noir, sans papiers), mais pas sur la logique même du dispositif : maîtrise des entrées et intégration durable des immigrés réguliers.

Les lois Sarkozy – Hortefeux marquent-elles une rupture avec cette conception de la question migratoire ?
Suite de l’article dans quelques jours…

Fred

(1) Ouvrage paru aux éditions Folio Histoire, édition de 2004.


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