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"Il faut les soutenir et s'en souvenir et ne pas les ignorer. Qui ? Les avocats algériens qui se battent en Syrie contre la doctrine de la suprématie raciale des Egyptiens et leur conception d'arabité à plusieurs niveaux. Il faut aussi soutenir les médecins algériens qui se battent contre l'Union arabe des médecins réduite à une Kasma égyptienne avec mandat à vie pour un sous-produit des Moubarak. Car, apparemment, c'en est devenu une règle «arabe»: toute union professionnelle panarabe, même celle des fabricants des jetons en plastique, se doit d'avoir un SG ou un président égyptien, à vie, et être située au Caire, capitale d'un pays qui ne paye pas ses cotisations et vole celle des autres.
Ceci dit, l'objet de la chronique n'est pas uniquement cette réclamation, mais une suite d'indignation: on a cru que cet épisode lamentable de nos faux frères égyptiens au Pouvoir clos par loi de péremption et de la résorption mécanique: leurs guerre ne vont jamais au-delà d'une semaine avec Israël, même si leurs défaites durent plus longtemps. Apparemment non: les élites de ce pays perpétuent encore leur anti-algérianisme et pas seulement sur ordre politique des Moubarak. Il y a chez les intellectuels organiques de ce pays et ses fonctionnaires rentiers, un autre moteur que celui de l'ordre du maître dresseur: une réelle conviction de leur suprématie qui les pousse à des comportements de veuve douairière mise à mal par une révolution du peuple. Aujourd'hui, on en est à de la haine, de la méchanceté, du ridicule et de la véritable guerre.
Une petite tradition mesquine dans la presse algérienne veut qu'on «casse» du Maroc de temps à autre, alors que c'est au pays du Nil qu'on casse de l'Algérien et qu'on poursuit une haineuse campagne de haine incroyable. C'est en Egypte qu'on traficote les frontières, qu'on insulte les symboles, qu'on torture les ressortissants. Avant-hier, c'est ce minable président de la fédération égyptienne de foot qui a joué son cinéma de retrait en Arabie Saoudite, en choisissant d'y aller pour se retirer en public à cause de notre président de la FAF et ainsi mettre en scène sa haine et son second rôle. On apprend aussi qu'une Franco-Algérienne a été exclue de la biennale d'Alexandrie en Egypte à cause de son origine comme ne l'aurait pas osé un gouvernement d'extrême droite en Hollande. Et partout dans le monde arabe, la règle est à une sorte de neutralité peureuse des «frères» arabes face à ce cas clinique d'un pays qui veut exercer son droit d'aînesse arabe, par la violence et le vol, au nom de sa suprématie culturelle et de son fascisme panarabe. Et à la fin c'est encore une fois de la rage sans issues: pourquoi tenir encore à cette fraternité ridicule et au «silence diplomatique» face à une racaille organisée qui se croit permis l'insulte et la logique de «la pureté arabe» pour se présenter en victime et en bourgeoise outrée.
On peut longtemps résister à l'envie folle de cracher sur ces élites égyptienne, au nom de quelques souvenirs esthétiques, mais là c'en est trop. L'Algérie doit réagir et pas seulement sur le mode ridicule de la politesse. C'est trop facile d'appuyer sur «nos boutons» lorsqu'au Maroc un seul article est publié sur l'Algérie et de se taire lorsque de hauts cadres et représentants de l'Algérie sont traités, ailleurs, comme des maladies contagieuses par cette racaille du panarabisme. Aujourd'hui, et à défaut de position claire de notre «Pouvoir», le respect et les salutations des Algériens vont vers des gens comme Raouraoua ou certaines chefs d'entreprises algériennes et certains artistes qui ont encore le souci de la dignité collective et qui «rendent» la pareille à ces missionnaires d'un nouveau nazisme, bâti sur le hold-up de la culture de tous, et sur la ségrégation entre arabes de première classe et nations de «service» dans le cadre de cet ordre raciste. Notre silence n'est plus de mise: il faut répondre encore plus ouvertement à cette racaille et mettre fin au mythe de «la même histoire, la même religion, de la même langue et des mêmes intérêts». Ce n'est plus un après-match mais des jets d'ordures".
Par Kamel Daoud ,’’ Le Quotidien d'Oran , Raina Raikoum‘’