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Publié le 18 février 2010 par 509
Haiti : Pour la construction d’une conscience haïtienne après le séisme de Janvier 2010 (2e partie)
Par Leslie Péan
L’énergie, l’éducation et l’agricultureLa problématique des Haïtiens de l’Extérieur est bien abordée et tient compte du pouvoir économique certain de la diaspora qui peut servir de levier à la reconstruction économique à travers la mise en valeur des flux financiers en provenance de la diaspora. L’objectif louable de ne pas rester à l’écart des moyens modernes pour aider Haïti à avoir accès au marché international des capitaux peut être atteint à travers la rationalisation des transferts monétaires de la diaspora et leur mobilisation pour le développement. Ces transferts monétaires représentent un quart du produit intérieur brut (PIB), 240% des réserves internationales, 143% de l’aide publique au développement et 156% des exportations. Le PSSN ne peut pas négliger la contribution financière que ces Haïtiens peuvent faire à travers la titrisation de leurs transferts monétaires d’un montant annuel supérieur à 1,5 milliard de dollars [2] et l’émission de bons de la diaspora. Des pays comme Israël depuis 1951 et l’Inde depuis 1991 ont pu ainsi tirer respectivement 25 milliards et 15 milliards de dollars pour financer des projets d’infrastructure, de logements, d’hôtels, etc. [3] Les dernières données du Current Population Survey de 2009 indiquent qu’un tiers des immigrants haïtiens ont des revenus annuels qui dépassent 60.000 dollars, soit un pourcentage supérieur à ceux des immigrants en provenance du Mexique, de la République Dominicaine et du Salvador qui n’est que de 15%.La diaspora est la seule force dont dispose Haïti pour la placer dans une position favorable pour les négociations qui vont se dérouler pour l’adoption d’un plan définitif de reconstruction. En estimant que le tiers des Haïtiens vivant aux États-Unis, soit 200.000 personnes, achètent annuellement des bons de reconstruction de la diaspora d’une valeur faciale de mille dollars chacun, cela fait un milliard de dollars sur les cinq prochaines années. Il faut dire : ces bons de reconstruction qui rapporteraient des intérêts annuels de 5% seraient attractifs pour les immigrants haïtiens qui ne gagnent pas actuellement 1% sur leur livret d’épargne. De plus, avec leur rendement, les bons de reconstruction de la diaspora peuvent aussi intéresser les investisseurs institutionnels, une fois négocié un système de garantie avec les institutions financières bilatérales et multilatérales. Enfin, le gouvernement haïtien devrait entamer des négociations avec le gouvernement américain afin qu’une partie des impôts des immigrants haïtiens aux États-Unis soit versée au fisc haïtien. Tous ces mécanismes financiers (titrisation et bons de la diaspora) pour contourner la question de la raréfaction des capitaux ont pour condition essentielle un changement de gouvernance à la tête de l’État en Haïti.À dessein de soutenir l’orientation stratégique essentielle du plan de sauvetage, il faut oser dire : la base du PSSN doit être l’approvisionnement en énergie verte (éolienne, solaire, hydro) et thermale du pays sur les cinq prochaines années. En deuxième priorité viendrait l’éducation pour tous et en troisième priorité, l’agriculture. L’énergie et l’éducation sont nécessaires pour lutter contre la déforestation, reconstituer l’environnement naturel, transformer les produits agricoles et inculquer aux jeunes et aux populations en général de nouvelles normes en matière de construction de logements, de civisme et d’organisation sociale. En magnifiant le PSSN, il faut aussi mentionner la contribution des compatriotes Figaro Joseph, Sylvio Siffrain and Robert Jean du Partnership For A New Haiti qui proposent un plan de reconstruction autour de quatre axes, à savoir l’infrastructure, l’éducation, l’agriculture et la justice. D’autres plans de reconstruction existent dont celui de Mme Clinton, celui de l’Union Européenne, le plan Fonhdilac, le plan Dominicain, etc. Si les Haïtiens n’ont pas les yeux ouverts, ils seront mangés à n’importe quelle sauce dans ce que Naomi Klein nomme « le capitalisme du désastre ».
Que cent fleurs s’épanouissent ! Pour déboucher sur un succès, la reconstruction ne peut pas se circonscrire aux choses matérielles. Il faut un engagement humain sur des horizons éloignés pour sortir les gouvernements haïtiens de leur passivité face au drame de la misère et de la pauvreté. D’où l’idée d’une réforme en profondeur du système judiciaire telle qu’exposée aux pages 37-42 du PSSN. En effet, on ne peut reconstruire la société sur de nouvelles bases avec une justice qui soit celle du plus fort. Comment mettre fin au marronnage qui bloque la communication sociale quand les règles du jeu changent constamment dans l’intérêt des dominants ? La manière d’empêcher que les lois soient esquivées et contournées n’est-elle pas d’inclure le peuple dans les discussions autour du plan de reconstruction ? Le mal haïtien ne vient pas uniquement d’un sous-développement matériel mais aussi d’une pauvreté spirituelle qui se lit dans la conception du pouvoir qui traverse la société. Une conception absolutiste et servile dans laquelle il n’existe pas de partage et où le chef n’a de compte à rendre à personne.
L’aspect qualitatif de la reconstruction ne peut être mis de côté. Sinon, on n’aura aucun résultat. D’abord, cela revient à évoquer la question des acteurs politiques de la refondation. Le séisme n’a pas fait d’Haïti une page blanche. Au contraire, le tremblement de terre a été le révélateur de la crédibilité zéro de l’équipe au pouvoir supportée à bout de bras par la communauté internationale. Ce ne sont pas les hommes qui doivent être les supports des choses, mais les choses qui doivent être les supports des hommes. Puis, c’est le rapport entre donateurs et receveurs qui doit être mis sur de nouvelles bases. Haïti donne l’occasion d’un remodelage des relations internationales aux pays donateurs. Il faut espérer qu’ils saisiront la balle au bond. Pour une modernisation profitable à tous, loin de l’impérialisme dominant avec son univers fragmenté. Toutefois, rien n’empêche à la communauté internationale de mettre en place les structures de veille pour les fonds qui seront alloués à la reconstruction.De manière générale, le plan de sauvetage pose la question des résultats (pages 16, 20, 21, 114) pour mesurer la performance des services gouvernementaux. Ce souci d’utiliser les thèses de Gestion Axée sur les Résultats (GAR) développées par Peter Drucker comme principe de base de gestion, va à l’encontre de tout ce qu’enseigne le système clientéliste en vigueur. C’est une innovation importante qui consiste à mesurer les rendements et à produire des rapports sur ces rendements. On connait la gabegie dans l’élaboration et l’exécution du budget en Haïti. Selon Eddy Pierre-Paul, « le budget du gouvernement haïtien a toujours rimé avec gâchis. Dans le budget 2007-2008, sur 257 millions de gourdes demandés par l’ODVA pour relancer la culture du riz dans la vallée de l’Artibonite, le gouvernement n’a donné que 30 millions de gourdes. Sur un budget total de 77 milliards de gourdes cela représente moins de 1 pour cent. » [4]
Pour empêcher que ce genre de situation se reproduise, il convient d’accélérer la mise en œuvre du cadre de dépenses sectorielles à moyen terme (CDSMT) en tandem avec la Gestion Axée sur les Résultats (GAR). Les ressources financières mobilisées seraient alignées derrière les priorités établies selon une répartition tenant compte des recommandations des experts en termes d’aménagement du territoire. Le CDSMT permettrait ainsi d’assurer le lien entre le budget et les orientations stratégiques. Un processus transparent de planification budgétaire et de préparation du budget permettrait d’allouer les ressources aux priorités stratégiques avec cohérence, rigueur et efficacité. Cela faciliterait un ajustement des programmes à la contrainte financière, en éliminant ou en ajoutant des programmes à partir d’arbitrage entre ministères centraux et sectoriels d’une part, et entre la contractualisation, la subvention et la régulation d’autre part. Le document final de planification serait adopté en Conseil des Ministres avant d’être présenté à l’Assemblée nationale. Il faut oser dire : les minutes du Conseil des Ministres seraient disponibles sur le site web du Premier Ministre afin que les citoyens puissent savoir les analyses structurelles et stratégiques à l’origine des décisions prises.
Diminuer le pouvoir exorbitant de la communauté internationale
L’histoire démontre que la générosité internationale est toute relative. L’intérêt pour l’aide d’urgence peut ne pas se poursuivre dans l’aide pour la reconstruction. Tout est politique y compris l’aide internationale. Les promesses d’aide sont souvent des effets d’annonce. Qu’on se rappelle que des 761 millions de dollars promis à Haïti depuis l’an dernier, seulement 21 millions ont été versés, soit 3% de ce qui avait été promis [5], la compassion n’est donc pas au rendez-vous en dépit du fait que le démarcheur patenté pour demander à ceux qui s’étaient engagés de respecter leur parole soit Bill Clinton, ancien président des États-Unis. Mais ce qui est encore plus grave, c’est que des 402 millions promis en Avril 2009, 85% ne sont pas encore décaissés [6]. La ventilation de l’aide d’urgence requise par secteur d’activité pour les prochains six mois indique bien l’absence du gouvernement dans la gestion des affaires nationales. Cette aide de 575 millions de dollars est utilisée uniquement par les organismes des Nations Unies (FAO, PAM, OCHA, OIM, BIT, UNEP, UNICEF, UNESCO, OMS, etc.) et par des ONG internationales comme OXFAM, Médecins du Monde et Handicap International (HI). Cette dernière organisation (HI) se retrouve deux semaines après le séisme avec 2.000 amputés sur les bras [7]. Les pratiques de la médecine de guerre ont été massivement utilisées sur des blessés dont les membres amputés auraient pu être autrement sauvés [8]. En se cachant derrière les exigences de l’urgence, des disciples d’Esculape ont fait n’importe quoi. C’est la loi du genre lorsque l’on fait à la hâte ! Le gouvernement haïtien, totalement absent, ne pouvait pas refuser leurs offres de service. Enfin le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA en anglais) a fait remarquer que les financements obtenus sont très faibles pour certains secteurs tels que la nutrition (9% des montants requis) et l’agriculture (8%).
Cela renvoie à nouveau au pouvoir exorbitant de la communauté internationale dans les affaires haïtiennes. Il faut dire : un pouvoir d’autant plus narcissique qu’il n’a aucune contrepartie en milieu haïtien où la dictature a fait disparaître la notion de service public. La transformation opérée par le duvaliérisme en mettant des cancres et des ignares aux commandes nationales a reçu l’appui de la communauté internationale pour perpétrer l’idée que les Haïtiens ne peuvent pas faire mieux. Pourtant, il y a plein de cadres haïtiens compétents qui peuvent et savent gérer les affaires publiques et privées. La zombification de la population par la dictature a eu pour effets d’isoler les compétences tout en propageant les idées que l’ésotérisme et le mysticisme sont les voies salutaires vers la richesse et les fondements de l’autorité. Cette ruée vers l’occultisme a engendré un problème de sens à tous les niveaux de la société. Des charabias tiennent lieu d’explications sur les ondes. Un trop plein qui exprime en fait un vide d’interprétation.
Ce sont là des préalables dont le plan de sauvetage ne peut pas faire l ‘économie dans la critique de la conception du pouvoir qui prévaut en Haïti. Le pouvoir se confond avec la pratique d’imposer à l’autre sa volonté, de le manipuler et de le corrompre, afin qu’il soit totalement dépersonnalisé. Cette conception est hégémonique dans les rapports de pouvoir au sein de la société. Elle reflète une volonté d’affirmation de soi et de puissance qui fut celle du maître et que les anciens esclaves se sont approprié en l’appliquant aux gouvernés dans la période post-1804. Cette conception du pouvoir a été appliquée au plus haut point par le duvaliérisme à travers l’avilissement de ses propres collaborateurs, la répression des opposants et la corruption des tontons macoutes avec de l’argent ou un revolver qui revenait à leur donner une licence à tuer, pour avoir leur complicité. Le fondement de l’autorité n’est donc pas dans le soutien indéfectible de la population mais plutôt dans celui des puissances extérieures. C’est justement cette pratique de pouvoir consistant à rechercher la confiance de la communauté internationale au détriment de celle de son propre peuple qui explique la présence de la MINUSTAH en Haïti.Un appauvrissement calculé Le plan de sauvetage national doit assurer également l’intégration pleine et entière des Haïtiens de l’extérieur à travers la promotion des associations de villes d’origine (AVO). Il faut dire : la création d’une Banque de Développement des Collectivités locales à partir des transferts et de l’épargne de la diaspora donnerait un effet levier aux ressources propres des migrants et aux ressources locales pour financer les investissements de base en énergie et en éducation ainsi que leur maintenance dans les villes secondaires. Les AVO en accord avec les municipalités établiraient les contrats de ville avec les services déconcentrés au niveau départemental du ministère de tutelle qui serviraient en même de temps de contrats de performance pour l’évaluation des travaux et services réalisés.
L’histoire d’Haïti est celle d’un appauvrissement calculé de la communauté internationale, comme l’a bien décrit Seumas Milne du journal britannique Guardian [9]. Les dirigeants haïtiens, en échange du pouvoir, se sont prêtés au jeu des puissances française et américaine pour vendre la force de travail de leurs propres frères pour le plat de lentilles du pouvoir. Si aujourd’hui en 2010, ces puissances se découvrent un fonds d’humanité pour réparer les torts séculaires causés à Haïti, on ne peut qu’applaudir. Il faut oser dire et redire : les Haïtiens se doivent de rester vigilants. Pour refuser de renouer avec les mauvaises habitudes de la dette récemment annulée après de fortes pressions des progressistes du monde entier. La vigilance est de rigueur pour que le financement de la reconstruction ne devienne pas un albatros au cou du peuple haïtien et au bénéfice des grandes compagnies internationales. Il faut oser proclamer : Ce n’est pas un moratorium sur la dette qu’il faut à Haïti mais plutôt une annulation totale de cette dernière comme l’ont fait le Venézuela et Taiwan. Cette recommandation de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED ou UNCTAD en anglais) d’annuler la dette d’Haïti doit être suivie à la lettre [10]. Le financement de la reconstruction doit être fait avec des dons pour empêcher que le ratio dette/PIB n’augmente de 24% dans les trois années suivantes comme c’est le cas dans d’autres pays victimes de désastres naturels. Au fait, ce ratio dette/PIB augmente de 43% quand l’aide extérieure n’est pas au rendez-vous.Le plan de sauvetage national doit inclure, à côté du secteur public et du secteur privé, le secteur social comme troisième secteur engagé dans la production, la circulation et la distribution des biens et services. À la lumière du développement des organisations non-gouvernementales (ONG) qui ont envahi Haïti depuis les trente dernières années, la question est d’une grande importance. Le secteur social peut aider au renforcement de la cohésion sociale en augmentant le capital social de la société haïtienne par la réglementation et la promotion des ONG, coopératives, mutuelles et autres associations à but non lucratif qui travaillent pour la production d’un surplus dans leur secteur respectif. Ce surplus qui n’est pas approprié par les membres composant ces dites organisations, est réinvesti et sert essentiellement à étendre leurs activités.
Dieu n’a rien à voir avec le séisme
La politique du rejet de l’intelligence nationale n’a pas changé. Il faut dire : les hommes au pouvoir continuent de s’embourber dans le marécage de l’intégrisme factionnel en écartant toutes les têtes qui dépassent, à défaut de les couper, comme ce fut le cas avec le professeur Anil Louis Juste le 12 janvier 2010. La vermine du pouvoir a la vie dure et persiste, avec le soutien de la communauté internationale, dans sa politique d’extermination de l’intelligence, par des gouvernements fantoches interposés. Le pouvoir des nuls continue sa marche avec le séisme dans les consciences en encourageant les superstitions et l’ignorance. Il faut oser dire : la mascarade d’une comédie est promue le 12 février 2010 pour mieux abêtir les masses terrifiées et pour les enterrer vivantes. Jean Miville-Deschênes a raison d’écrire : « Dieu n’a rien à voir avec le séisme, comme il n’a rien à voir avec la reconstruction d’Haïti. Si on attribue à Dieu un rôle dans les événements futurs, il faudra lui en attribuer un pour les événements passés. Comment pourrais-je compter sur l’aide de Dieu pour améliorer la situation de ces milliers d’Haïtiens, alors qu’il n’a joué aucun rôle pour empêcher cette situation ? » [11]Les démocrates se doivent de protester contre l’exploitation éhontée de la religiosité d’un peuple aux abois. Les sectes sont à l’œuvre pour contraindre le peuple à rester agenouillé et empêcher qu’il se mette debout. Le message de réconfort offert au peuple haïtien se résume à le crétiniser. L’entreprise de décervelage vient perpétuer la résignation. La société haïtienne ne peut connaitre que des moments plus tristes avec un pareil abêtissement. Les privilèges concordataires de la religion catholique, bien que bousculés par l’arrêté mystificateur du 4 avril 2003 sur la reconnaissance officielle du vaudou, dominent encore le marché religieux. Le plan de sauvetage national se doit d’adresser ce problème sérieux en revendiquant la laïcité de l’État. Cette laïcité de jure pourrait être de facto de manière progressive en renforçant les acquis de la Constitution de 1987 dans ce domaine. Le plan de sauvetage national doit mettre le phare sur l’imbroglio religieux qui légitime la religion catholique à travers le Concordat de 1860. En effet, le “oui …mais” du mode de coordination de l’ordre contradictoire se manifeste en plein dans ce domaine axiologique crucial. Le Concordat de 1860 fait partie de l’arsenal juridique haïtien. Selon le vœu de l’article 276-2 de la Constitution de 1987, « les traités ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution, font partie de la Législation du pays et abrogent toutes les Lois qui leur sont contraires ».
Pigeonner la population par des tours de passe-passe
Le sauvetage doit se faire de manière progressive pour bien d’autres raisons dont le fait que les écoles laïques ne constituent qu’un tiers des 15.442 écoles du fondamental (1er et 2e cycles) dans le système éducatif haïtien [12]. L’endoctrinement religieux est fait à la mamelle. Cela fait longtemps que l’État marron s’appuie sur l’église catholique pour se légitimer ou sur le vaudou comme le fit François Duvalier et ses adeptes tontons macoutes. Cette mystification de larrons en foire pour exploiter la crédulité du peuple a assez duré. Il faut dénoncer énergiquement cette tentative du gouvernement moribond de Préval de se refaire une virginité en s’appuyant sur le sacré. La ficelle de cette journée de prière est grosse. Dieu n’a rien à voir avec le tremblement de terre. Vraiment rien à voir ! C’est pigeonner la population par des tours de passe-passe que d’implorer le ciel dans ces circonstances. C’est une entreprise de racolage de bas étage pour masquer l’incompétence et la faillite du gouvernement.
Il ne faut pas laisser des sauveurs de pacotille se revigorer en enfermant le peuple dans les serres de la culpabilité et de la victimisation. Après avoir été absent aux lendemains du séisme, le gouvernement essaie maintenant de se déculpabiliser. Mais il se trompe à nouveau. Il faut le proclamer : le gouvernement n’est pas une sentinelle et ne fait pas preuve de sensibilité d’écoute en encourageant un discours oppresseur ; répandant un amalgame de bêtises et accouchant des pratiques qui désagrègent la pensée. En référer à Dieu pour sortir des maux du séisme revient à répandre des particules de vide. Il faut le dire : pour partager les sentiments de douleur de la population, il n’y a pas d’autres voies que celles de la pensée rationnelle et scientifique afin de sortir les gens de la grande fosse d’aisance créée par le tremblement de terre à la capitale.
Un mois après le séisme du 12 janvier 2010, la continuation de la politique des copains coquins démontre que la mort annoncée d’une certaine Haïti n’a pas eu lieu. On continue comme d’habitude. C’est le business as usual comme disent les anglo-saxons. Les progrès à accomplir pour la reconstruction d’une autre Haïti exigent l’introduction d’innovations qui bousculent les lieux communs du pouvoir politique. Il faut oser le faire : déconstruire le pouvoir pour qu’il ne soit plus uniquement au Palais national mais qu’il prenne corps dans la société civile, dans les collectivités territoriales, dans les coopératives, dans les organisations non gouvernementales qui rendent des comptes sur les projets qu’elles gèrent dans les domaines de l’accès à l’eau potable, de l’éducation, de la santé. Il faut des actions à la mesure des choses. Car se contenter de dire les choses ne peut en aucune façon signifier qu’elles se fassent d’elles-mêmes.Le PSSN doit intégrer un aspect psychologique pour traiter des traumatismes causés par le séisme. Des traumatismes qui mélangent l’ampleur des secousses avec celles du système social qui lui sont antérieures. Des traumatismes qui ajoutent aux délais et obstacles à la réalisation des idées de progrès. Des traumatismes qui persistent avec l’épée de Damoclès d’un autre séisme dans la conscience collective. La catastrophe qui frappe Haïti doit réveiller ses potentialités en adossant le pays entier à cette formidable énergie de survie qui s’est manifestée à travers toutes les couches de la population. La refondation de l’État est à l’ordre du jour pour qu’il puisse jouer son rôle régulateur dans les domaines qui relèvent de sa compétence, tant au niveau de l’enregistrement des naissances que dans celui de l’accès à la terre pour les paysans avec des titres de propriété en bonne et due forme. Le tremblement de terre a touché Haïti dans son âme. Puisse-t-il contribuer à arrêter l’accumulation de problèmes, de désordres et de retards pour entraîner une autre dynamique de partage et d’engagements pour trouver des solutions aux anciens et nouveaux défis à l’heure de la reconstruction. L’équipe du PSSN a fait une contribution qui fera date. On y trouve des préférences nationales et populaires et des sélections de stratégie qui défendent le travail, la coopération, le partage et la solidarité. Les Haïtiens ont intérêt à aller dans le sens de ses propositions.
[1] Voir 1re partie : http://www.alterpresse.org/spip.php...[2] Dilip Ratha, « Helping Haiti through Migration and Remittances », People Move, blogs.Worldbank.org., January 19, 2010.[3] Suhas L. Ketkar, Diaspora Bonds : Track Record & Potential, Vanderbilt University, 2006.[4] Eddy Pierre-Paul, « Préval veut bâillonner l’Assemblée nationale », Haïti-Observateur, 23-30 Avril 2008[5] John Heilprin, “Bill Clinton chides nations over help for Haiti”, Associated Press, Sep 9, 2009.[6] Testimony of Dr. Paul Farmer to the US Senate Committee on Foreign Relations, 27 January 2010.[7] Handicap International, « In Brief — More than 2,000 amputees estimated in Haiti », January 26, 2010.[8] Annick Cojean, « À Port-au-Prince, le ravage des amputations », Le Monde, 30 janvier 2010.[9] Seumas Milne, “Haiti’s suffering is a result of calculated impoverishment”, Guardian, London, January 20, 2010.[10] UNCTAD, “Haiti’s recovery should start with cancelling its debt”, UNCTAD Policy Briefs, no. 11, Geneva, January 2010.[11] Jean Miville-Deschênes, « Haïti et Dieu », Le Soleil, Québec, Canada, 31 Janvier 2010.[12] Direction de la Planification et de la Coopération Externe (DPCE) du MENJS, Recensement 2003, cité dans Lewis Ampidu Clorméus, “Quelques éléments de réflexion pour un débat sur la laïcité en Haïti”, El Colegio Mexiquense, Mexico City, 2009.

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