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A mon camarade étudiant

Publié le 14 novembre 2007 par Timothée Poisot

Camarade!

Dans ta lutte, je te soutiens. Dans ton opposition à cette réforme, je te soutiens. Si je m’étais avisé de monter à la tribune cet après-midi, et de déclamer ceci, j’aurais été acclamé. Porté en triomphe. Dans mille ans encore on aurait contemplé ma statue. Il était des notres.

Qui a osé prétendre que l’université française a besoin d’une réforme? Quelle réforme, aussi profonde soit-elle, pourrait bien améliorer la situation idyllique qui est déjà la notre? Tout, camarade, je te le dis, nous avons tout. Des moyens. Des locaux neufs, agréables à vivre. Du matériel informatique dernier cri. De l’équipement de laboratoire à profusion. Nos enseignants ne sont pas obligés de sacrifier une partie de leur travail de recherche pour nos faire cours. Nos diplômes sont reconnus. Nos universités caracolent en tête de tous les classements. Nous sommes un peuple élu, camarade. Nul besoin de réforme.

Oh, je suis désolé, mon camarade, d’avoir pu te laisse croire un instant que j’étais sincère. Mais je vais, à défaut, être honnête. La réforme ne m’intéresse pas. Ou plutôt elle m’intéresse beaucoup moins, et moi — oui, moi — je vais abandonner le débat sur le fond pour réagir sur la forme. Car au fond de moi se cache aussi un esthète, qui s’il aime les choses accomplies, les aime d’autant plus qu’elles sont bien faites.

Aussi me refuses-je à utiliser mon temps de parole — ou d’écriture, le temps que je m’attribue selon mon bon vouloir, comme toi mon camarade le fait du temps de tribune — pour tenir tribune politique. Point de haro contre les aspects de cette réforme que je me refuse à accepter. Point de longue dithyrambe, non plus, de ceux qui méritent amplement qu’on les considère. Pourquoi? Je me refuse à parler de cette réforme en teintes de gris, quand tu ne comprend, camarade, que le noir ou le blanc.

Alors oui, je m’en prend à la forme. Ou plutôt c’est à elle que je m’en prendrais si forme il y avait jamais eu. Et je doute que tu persévère encore longtemps dans la lecture de ce texte. Ce n’est que l’expression d’un seul. Qu’une opinion. Divergente. Et on sait camarade, j’ai été honnête avec toi, sois le en retour, que l’opinion t’importe peu. Surtout celle des autres. Allez va, l’évolution toute entière est régie par l’égoïsme, ce n’est pas moi qui vais te blâmer pour ta — oh comme je l’espère — passagère animalité.

Point de respect de l’opinion, disais-je. Et je le maintiens. Ton processus démocratique, camarade, est une insulte à la démocratie-en-soi. Tu illustre à toi seul toutes les piques que ce système méritant a subi. Tyrannie de l’incompétence. Le pire de tous les systèmes, à l’exception des autres. J’en passe. Pourquoi cette colère? Pourquoi? Que dire? Comment se justifier face à ceux qui pensent que 450 personnes peuvent décider du sort de 13000? Tu veux savoir d’où vient ma colère? Pas du blocage en lui même, non, j’aurais bien du mal à m’élever contre ce que je faisais il y a deux ans.

Mais contre ces décisions prises en dépit du bon sens. Et contre les réactions stupides qui s’ensuivent. Ceux qui nous assurent qu’arrêter les cours, ce n’est pas grave, que seul le stage compte, et que les UE ne sont là que pour notre culture générale. Ah camarade, comme je t’envie, si tu le penses vraiment. Ou plutôt non. Car quand bien même ce serait vrai, alors tu penses qu’on peut se permettre de manquer de culture générale? Pardonne moi camarade, j’oubliais un moment que toi qui décides à 430 contre 13000, tu n’a de leçons à recevoir de personne.

Bien sûr je t’offre une cible facile. Jeunesse Sakozyenne, penses-tu. Comme tu te trompes. Tu veux des clichés? Je n’ai pas manifesté contre Allègre. Ni contre Fillon. Ni contre Fery. Tu en veux encore? Tu veux faire de moi un traître? Il y a deux ans, j’étais délégué de mon université à la coordination nationale étudiante. Encore plus? Je n’ai pas ma carte à l’UNEF. Frappes moi, camarade. Je sais que tu es plein de haine, car sinon, comment aurais tu pu écrire sur les murs de l’amphithéâtre les cahiers au feu, les profs au milieu?

Alors voilà, camarade. Le blocage de l’université, ça ne me laisse pas indifférent. La réforme qui s’annonce, ça ne me laisse pas indifférent. Mais faire passer ta mascarade pour de la démocratie… Camarade, tu m’appelles à la révolte. Je t’obéis sans plus attendre. Et me révolte contre toi et tes pratiques. Que dire, en effet, de ces intervenants qui se sont succédés à la tribune, sans autre but que d’épuiser l’audience, faisant repartir ceux qui croient encore en leurs études vers les salles de cours? Que dire, d’un blocage sur 3 jours à la première assemblée générale? Que dire de ton idée de voter par mail (est-ce à dire que ceux qui n’ont pas internet ne méritent pas autant que toi d’exprimer leur opinion?)?

Rien. Rien ne me vient. Camarade, tu me sidère. Même si ce pour quoi tu te bats est juste, et mérite qu’on se batte avec toi, tes pratiques le salissent. Tu appelle à ma conscience politique. Allez. Sonde donc la tienne. Et cesse enfin de te gargariser avec ce mot, démocratie, que tu piétines dans le moindre de tes actes.

Hasta siempre.


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