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“À quoi ça sert de faire des choses bien si personne ne...

Publié le 19 février 2010 par Mmepastel

“À quoi ça sert de faire des choses bien si personne ne les voit ?”

Ces paroles terrifiantes sont dites de la voix sucrée de Suzanne Stone, l’héroïne de Prête à tout/To die for, film de 1995 de Gus Van Sant ; Suzanne Stone, incarnée avec jubilation par Nicole Kidman qui commença à être vraiment célèbre après cette performance, nous dit cela, et bien d’autres perles encore (“En Amérique vous n’êtes rien si vous n’êtes pas passé à la télévision”), face à la caméra, dans un témoignage qui raconte sa pauvre histoire, qu’elle trouve merveilleusement vendeuse et qui n’est pour elle que le début d’une fabuleuse ascension vers le firmament des étoiles de la télévision.

Caméra et télévision sont les aimants de Suzanne Stone (il faut la voir lorsqu’elle aperçoit devant son domicile endeuillé -son mari vient d’y être assassiné- des caméras tendues par des journalistes… elle s’y rend comme un robot, comme un lapin pris dans les phares, et se met à babiller devant les objectifs…), mais la plupart des autres personnages du film également, moins maladivement, mais tout de même…

La blonde Suzanne Stone est terrifiante d’ambition et de stupidité (sa blondeur est soulignée par la soeur de son mari pour expliquer l’emprise qu’elle a eu sur son frère -seul personnage doté d’un cerveau et de dignité, joué parfaitement par la géniale Illeana Douglas), mais surtout parce que pour arriver à ses fins (qui la mèneront ironiquement à sa fin solitaire -non médiatisée), elle va se muer en manipulatrice d’un trio de jeunes paumés (dans lequel on remarque le jeune Joachin Phoenix, excellent en ado décérebré) et en tueuse.

C’est un film d’une cruauté rare, car la parcours de l’héroïne odieuse est navrant et dérisoire (elle n’a jamais réussi autre chose que de présenter la météo sur la chaîne locale du village bien nommé Little Hope) et meurtrier, car tous les autres personnages sont victimes de la toute puissance de la télévision puisqu’on les voit (le drame a eu lieu lorsque le film commence-le récit se fait donc à rebours) témoigner toujours face à une caméra : celles d’un documentaire, d’un plateau télévisé. Pour finir d’ailleurs par la gloire télévisée d’un des principaux témoins de l’affaire, Lydia, une des trois “jeunes” pris dans les rêts de l’araignée Suzanne Stone, qui, comme elle le conclut presque innocemment à la fin du film, va finalement être la vraie vedette (bien qu’éphémère - on pense à la parole visionnaire d’Andy Warhol) de l’Amérique-voyeuse.

Gus Van Sant s’y connaît pour pointer les maux de l’Amérique contemporaine, il le prouve ici déjà, bien avant Elephant et Harvey Milk.


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