Récompense pour les pauvres

L’Évangile de ce cinquième dimanche de Temps ordinaire est l’épisode des Béatitudes (Luc 6, 17-26).
D’abord, il faut dire premièrement que ce ne sont pas les gens socialement influents, importants, qui formaient les foules qui suivaient Jésus.
Les puissants le Lui reprochaient d’ailleurs.
Deuxièmement, le mot "pauvres" dans l'Ancien Testament n'a aucun rapport avec la richesse.
Les "pauvres" au sens biblique, les "anawim" sont ceux qui n'ont pas le cœur fier ou le regard hautain. Ce sont les petits, les humbles du pays, dans le langage prophétique.
Ils ne sont pas repus, satisfaits, contents d'eux.
Il leur manque quelque chose, alors D.ieu pourra les combler.
On retrouve là le langage des prophètes qui est tantôt sévère, menaçant, tantôt encourageant. Il est sévère, menaçant quand le peuple fait fausse route, se trompe de valeurs et il est encourageant quand le peuple traverse des périodes de détresse et de désespoir.
Ici Jésus, regardant ses disciples et, au-delà d'eux la foule, éduque leur regard.
Il reprend ces deux langages prophétiques.
C’est le même discours que celui du prophète Jérémie, "Maudit soit l'homme qui met sa confiance dans un mortel, qui s'appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur… Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l'espoir" (Yirmiya (Jérémie) 17, 5 et 7).
Jésus dit que ceux qui mettent leur confiance dans les richesses matérielles, dans leur position sociale, ceux qui se font bien voir ne sont pas sur la bonne route.
Un vrai prophète n'a ni le temps ni la préoccupation d'amasser de l'argent, ou de se faire bien voir. Ce qu’il révèle l’amène souvent à déplaire. Jésus en fera lui aussi l’expérience.
Ces quatre Béatitudes s’appliquent bien à Jésus lui-même.

Il est le pauvre qui n'avait pas une pierre pour reposer sa tête et qui est mort dans le dénuement et l'abandon
Il a eu faim et soif, au désert et jusque sur la croix.
Il a pleuré le deuil de son ami Lazare, il a connu l'angoisse au Jardin des Oliviers, il a pleuré sur le malheur de Jérusalem.
Il a été méprisé, calomnié, persécuté, et pour finir, supprimé, par les puissants.
En proclamant "heureux" ceux qui vivent ces Béatitudes, Jésus rend grâce car il sait de quel regard d'Amour l'enveloppe notre Père, et il sait déjà la victoire de l’Amour.
Il nous révèle ce regard de D.ieu.
Il y a le regard de l'homme, il y a le regard de D.ieu.
L'admiration de l'homme se trompe souvent d'objet, son admiration va vers les riches, les repus, les gâtés de la vie.
Le regard de D.ieu est tout autre.
Le psaume dit "un pauvre a crié, D.ieu l'entend", "d'un coeur brisé et broyé, D.ieu n'a point de mépris" (Tehilim (Psaume) 51).
Le prophète Isaïe, quant à lui, dit "Dans la souffrance qui broie son serviteur, D.ieu l'aime avec un amour de prédilection" (Yéchâya (Isaïe) 53).
D.ieu se penche avec prédilection sue les pauvres, les persécutés, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent, non pas en vertu d'un mérite de leur part, mais en raison de leur situation même.
Le véritable bonheur, c'est en fait ce regard de D.ieu sur nous.
Les pauvres, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim, trouveront alors la force de prendre leur destin en main. Le mot "heureux" veut aussi dire "en marche".
Le peuple d’Israël guidé par Moïse a trouvé la force de sa longue marche dans le désert dans la certitude de la présence constante de l’Éternel à ses côtés.
Nous faisons tous partie, tour à tour, de ceux qui méritent ces paroles de réconfort et de ceux qui n'encourent que réprobation.
Jésus dit "Vous serez rassasiés, consolés, soyez heureux et sautez de joie".
L'Ancien Testament le disait déjà, manière de parler du bonheur qu'apporterait le Messie.