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Le parasite est un loup pour… le parasite

Publié le 15 novembre 2007 par Timothée Poisot

Après avoir expliqué hier comment le parasite s’en prenait au plus faible de ses hôtes, un peu dans la lignée du frappe le quand il est à terre, je vais vous montrer comment un parasite peut aller ennuyer ses petits camarades à l’intérieur d’un hôte. Parce que bien évidemment, un seul hôte est rarement exposé à un seul parasite (j’en reparle à la fin, promis).

Sur le graphique très complexe de gauche, vous pouvez voir deux parasites dans un hôte, en train d’interagir tranquillement dans un hôte. Interaction tranquille signifie en fait, vous l’aurez compris, compétition sans pitié pour la ressource. Imaginez deux parasites qui exploitent le même micro-environnement, par exemple.

Ce qui nous intéresse, c’est ce qui va se produire quand on va rajouter un autre parasite à ce bel assemblage (on dit communauté). La question n’est pas triviale, loin de là, et le phénomène est assez similaire à ce qu’on à vu hier sur la compétition apparente.

Comme vous pouvez le voir, si on introduit P1 dans ce joli système, et qu’il entre en compétition avec P2 et P3 (si ils exploitent la même source de nourriture, le même organe, ou autre, c’est plus que probable), on observe — sans surprise — que P2 diminue, et ça arrange bien P3, qui gagne en importance grâce à P1.

Ce n’est pas une compétition “apparente” comme hier, c’est de la compétition directe. Le parasite n’est pas “utilisé” comme une arme par P2 ou P3, il est au même niveau qu’eux.

Il y a plein de mécanismes qui peuvent expliquer ce genre de situation. Comment un parasite s’y prend pour évincer les autres? Soit il est plus gros, plus performant, et il prend l’avantage; soit (tout simplement) il était la d’abord, et les autres espèces ont plus de mal à prendre pied.

Cette situation “idéale” est fréquente dans la nature. Quand on a un même organe infesté par plusieurs espèces de parasites, l’une prend généralement le dessus. Et peut conduire une autre à l’extinction locale.

En plus des mécanismes décrits juste avant de taille, performance, moment d’installation, il y a un autre phénomène assez intéressant. Sousa et ses collaborateurs ont décrit chez certains hôtes qui étaient hôtes intermédiaires de trématodes (digènes), on avait un phénomène de prédation des larves les plus petites par les plus grandes. Je ne parle pas de cannibalisme, mais bien de prédation, interspécifique.

Je reviens sur ma remarque d’ouverture — un hôte n’est que très rarement exposé qu’à un seul parasite. C’est une remarque loin d’être triviale faite par Claude Combes dans “Interaction Durables”. Loin d’être triviale, pourquoi? La théorie des filtres (énoncée par deux français, de Perpignan, Euzet & Combes, en 1980) explique les “étapes” conceptuelles à franchir pour qu’un parasite “trie” ses hôtes potentiels, et trouve ceux qui lui conviennent (je simplifie, c’est plus subtil que ça).

Mais l’hôte n’a pas vraiment de système équivalent (enfin si, un peu, et c’est pour ça que la théorie des filtres est plus subtile que ce que j’en dis). Et comme conséquence, la diversité spécifique n’est pas la même chose pour un parasite et pour un hôte. Ca ne rend pas mon constat moins trivial? Bien sûr que si! Parce que les conséquences au niveau de l’immunité sont importantes.

Le parasite peut se spécialiser (dans “l’attaque”) sur un hôte. L’hôte ne peut pas spécialiser sa défense contre un parasite particulier. Et le parasitisme agit donc comme une force importante dans le maintien de la diversité — du polymorphisme, de la diversité allèlique, etc — chez les hôtes. Le système immunitaire, il a évolué tout seul, peut-être?

Et ça entraîne une deuxième question — moins évidente, cette fois. Qu’est-ce qui est “mieux” pour un hôte? Beaucoup de parasites d’une unique même espèce — faible diversité, haute intensité —, ou un peu de parasites de plein d’espèces différentes — haute diversité, faible intensité — ?

La réponse reste encore à apporter…

Précision : Vous imaginez bien que si je vous parle, comme ça, de but en blanc, de compétition apparente et de compétition directe, c’est que j’ai une idée bien précise derrière la tête. Alors soyez patients…


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