Magazine Politique

Dominique de Villepin et les déficits publics

Publié le 20 février 2010 par Exprimeo
Dominique de Villepin peut observer avec une attention privilégiée l'arrivée progressive de la question des déficits publics au centre du débat politique français. C'est peut-être la nouvelle donne essentielle pour 2012. Il y a actuellement beaucoup d'ironie dans les commentaires qui entourent la croissance incontestable et accélérée du mouvement Tea Party aux Etats-Unis. Le mot populisme est vite lâché comme si une démocratie pouvait être forte à la condition que le peuple ... reste à l'écart. Derrière ce mouvement, il y a d'abord le retour à des principes simples. Tout d'abord, les responsables politiques doivent connaître la "vraie vie" et ne pas être des professionnels de la politique. C'est sur cette base que Mitt Romney effectue un retour en force actuellement. Il est d'abord un dompteur de déficits publics. Ensuite, les déficits d'aujourd'hui sont les impôts de demain. Les ménages ont dû serrer leurs dépenses pendant la crise. Pourquoi les Etats ne le feraient pas ? Enfin, où est la réalité des déficits publics ? La Grèce n'est-elle pas l'arbre qui cache la forêt ? Le cas grec va probablement donner lieu à des procédures judiciaires de plus en plus évoquées. Goldman Sachs propose un "plan de régulation" à la Grèce qui repose pour partie sur des écritures comptables insincères et la même banque joue ensuite sur des conditions de réendettement du client qu'elle a conseillé. Peut-il y a avoir délit d'initié dans le cadre d'emprunts d'Etats souverains ? Combien d'autres Etats ont mis en oeuvre des plans identiques d'écritures comptables nichant ailleurs une partie de la dette publique ? Et pour quels montants ? Il importe de se rappeler que lors de la crise bancaire, près de 18 mois se sont écoulés entre les signes annonciateurs et la crise globale comme le montre le calendrier ci-dessous. L'actuelle période n'est-elle pas le signe annonciateur d'une nouvelle bulle en voie d'éclatement ? La question se pose très sérieusement. Les Républicains ne vont pas abandonner "ce morceau" facilement. Cela signifie que l'actualité va durablement tourner autour de cette question jusqu'en novembre 2010. Comment réagira l'opinion dans cette durée ? Le vrai calendrier de la crise bancaire : - Février 2007: les défauts de paiements sur les crédits hypothécaires se multiplient aux États-Unis et provoquent les premières faillites d'établissements bancaires spécialisés. - Juin: la banque d'investissement Bear Stearns, qui annonce la faillite de deux fonds spéculatifs, est la première grande banque à subir les dommages de la crise du subprime. - Juillet: la banque allemande IKB est mise en difficulté. - 3 août: les places boursières chutent face aux risques de propagation de la crise. - 9 août: la banque française BNP Paribas annonce le gel de trois de ses fonds d'investissement exposés au marché du subprime. La Banque centrale européenne (BCE) injecte 94,8 milliards d'euros de liquidités et la Réserve fédérale américaine 24 milliards $US. La Banque du Japon, la Banque nationale suisse (BNS) ou encore la Banque du Canada interviennent également. - 10 août: les Bourses plongent. Les grandes banques centrales injectent de nouveau des liquidités dans le système bancaire. - 14 septembre: la Banque d'Angleterre accorde un prêt d'urgence à Northern Rock, cinquième banque de Grande-Bretagne, pour lui éviter la faillite. Des clients paniqués se précipitent pour retirer leur épargne. - 1er octobre: UBS, première banque suisse, annonce une dépréciation d'actifs de 2,4 milliards d'euros, principalement sur le marché du subprime. La banque américaine Citigroup annonce être aussi touchée par cette crise. - Décembre: l'économie américaine souffre des effets de la crise de l'immobilier et du crédit. Les craintes de récession augmentent. - 22 janvier 2008: la Fed baisse son taux directeur de trois quarts de point à 3,50 %, une mesure d'une ampleur exceptionnelle. - 17 février: la banque Northern Rock, en situation critique, est nationalisée par le gouvernement britannique. - 11 mars: les banques centrales conjuguent de nouveau leurs efforts pour soulager le marché du crédit. La Fed se dit prête à fournir si besoin jusqu'à 200 milliards à certaines grandes banques. - 16 mars: le géant bancaire américain JP Morgan Chase annonce le rachat de Bear Stearns, pour seulement 236 millions, avec l'aide financière de la Fed. Le prix sera quintuplé une semaine plus tard. - Juillet/août: la pression monte sur Freddie Mac et Fannie Mae, les deux institutions américaines du refinancement hypothécaire, qui voient leurs cours en Bourse s'effondrer. - 7 septembre: le Trésor américain annonce une mise sous tutelle gouvernementale de Freddie Mac et Fannie Mae, le temps que ceux-ci restructurent leurs finances. Il garantit leurs dettes à hauteur de 100 milliards de dollars pour chacune de ces deux institutions. Les Bourses mondiales accueillent favorablement cette mesure. - 15 septembre: la banque d'affaires Lehman Brothers annonce son placement sous la protection de la loi sur les faillites après l'échec de discusions initiées par la Réserve fédérale de New York pour la sauver. Ce calendrier montre si besoin était combien les bulles ont besoin de temps avant que la communautré internationale "intériorise" la situation et toutes les conséquences. Sur le plan des déficits publics, la situation est actuellement très grave. C'est le cas pour des Etats mais aussi pour des collectivités locales. Si l'opinion s'empare de ce dossier, il est de nature à impacter fortement les équilibres politiques classiques. Tout d'abord, il discrédite une "génération" de responsables politiques : ceux qui sont au pouvoir et qui ont caché la réalité des faits. Ensuite, il change les frontières des débats. La question n'est plus droite ou gauche pour reprendre des terminologies françaises mais les conditions de survie. Enfin, il modifie aussi les profils des nouveaux responsables en installant un besoin de pouvoir d'expertise plus fort qu'en temps calmes. C'est peut-être la donne "idéale" pour un seul profil : Dominique de Villepin. Pour DSK, il est difficile d'imaginer le responsable d'une organisation internationale appelée à secourir de nombreux Etats en pleine crise quitter le "navire" pour ne s'occuper que de l'un d'entre eux. Il y aurait une connotation personnelle face au devoir collectif qui serait probablement un prix politique très élevé. En revanche, pour Dominique de Villepin, ce contexte fait appel à son expérience de l'Etat qui sécurise. Son absence de mandat électif le met à l'abri du probable rejet global des politiques qui n'ont pas vu venir ou n'ont pas voulu voir venir ce "péril". Pour la majorité sortante, elle risque de payer le prix lourd d'avoir évité la pédagogie sur ce dossier en ayant mis en avant tant d'autres "fausses priorités" face à cet accident collectif. Pour le PS, l'ambiance passera à l'acceptation des restrictions sociales incontournables. Chacun perçoit bien qu'une nouvelle donne s'imposerait rapidement. Il importe donc de suivre avec attention les prochains rebondissements de la vie politique US. Si ce dossier s'installe au coeur des élections du mid term, il n'y a pas de raison pour qu'il ne s'invite pas pareillement dans les débats des autres démocraties d'opinion.

Retour à La Une de Logo Paperblog