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La vengeance du dieu Lébé - Trek Jour 1 - Dourou - Nombori - Ydeli - Tireli

Publié le 21 février 2010 par Magalicadet
Départ très tôt en taxi brousse pour Bandiagara, puis Dourou. Je suis toute agitée au fond de la 504, impatiente et sans doute un peu stressée par l’allure de ce vieux tacot sur l’une des trois pistes reliant Bandiagara à la falaise. De petites chèvres imprudentes ne cessent de traverser la route, passant à quelques centimètres du pare-choc rongé par le temps. Nous finissons par percuter un chevreau trainard, je pousse un cri sourd étouffé par la paume de ma main, la pauvre bête se retrouve complètement aplatie par la vieille guimbarde nullement perturbée par ce carnage. Le chauffeur, placide lui aussi, continue, il a l’habitude et, de toute façon, ça pullule ces bêtes là. L’entrée dans la faille à Dourou est prodigieuse, les grès ferrugineux nous cernent rapidement. Nous croisons de nombreuses femmes portant sur la tête des paniers surmontés d’énormes sacs en toile de jute qui échangent avec Souleymane d’interminables salutations. Elles remontent les récoltes maraîchères que les Dogons cultivent de plus en plus grâce à de petits forages. Très rapidement nous surplombons la plaine, vue à couper le souffle sur l’étendue sableuse parsemée essentiellement d’acacias, de baobabs, de figuiers et de karité. Nous descendons et commençons à discerner certains villages qui se confondent avec les éboulis de grès. Les habitations sont plutôt rectangulaires, dotées d’un toit servant de terrasse, et ça et là émergent de petites constructions sur pilotis en bois coiffées d’un chapeau de paille, les greniers, qui servent à stocker le mil essentiellement. Il semble que le pays Dogon de Marcel Griaule ait été figé dans le temps : « Ogol-du-Bas, comme tout village dogon, entassait ses maisons et ses greniers. Terrasses de glaise et toits de paille coniques alternaient. A se faufiler dans ses ruelles d’ombre et de lumière, entre les pyramides tronquées, les prismes, les cubes ou cylindres des greniers et maisons, les portiques rectangulaires, les autels rouges ou blancs en hernies ombilicales, on se sentait nain perdu dans un puzzle. Tout était craquelé sous les pluies et les chaleurs ; les parois de torchis se fissuraient comme des peaux de pachydermes ». Déjeuner copieux à Nombori, je mange bien plus que nécessaire, encouragée par Souley qui me conseille de prendre des forces : du riz recouvert de sauce à base de tomates et d’oignons, c’est délicieux, mais pour compenser l’absence de viande, de légumes, de sucreries, les cuisiniers ont la main lourde sur l’huile d’arachide. Mon foie ne résistera pas, à moins qu’il ne s’agisse d’un avertissement du dieu Lébé dont on vient troubler la tranquillité, ou de façon plus vraisemblable des conséquences de l’ingurgitation de mes concombres tant désirés la veille. Je suis encore lucide lorsque nous traversons la splendide Ydeli surplombée par un village fantôme troglodytique Tellem, qui ne fait qu’un avec cette fantastique paroi rocheuse, haute de 200 à 400m suivant les endroits. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même quelques kilomètres plus loin, me traînant et m’arrêtant tous les 20m pour vider mon estomac tout flapi. C’est la fête lorsque nous arrivons à Tireli dont les ruelles débordent de musique et de cris de joie et je tente de rester digne en m’éclipsant toutefois de temps à autres, prise de spasmes atroces. Nous hésitons à dormir sur le toit du campement, d’abord parce que cela nécessiterait que je descende et remonte l’échelle dogon pas tout à fait commode pour les non initiés, de nuit, plusieurs fois, au grès des caprices de mon système digestif, ensuite parce qu’un vent terrible se lève. Nous nous abritons finalement dans une pièce en terre, exigüe, et aux murs calamiteux. Je ne dors pas, j’ai des crampes terribles, je finis par errer dehors dans la pénombre au risque de croiser le renard, animal sacré qui laisse la nuit ses empreintes, étudiées et décryptées le lendemain par les sages du village. Les oiseaux se sont tus. Pour me consoler je fixe les étoiles, ces boulettes de terre qui auraient été lancées dans le ciel par le dieu Amma, dieu unique, poterie modelée par le Soleil et la Lune. Je profite de ce singulier moment pour lui adresser quelques prières pleines d’espoir quant à l’avenir proche de mon tube digestif.

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