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Fraternité de Tibériade, L’argent dans la vie d’un chrétien (3)

Publié le 23 février 2010 par Walterman

C. Déjà, l’argent sale ! : le message des prophètes.

Vers l’an 1000 se constitue la royauté et des classes riches se forment : fonctionnaires de la cour, commerçants. Dans les villes, des quartiers riches vont se construire. Les prophètes vont réagir avec force contre l’exploitation des pauvres, le luxe des riches et le mauvais fonctionnement de la justice.

Amos est un des premiers à protester. Sur les marchés il est témoin d’innombrables injustices:

« Ecoutez ceci, vous qui vous acharnez pour anéantir les pauvres du pays, vous qui dites : quand donc la nouvelle lune sera-t-elle finie pour que nous puissions vendre du grain, et le sabbat, que nous puissions ouvrir les sacs de blé, diminuant l’épha, augmentant le sicle, faussant les balances menteuses, achetant les indigents pour de l’argent et un pauvre pour une paire de sandales ? Le Seigneur le jure par l’orgueil de Jacob : jamais je n’oublierai aucune de vos actions ! » (Am 8,4-6)

Amos s’en prend également aux femmes qui, pour satisfaire leurs caprices, poussent leurs maris aux pires exactions (4,1-2) ; où les juges qui bafouent la justice pour quelques pots de vin (5,7.10.12-15).

Michée critique les riches qui s’accaparent les biens des pauvres : « Malheureux, ceux qui projettent le méfait et qui manigancent le mal sur leurs lits ! Au points du jour, ils l’exécutent, car ils en ont le pouvoir. S’ils convoitent des champs, ils s’en emparent ; des maisons, ils les prennent : ils saisissent le maître avec sa maison, l’homme avec son héritage » (Mi 2,1-2)

Conclusion : A travers les manoeuvres des grands de ce monde, la richesse apparaît ici comme une source de violence et d’oppression. L’argent en lui-même n’est pas critiqué, mais bien les conséquences sociales lorsque le riche en profite pour écraser le pauvre. Les prophètes n’arrêtent pas de le proclamer : la jouissance des richesses matérielles risque à tout moment de se faire aux dépens du pauvre. On est alors «possédé » par ses biens. La fidélité à l’Alliance conclue avec Dieu disparaît au profit des corruptions et compromissions pour l’argent devenu idole.

D. Les richesses : une épreuve ? Les sages.

Au retour de l’Exil (358), les Sages vont, comme leurs prédécesseurs, reconnaître que les biens matériels correspondant au dessein bienveillant de Dieu qui veut que tous les hommes soient heureux. Mais parce qu’ils savent que les hommes tombent facilement dans le piège de la richesse, les Sages vont rappeler qu’une juste utilisation des richesses réclame modération, prudence et discernement. C’est à se demander si les richesses matérielles ne sont pas une épreuve !

Même si fondamentalement la richesse est un bien3, Qohélet va mettre en garde ses contemporains contre la force perverse qui pousse à l’accumulation des biens : « Qui aime l’argent ne se rassasiera pas d’argent, ni du revenu qui aime le luxe. Cela aussi est vanité » (Qo 5,9). Qohélet va encore plus loin en remettant en cause l’idée classique que la richesse engendre nécessairement la tranquillité. C’est tout le contraire : plus tu as de l’argent, plus tu as des soucis :

« Doux est le sommeil de l’ouvrier, qu’il ait mangé peu ou beaucoup ;

mais la satiété du riche, ne laisse pas dormir » (Qo 5,11 et Si 31,1)

Sans parler des voleurs, des débiteurs et des faillites imprévues. Qohélet pensait-il à « Lernout & Hauspie » ?

Les Proverbes montrent que d’expérience les richesses mènent à l’orgueil (Pr 28,11) ou un sentiment trompeur de sécurité qui détourne de la confiance en Dieu (Pr 30,9 ; 11,28 et Ps 52,9). Avec force, ils rappellent qu’il y a des biens supérieurs aux richesses :

« Bonne renommée vaut mieux que grande richesse,

faveur est meilleure qu’argent et or » (Pr 22,1)

« Mieux vaut un pauvre en bonne santé et de robuste constitution

qu’un riche dont le coeur est atteint. » (Si 30,14)

Ces quelques proverbes le montrent bien : ce n’est pas les richesses comme telles que les Sages accusent mais bien les conséquences : l’illusion du bonheur qui peut conduire au refus de Dieu et le mépris des frères. Cette illusion masque une vérité essentielle : personne n’emportera ses biens dans sa tombe. Les Sages expliquent que seule la Sagesse qui s’enracine dans la connaissance de Dieu peut conduire à une juste et féconde utilisation des biens matériels. C’est ce qu’exprime cette belle prière :

« Ne me donne ni indigence ni richesse,

dispense-moi seulement ma part de nourriture,

car, trop bien nourri, je pourrais te renier

en disant : « Qui est le Seigneur » (Pr 30,7-9)4

Bref, seule la Sagesse peut aider les hommes à surmonter l’épreuve des richesses, comme le dit le Siracide :

« Celui qui aime l’or ne saurait rester juste et celui qui poursuit le gain se laissera fourvoyer par lui. Beaucoup ont été livrés à la ruine à cause de l’or et leur perte est arrivée sur eux. C’est un piège pour ceux qui en sont entichés et tous les insensés s’y laissent attraper. heureux l’homme riche qu’on trouve irréprochable et qui n’a pas couru après l’or. »

Qui est-il, que nous le félicitions ? Car il s’est comporté de façon irréprochable parmi son peuple. Qui a subi cette épreuve et s’en est bien tiré ? Il a bien lieu d’en être fier. Qui a pu commettre une transgression et ne l’a pas commise, faire le mal et ne l’a pas fait ? Alors, il sera confirme dans sa prospérité et l’assemblée énumérera ses bienfaits » (Si 31,5-11).

Conclusion : Au terme de ce parcours dans l’A.T. il apparaît que pour les auteurs bibliques les richesses matérielles font partie du projet de Dieu qui veut que tout être humain soit heureux et ait une vie agréable. (= BENEDICTION)

Mais parce qu’elles renvoient à la liberté de chacun, elles réclament de chacun qu’il fasse preuve de discernement et de responsabilité. Le riche est en situation de danger de faire de ses richesses un absolu ou une fausse sécurité, le danger de ne reconnaître la valeur à sa propre existence et celle des autres en proportion des biens possédés : oubli de Dieu, l’unique richesse et mépris des pauvres. (= EPREUVE)

3 « Les biens du riche dont sa ville forte tandis que la pauvreté des petites gens est leur ruine » (Pr 10,15 ; 14,20 et Si 13,21)

4 Voir aussi: Qo 5,17-19 et Si 29,23



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