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Interview de Michel HOURLIER, Chargé de mission au CFONB (Comité Français d’Organisation et Normalisation Bancaires)

Publié le 23 février 2010 par Sia Conseil

Interview de Michel HOURLIER, Chargé de mission au CFONB (Comité Français d’Organisation et Normalisation Bancaires) En quelques mots, pouvez-vous nous présenter les principales missions du CFONB, ainsi que votre rôle au sein de cette association de Place ?

Le CFONB est le bureau de normalisation de l’industrie bancaire en France. Il a pour mission de permettre aux banques françaises de trouver des solutions sur les sujets qui nécessitent

la mise en place de normes communes, principalement dans le domaine des moyens de paiement. Il représente également la France dans les instances de normalisation européennes et internationales, telles que l’EPC (European Payments Council), ISO, etc… Il regroupe principalement des intervenants issus des établissements de crédit, mais est ouvert à d’autres acteurs. Le CFONB existe depuis 1930.

Plus particulièrement, mes activités consistent à coordonner les pôles CFONB en charge des moyens de paiement électroniques dont le SEPA et de la normalisation des systèmes d’échanges banques / clients. Je suis également Secrétaire du groupe de travail Gestion de la période transitoire du Comité national SEPA et Secrétaire de l’expert team EBICS.

Pouvez-vous nous rappeler pourquoi Etebac occupe un rôle central dans les systèmes de paiement et pour quelles raisons il est devenu nécessaire de le remplacer ?

Etebac est un protocole d’échange qui permet l’exécution des paiements des entreprises et administrations au quotidien. Il permet d’envoyer leurs ordres de paiement aux banques (virements, prélèvements, lettre de change…) et de recevoir des informations bancaires (extraits de comptes, rejets…) Etebac se décline en deux versions : Etebac 3 et Etebac 5, qui sont utilisés respectivement par 90.000 et 4.000 clients des banques.

Créés au milieu des années 1980, ces protocoles s’appuient sur les anciennes infrastructures X25 de France Telecom, qui sont arrivées en fin de vie (arrêt du service annoncé pour le 30 septembre 2011). Qui plus est, Etebac 3 est incompatible avec les nouveaux ordres de paiement au format SEPA (utilisation du XML) et le dispositif de signature sécurisé de Etebac 5 n’est plus en phase avec les dernières innovations en la matière. C’est pourquoi il est aujourd’hui nécessaire de les remplacer. Il s’agit d’un chantier à grande échelle qui concerne les banques, tous leurs clients utilisant Etebac, mais aussi les éditeurs de progiciels de solution de paiement.

Quelles solutions ont été retenues pour succéder à Etebac ?

Le choix n’a pas été simple ! Plusieurs scénarios ont été étudiés : remise à niveau des protocoles Etebac existants, adoption de protocoles utilisés par nos voisins européens (une douzaine ont été passés en revue), ainsi que des solutions commerciales (PeSit,..). Cette phase d’étude a duré 18 mois et a été menée de concert avec les représentants de l’industrie bancaire. A l’issue de ce chantier, le CFONB a retenu deux protocoles.

D’une part le protocole Ebics, d’origine allemande, qui offre un excellent compromis entre l’adéquation aux besoins, le coût de mise en place et l’évolutivité. D’autre part la solution Swiftnet, développée par le réseau Swift international. Les clients pourront se tourner vers l’une ou l’autre de ces solutions, en fonction de leurs besoins, de leur taille et de leurs infrastructures existantes.

Ce choix ne risque-t-il pas d’introduire une dépendance pour l’industrie bancaire française, notamment à l’heure où il est question de développer de nouveaux services de type facturation électronique ou réconciliation automatique ?

Au contraire, le choix d’Ebics correspond une volonté d’ouverture internationale. La coopération a été excellente avec nos homologues allemands. Une nouvelle version du protocole Ebics a d’ailleurs été conçue afin de couvrir au mieux l’ensemble de nos besoins respectifs. Une société franco-allemande va voir le jour dans les mois à venir afin de piloter ce partenariat et les évolutions à long terme. Qui plus est, une fois que cette organisation aura été rodée, notre objectif est de faire participer d’autres pays à ce dispositif.

En ce qui concerne l’inclusion de nouveaux services, il est nécessaire distinguer le protocole d’échange lui-même et le contenu qu’il véhicule. Les nouveaux protocoles peuvent permettre de transporter tous types de contenu, par exemple des états spécifiques au format bureautique. Il s’agit donc de solutions nativement ouvertes aux nouveaux services qui pourraient être amenés à voir le jour.

Le démarrage de la migration a été annoncé en novembre 2009 pour Etebac 3 et au printemps 2010 pour Etebac 5. Comment se passe le début des travaux ?

Certaines entreprises ont déjà migré, notamment celles qui envoient déjà des ordres de paiement au format SEPA ; il s’agit principalement d’entreprises de grande taille. Mais le plus gros reste à faire et cela requiert une organisation assez lourde, notamment du côté des éditeurs (automatisation des montées de version,  maintenance/support…) et des banques (revue des contrats de services). Nous nous dirigeons donc vers une phase d’industrialisation, avec pour objectif que toutes les entreprises utilisant Etebac aient migré avant septembre 2011. Il s’agit d’un calendrier ambitieux, surtout pour les petites entreprises, qui suppose un engagement des banques et des éditeurs, en termes de communication notamment.

Pour accompagner ce projet, le CFONB tient l’ensemble de la documentation normative nécessaire à la disposition des éditeurs qui proposent ou souhaitent proposer des solutions de paiement. Nous répondons à leurs questions et prenons en compte leurs remarques le cas échéant. Toutefois, nous n’avons pas vocation à certifier les solutions mises en place ou à être l’interlocuteur des entreprises. Nous restons avant tout une instance de normalisation.

Quel est le coût et la durée de des projets pour les entreprises ?

Pour Ebics, il s’agit principalement d’installer une mise à jour du progiciel en charge de traiter les ordres de paiement.  En théorie le coût n’est pas forcément très élevé. Par contre, il peut s’avérer nécessaire de changer de solution pour une entreprise qui utiliserait un produit qui n’est plus maintenu ou dont l’éditeur a modifié sa politique tarifaire, en embarquant de nouvelles fonctionnalités par exemple. La migration doit parfois aussi s’accompagner d’un renouvellement du système informatique hébergeant les solutions de paiement.

Concernant Swifnet, les tarifs sont adaptés à la qualité de service fournie par le réseau Swift, aux volumes et dépendent des infrastructures déjà existantes au sein de l’entreprise. A noter que certains clients, peuvent être amenés à mettre en place les deux protocoles, pour des raisons d’organisation historique ou de besoins différents en termes de gestion des moyens de paiement d’une filiale à une autre.

Plus généralement,  quel est votre ressenti sur la mise en oeuvre du SEPA ?

Les débuts sont effectivement difficiles. Deux ans après le lancement du virement SEPA, mis en service le 28 janvier 2008, seulement 1% des ordres passés en France utilisent ce format (4% en Europe). Techniquement le dispositif fonctionne bien mais peu d’entreprises et administrations ont achevé – voire commencé – leurs projets de migration. Quant au prélèvement SEPA, proposé à partir du 2 novembre 2009, des questions structurantes restent toujours à trancher, notamment sur les aspects liés à la gestion des mandats.

Il faut dire que les chantiers à conduire sont lourds. Qui plus est, deux freins majeurs sont venus ralentir la migration des entreprises vers SEPA. D’une part, beaucoup d’entreprises ont souhaité attendre que le virement et le prélèvement soient lancés, afin de mutualiser certains chantiers communs (conversion des BIC-IBAN notamment). D’autre part, la crise économique a contraint les entreprises à réaliser des arbitrages et insérer les projets de migration SEPA dans des programmes plus vastes, à fort enjeu de retour sur investissement.

Cependant, l’année 2010 devrait amorcer une réelle rupture, dans la mesure où les administrations publiques vont basculer en masse sur le virement SEPA dans les mois à venir. Le bond en avant sera très significatif, car elles sont à l’origine de près de 40% des ordres de virement. De plus, des travaux de normalisation décisifs sont en cours pour préciser les contours du prélèvement SEPA, notamment sur la gestion des mandats. L’objectif poursuivi est de régler les questions structurantes avant le prochain Comité de migration SEPA qui se tiendra en juin 2010.

Pensez-vous qu’à terme, le champ du SEPA puisse être élargi, par exemple sur des dispositifs innovants tels que le paiement mobile ?

Le CFONB est en lien constant avec l’EPC (European Payment Council), l’organisme de place qui publie les standards SEPA en Europe. Il existe effectivement des groupes de travail dédiés aux thématiques du m-payment et du e-payment. D’un point de vue technique, les outils existent. Plusieurs pilotes ont vu le jour, certains conduits par des projets de Place, d’autres par des initiatives de certaines banques. Les modèles économiques ne sont pas encore arrivés à maturité, mais quand un consensus de Place se sera dégagé, il n’est pas impossible de voir émerger une volonté de standardisation de ces nouveaux instruments de paiement dans le cadre SEPA.

Quelles sont les nouveautés à prévoir pour les années à venir ?

Nous suivons de très près les aspects liés à la sécurisation des échanges, notamment au niveau des certificats de signature électronique. Il faudra faire évoluer régulièrement Ebics en ce sens, d’autant que l’ouverture à SEPA requiert une attention particulière en termes de sécurité.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà évoqué, nous souhaitons pouvoir étendre Ebics à d’autres pays européens, ce qui pourrait conduire au lancement de nouveaux chantiers à moyen terme.

PARCOURS

Michel Hourlier est diplômé d’une maîtrise d’informatique et de l’IAE en 1975.

Après avoir travaillé dans plusieurs SSII dans le domaine des télécommunications, il rejoint la Société Générale en 1983. Il y occupera plusieurs fonctions successives, notamment celles de Responsable des maitrises d’ouvrages télématiques France, et de Responsable des opérations du Cash Management International.

Toujours à la Société Générale, il devient Directeur adjoint du projet Cash Europe (centralisation des SI paiements des implantions d’Europe de l’Ouest). C’est en 2006 qu’il est détaché au CFONB comme coordinateur du projet SEPA.

Sia Conseil


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