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Sophocle: la Voix de la Navette

Par Montaigne0860

On sait de source sûre que Sophocle a écrit 123 pièces ; sept seulement nous sont parvenues. La culture occidentale a fait de ses pièces sauvées des piliers essentiels pour ses rêveries : les deux Œdipe et Antigone sont au cœur de toutes les considérations politiques, sociologiques ou psychologiques qui sont débattues à notre époque et ce depuis la Renaissance au moins. On se doute, lisant Sophocle, que ce pourrait bien être l’ensemble majeur du théâtre d’occident et que le reste, ma foi, Shakespeare excepté, n’atteint jamais cette largeur de vues. On imagine difficilement ce qu’aurait pu être notre culture si les 123 pièces nous étaient parvenues…
Aristote raconte le sujet d’une pièce de Sophocle qui a disparu ; grâce au philosophe, nous avons la trame : une jeune fille est violée par un garçon ; pour qu’elle ne parle pas, il lui coupe la langue. La jeune fille se lance alors dans un travail de tissage pour raconter ce qui lui est arrivé et donner à voir le visage du coupable. Il est arrêté et exécuté.  
 Cette Voix de la Navette résonne en nous de manière étrange à cause des moyens techniques dont nous aurions disposé pour confondre le coupable. Le tissage, malgré tout, s’avère un moyen autrement malicieux que la recherche d’ADN : cet entrecroisement de fils énonce la vérité des faits et donne à voir le visage du criminel. J’y vois une représentation de l’écriture, où ligne après ligne la vérité se fait jour… l’intérêt de cette trame – le mot convient à merveille – semble inépuisable : poésie, théâtre, écriture, récit, tout est convoqué à la fois. Je n’oublie pas que la musique, où la mélodie n’a de sens qu’appuyée par l’harmonie, est également une trame tissée à la fois horizontalement et verticalement.
La Voix de la Navette est perçue comme une pièce magnifique de perspectives… elle est manquante, c’est vrai… mais le sujet en est si ahurissant qu’il nous semble que nos paroles théâtrales (musicales, mythiques) ne cessent de courir derrière son absence jusqu’à l’essoufflement.


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