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De l'éthique en Pharmacie

Publié le 24 février 2010 par Jean-Didier
Parler d'éthique est une idée qui me tourne dans la tête depuis quelques temps. Je vais prendre pour prétexte une réflexion qui m'a été faite par le titulaire de l'officine où j'exerce: "tu feras comme tu veux quand tu seras chez toi, mais tant que tu es là ce n'est pas ton éthique qui compte mais la mienne".
Je me souviens de ma soutenance de thèse. A son issue, j'ai souhaité prêter serment. La lecture du Serment de Galien fut plus qu'hasardeuse compte tenu de mon émotion à ce moment là. Certes, il y a avait le fait que le jury de thèse venait de rendre sa décision mais j'avais également le sentiment que toutes les tâches que j'allais accomplir durant ma carrière allaient s'inscrire dans la continuité de celles de mes pairs. Et là je ne pense pas seulement aux illustres que sont Galien, Parmentier ou Moisan qui contribuèrent à donner à la Pharmacie ses lettres de noblesse mais à tous ceux qui quotidiennement exercent leur profession dans l'intérêt de la personne.
Je ne suis pas philosophe pour deux sous, je commettrais donc quelques faux pas pour un éthicien. Je ne veux pas parler de morale ou de déontologie mais d’éthique. Quand on parle d’éthique en pharmacie, on s’arrête généralement au problème de la transgression des règles, qui relève de la déontologie. Alors qu’à mon sens, l’éthique interroge le rapport du pharmacien à l’Autre. Qu'est-ce qui guide mes tâches lorsque j'exerce?
J'ai eu et aurais sans doutes des rapports quelques peu conflictuels avec mes employeurs dans le sens où mon exercice n'est pas tourné vers mon profit. Je veux dire par là que je ne pense pas avoir l'éthique "tiroir-caisse". J'ai ainsi beaucoup de mal avec la fameuse règle: "un bon conseil, c'est trois produits!" Pour me déculpabiliser, il m'a été parfois conseillé d'y ajouter la maxime: "tu proposes, le patient dispose". Cette démarche me heurte également: une personne venant à la pharmacie pour un conseil demande mon expertise. Ce recours à mon expertise requiert de ma part une réponse honnête et adéquate.
Cette volonté de répondre honnêtement et de manière adéquate tient tout d'abord au fait que j'ai le sentiment d'appartenir à une corporation. Aussi, mon exercice ne m'implique pas seulement, il implique mes collègues mais aussi mes confrères. Une tâche mal exercée rejaillit non seulement sur moi mais peut entacher l'image de ma profession. C'est ainsi que je refuse autant que faire ce peu de conseiller de la poudre de perlimpinpin, de vendre un produit à marge en sus, de délivrer un produit nécessitant une prescription sans prescription... Je me place donc dans une éthique communautaire.
Cette volonté de répondre honnêtement et de manière adéquate tient également au fait que je peux pas ne pas répondre aux besoins de la personne suivant son intérêt. Je ne peux pas prôner une certaine vision humaniste du soin et ignorer la personne en l'abusant profitant d'une position que la personne m'attribue. C'est ainsi que mon exercice est guidé le plus possible suivant des informations sûres et validées, dans un contexte où les conflits d'intérêts sont au pire évalués, au mieux inexistants, tout ne tenant compte d'une balance bénéfice-risque rigoureuse. C'est ainsi que je ne peux pas conseiller l'Actifed et consorts. Ceci se ressent également dans le suivi d'un médicament sur prescription médicale. Certes la justification de la prescription ne m'incombe pas puisqu'elle revient à la personne ayant posé le diagnostic, mais lors de la prescription d'un médicament à balance bénéfique-risque défavorable, cette éthique centrée sur la personne m'incombe de ne pas démissionner en n'effectuant qu'une simple délivrance mais en réalisant une véritable dispensation, en assurant un suivi adapté de la personne et en lui donnant une information adéquate.
Je m'interroge sur ma place, et la place de mes confrères traversés par les mêmes états d'âmes, dans une profession qui connait une mutation importante, qui bascule du domaine du soin à celui de la finance, qui n'est plus tant intéressée par le bien de la personne que par son propre profit. Quelle est donc cette place dans une profession qui se désintéresse de la personne?
Il serait tellement plus simple d'être un épicier!

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