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Jouer à l'autruche! Les habitants de Coupeau ignorent qu...

Publié le 25 février 2010 par 509
Jouer à l'autruche!
Les habitants de Coupeau ignorent que l'épicentre du séisme meurtrier du 12 janvier 2010 se situait dans leur section communale. Ignorés par les autorités, ils vivent la tête dans les jambes, faisant fi des risques constants d'éboulement qui les menacent.
Dès le premier dimanche qui a suivi le séisme, le rara n'a pas chômé, explique, l'air enjoué, Marie Lourdes. « C'est leur travail, poursuit-elle. Leur seule source de revenus. Les musiciens jouent dans des réceptions de mariage, et souvent ils sont invités à jouer dans des funérailles. »
Munis de deux tambours, de deux vaccines et d'un petit piano sur lequel sont fixés les restes d'un mégaphone, le rara Téléco tient le pas encore ce dimanche 21 février, le 6e depuis que le tremblement de terre a secoué le pays. Il a fait danser ce dimanche-là comme à l'accoutumée.
Cette séance de répétition qu'organise la bande à Coupeau précède un bal de funérailles prévu pour la journée du lendemain à Dégand, une section communale voisine. A la 5e section de Carrefour où vivent quelque 4 600 habitants, on ne cesse de prier pour les 25 morts et disparus et on célèbre à sa manière la vie des survivants qui ignorent encore - ils ne le sauront peut-être jamais - que l'épicentre du séisme dévastateur du 12 janvier avait été localisé chez eux.
D'ailleurs, pour eux, c'est leur foi commune qui a épargné leur vie lors de cette catastrophe. « La terre a tremblé de manière à nous arracher le coeur, des pierres ont roulé comme une meute de ballons fous, raconte Emma. Et les secousses persistent à longueur de journée. Nous les ressentons comme si elles nous habitaient. »
Le lendemain de la catastrophe, plusieurs centaines de personnes se sont déplacées dans cette partie de Carrefour, commune limitrophe de la capitale. Elles sont venues respirer un peu d'air frais chez ces autres Carrefourois qui n'ont pour richesse que les quelques denrées tirées de leurs lopins de terre et le doux climat qui ressemble à celui de Kenscoff. Ces gens-là viennent surtout pour manger. Ayant perdu tout qu'ils possédaient, ils sont amenés à Coupeau par des amis qui n'auraient pas mesuré le coût de cette "invasion". « Nous avons utilisé nos ressources avec excès, reconnait Yves, coordonnateur du conseil d'administration de la section. La famine est à nos portes. On ignore aussi ce qu'on va planter à l'orée du printemps. »
Préoccupations occultées
Il est évident, les habitants de cette partie de terre accueillante d'Haïti n'ont pas perdu leurs maisonnettes fabriquées en tôle et en bois induit de boue. Mais les quatre petites écoles primaires et les églises ont connu le sort réservé aux constructions fragiles faites en béton.
Ce ne sont pas les dégâts enregistrés ni la localisation de l'épicentre des secousses telluriques qui vont pousser les autorités de l'Etat du moins de la commune à penser à ce coin du pays qui vit sous la menace constante d'éboulements. Situé à plus de cinq heures de marche du centre-ville de Carrefour, Coupeau est l'une des sections à posséder la montagne la plus escarpée du département de l'Ouest. Et dire que ce morne abrupt devrait être une préoccupation à cause des éboulements et de remarquables fissures.
« Comme il va y avoir bientôt des élections, nous nous attendons à des visites officielles du maire et de ses concurrents », ironise Lanila, conditionnant le développement de son patelin à la mort de tous ces politiciens. « Ils nous connaissent tous, concède la vieille de 76 ans. Nous sommes des naïfs qui ne s'intéressent qu'aux grains de sucre qu'ils nous jettent par terre, ces politiciens. »
Et dans la foulée des malheurs, plusieurs personnes blessées lors de ce sinistre sont abandonnées, jusqu'ici, aux mains de médecins-feuilles. L'eau potable n'existe plus après l'éboulement qui a comme effacé la principale source qui alimentait les ¾ de la population de Coupeau. Quatre enfants dont trois d'une même famille ont péri dans cet éboulement.
« L'eau était difficile d'accès mais aujourd'hui ça devient un casse-tête », explique Wilner Romélus, responsable d'une petite organisation locale, la Coordination des jeunes progressistes de Coupeau (COJEPROCO), qui précise qu'il faut à présent plus de quatre heures de marche avant d'atteindre une autre source à Miyay, une localité située dans les hauteurs de Léogâne.
Par ailleurs, l'aide alimentaire n'arrive pas à la 5e section communale de Carrefour. Seuls les proches des distributeurs locaux de cette aide sont parvenus deux fois à se procurer des cartes leur donnant droit aux 25 kilos de riz offerts par la USAID au centre-ville de Carrefour.
Lima Soirélus
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