En parcourant internet, on trouve, parfois, des petites perles. Je ferai comme Cléopâtre et les dissoudrai donc dans un peu de vinaigre pour vous les proposer en met exotique à déguster aujourd’hui…
Et pour la première perle, je vous conseillerai la lecture de l’intéressant billet de Chafouin, confrère blogueur de la guilde des Kiwis, qui s’étonne du comportement alambiqué des Socialistes qui, finalement, ne sont jamais contents des décisions sarkoziennes, aussi socialistes soient-elles.
Chafouin est en cela rejoint par Nicolas d’Humeur de Vaches, qui pose franchement la question : Saperlipopette, d’un côté, Emmanuelli, le vieux sexagénaire baroudeur d’un socialisme début 20ème, estime que le choix par Sarkozy de nommer Migaud à la Cour des Comptes ne fait rien qu’à brouiller les cartes de la gauche – pov’chous – et de l’autre, Hamon, le fier quadra ultrasocialiste pourtant chouchouté par Henri, trouve que cette nomination confirme la poursuite de la confiscation des pouvoirs par le vilain président.
Bref : un socialiste à la Cour, c’est tout déroutant, et pas de socialiste à la Cour, c’est de la confiscation. Dilemme.
Pourtant, nos deux compères sont, habituellement, plutôt sur la même ligne, mais patatras, ils disent le contraire. Bordel et confusion, ces deux mots semblent résumer de mieux en mieux tout un parti qui n’en finit pas de disparaître mollement dans une vie politique française de plus en plus foutraque, où la droite ressemble de plus en plus à la gauche et la gauche à rien du tout.
Maintenant, pour en revenir au fond des choses que ces couinements comiques occultent un peu, l’arrivée de Migaud à la Cour des Comptes, est plutôt une bonne chose. Jusque là Président de la Commission des Finances de l’Assemblée, il n’avait pas gardé sa langue dans la poche pour dénoncer les abus qu’il avait constatés, et était même régulièrement l’auteur de questions et de rapports que la presse – et, plus modestement, mon blog – avaient relayés et qui ont, souvent, permis de mettre en avant de vrais problèmes de gestion dans le pays.
Je tempèrerai cependant cette relative bonne nouvelle en notant que, manifestement, si le problème de la Dette était correctement apprécié par Seguin qui n’avait de cesse, à chaque rapport de sa Cour, de clairement mentionner le risque qu’elle faisait peser sur les finances du pays, ce même problème est vu de façon beaucoup plus détendue par le Migaud en question…
Or, on apprend – autre perle, même vinaigre – que l’État français aurait réussi, dans l’exercice comptable pour l’année qui vient de s’achever, à planquer sous le tapis républicain un montant de 119 milliards d’euros.
Grosse bosse du tapis dans le salon sous le buffet Empire, qui a bien du mal à rester droit. C’est à la fois une jolie performance, et, aussi, une marque de grande créativité comptable.
Pour résumer, les déficits abyssaux des comptes sociaux se retrouvent transférés dans un organisme créé ad hoc, la CADES, qui se permet, dans la désinvolture caractéristique des organismes qui n’ont de compte à rendre à personne, de sortir purement et simplement les déficits des comptes publics et, zip zoup ni vu ni connu je t’embrouille, de faire passer en hors-bilan ces déficits. A la longue, ce hors-bilan s’apparente au spectre d’un dépôt-de-bilan…
Mieux : les montants de déficits millésimés 2009 sont – sortez le champagne pour fêter ça ! – tellement énormes que le gouvernement, sentant à la fois qu’il n’aurait pas assez de lessive pour rattraper ses fonds de pantalon tachés et qu’avec la Grèce, on risquait de leur faire des gros yeux, a décidé de reporter une parti de ce déficit vers l’ACOSS – déficit issu lui-même, si vous suivez toujours, d’un report des comptes publics vers les comptes opaques de la CADES.
On joue donc à saute-mouton avec les montants (dont l’unité est le milliard d’euro, pour ceux qui en douteraient), d’un déficit à l’autre, et on innove pour les recouvrir.
Car pour permettre à l’ACOSS de boucler son budget, devinez l’idée lumineuse que nos dirigeants ont eue ? La dernière loi de financement de la Sécu a tout simplement permis à cet organisme … de produire des billets de trésorerie ! Pour un montant de 65 milliards tout de même. Autrement dit : on va financer le déficit de l’ACOSS, qui est en réalité un transfert du déficit de la CADES, qui est en réalité un transfert du déficit de la Sécu, par … de la dette !
La bonne idée que voilà !
Ensuite, lorsque toute cette jolie cavalerie s’essoufflera, que les taux d’intérêts grimperont en flèche et que les marchés parieront sur l’effondrement de tout le bazar, on aura toujours un ou deux branquignole de l’économie pour déclarer doctement : « Sale traders ! L’ultranéolibéralisme a encore frappé« .
Rappelons que, pour résoudre cette série de problème, il aurait fallu, dès le départ, équilibrer les comptes, ce qui veut dire augmenter les cotisations (ouch), réduire les prestations (aïe) ou, plus prosaïquement, rendre au marché, bien meilleur allocataire de ressources que l’état – c’est pas dur vu les performances de ce dernier – , ce qui lui appartient…
Et rappelons aussi que, au lieu d’exposer clairement le problème, mettre chaque Français devant ses responsabilités et, en d’autres termes, faire preuve d’un peu de courage politique, voire, j’ose l’image, proposer une vraie rupture avec ce qui se pratiquait précédemment, Sarkozy n’aura fait qu’entériner les bidouillages massifs qui se pratiquaient déjà, quitte à les perfectionner !
La publication des comptes publics devient donc un véritable festival de trouvailles comptables où chaque petite parcelle d’inventivité sera mise à profit pour camoufler des erreurs, des procrastinations, des horreurs comptables et économiques et remettre au prochain quinquennat ou toujours après d’autres élections le moment où il faudra nettoyer tout ça.
On se retrouve donc au bal des sourires crispés avec pour mot d’ordre « Ne Pas Respirer Trop Fort » de peur que tout casse d’un coup.
Cependant, la réalité, elle, continue son chemin, inaltérée par les tentatives d’enfumage de plus en plus grossières, … et qui durent de moins en moins longtemps : à peine le locataire de l’Élysée avait-il expliqué que le chômage allait baisser, z’allez-voir, ça va être génial, supayr supayr, bing !, l’Institut National des Statistiques revient sur ses calculs pour se rendre compte que – contre toute attente – le nombre de chômeurs continue d’augmenter à un rythme sans précédent.
Heureusement, la crise est finie !